[3,2,12] Ὁ δὲ ποιητὴς, πολύφωνός τις ὢν καὶ πολυίστωρ, δίδωσιν ἀφορμὰς ὡς οὐδὲ
τούτων ἀνήκοός ἐστι τῶν τόπων, εἴ τις ὀρθῶς συλλογίζεσθαι βούλοιτο ἀπ'
ἀμφοῖν, τῶν τε χεῖρον λεγομένων περὶ αὐτῶν, καὶ τῶν ἄμεινον καὶ
ἀληθέστερον. Χεῖρον μέν, ὅτι πρὸς δύσιν ἐσχάτη ἤκουεν αὕτη, ὅπου, καθάπερ
αὐτός φησιν, εἰς τὸν ὠκεανὸν ἐμπίπτει
λαμπρὸν φάος ἠελίοιο,
ἕλκον νύκτα μέλαιναν ἐπὶ ζείδωρον ἄρουραν.
Ἡ δὲ νὺξ ὅτι δύσφημον καὶ τῷ Ἅιδῃ πλησιάζον, ὁ δὲ Ἅιδης τῷ Ταρτάρῳ,
εἰκάζοι ἄν τις ἀκούοντα περὶ Ταρτησσοῦ τὸν Τάρταρον ἐκεῖθεν παρονομάσαι
τὸν ἔσχατον τῶν ὑποχθονίων τόπων, προσθεῖναι δὲ καὶ μῦθον, τὸ ποιητικὸν
σώζοντα. Καθάπερ καὶ τοὺς Κιμμερίους εἰδὼς ἐν βορείοις καὶ ζοφεροῖς
οἰκήσαντας τόποις τοῖς κατὰ τὸν Βόσπορον ἵδρυσεν αὐτοὺς πρὸς τῷ Ἅιδῃ,
τάχα καὶ κατά τι κοινὸν τῶν Ἰώνων ἔχθος πρὸς τὸ φῦλον τοῦτο· καὶ γὰρ καθ'
Ὅμηρον ἢ μικρὸν πρὸ αὐτοῦ λέγουσι τὴν τῶν Κιμμερίων ἔφοδον γενέσθαι τὴν
μέχρι τῆς Αἰολίδος καὶ τῆς Ἰωνίας. Ταῖς δὲ Κυανέαις ἐποίησε παραπλησίως
τὰς Πλαγκτάς, ἀεὶ τοὺς μύθους ἀπό τινων ἱστοριῶν ἐνάγων. Χαλεπὰς γάρ
τινας μυθεύει πέτρας, καθάπερ τὰς Κυανέας φασίν, ἐξ οὗ καὶ Συμπληγάδες
καλοῦνται· διόπερ καὶ τὸν Ἰάσονος παρέθηκε δι' αὐτῶν πλοῦν· καὶ ὁ κατὰ τὰς
στήλας δὲ πορθμὸς καὶ ὁ κατὰ Σικελίαν ὑπηγόρευον αὐτῷ τὸν περὶ τῶν
Πλαγκτῶν μῦθον. Πρὸς μὲν δὴ τὸ χεῖρον ἀπὸ τῆς τοῦ Ταρτάρου μυθοποιίας
αἰνίττοιτό τις ἂν τὴν τῶν τόπων μνήμην τῶν περὶ Ταρτησσόν.
| [3,2,12] Les fictions d'Homère, à considérer aussi bien celles qu'il a pu
composer d'après de fausses données que celles qui reposent sur des
notions plus exactes et plus vraies, nous fournissent plus d'un indice
que ce poète, le curieux, le chercheur par excellence, avait déjà une
certaine connaissance de ces lieux. Ainsi, c'était sans doute une
donnée fausse que cette situation attribuée anciennement à Tartessos
aux derniers confins de l'occident, c'est-à-dire aux lieux mêmes où,
pour nous servir des expressions du poète, disparaît dans l'Océan «
l'étincelant flambeau du soleil trainant après soi la nuit noire sur la terre
au sein fécond. » Mais, comme la nuit, par son nom sinistre, donne à
tous l'idée d'un lieu proche des enfers, et que les enfers à leur tour
confinent au Tartare, on peut supposer qu'Homère, sur ce qu'on lui
avait dit de Tartessos, s'est servi de ce nom en le dénaturant et en a
tiré celui du Tartare, pour l'appliquer ensuite à la partie la plus reculée
des régions souterraines, non sans l'embellir de mainte fiction,
conformément à l'usage des poètes. N'est-ce pas là ce qu'il a fait pour
les Cimmériens? Sur ce qu'il avait appris de la position de ces peuples
au nord et au couchant du Bosphore, il les a transportés au seuil
même des enfers, obéissant peut-être bien aussi en cela à la haine
commune des Ioniens pour cette nation qu'on prétend avoir, du vivant
d'Homère ou peu de temps avant lui, envahi l'Asie jusqu'à l'Éolide et à
l'Ionie. N'est-ce pas par le même procédé encore qu'il a imaginé ses
Planctae ou roches errantes à l'instar des Cyanées, tirant toujours ses
fables de quelque fait réel parvenu à sa connaissance? Comme les
Cyanées sont des écueils dangereux, si dangereux même qu'on les
appelle quelquefois aussi les roches Symplégades, c'est sous les
mêmes couleurs qu'il a représenté les Planctae dans son poème,
imaginant pour plus de ressemblance cette navigation périlleuse de
Jason au milieu des îles errantes. Ajoutons que le détroit des Colonnes
et le détroit de Sicile lui suggéraient aussi tout naturellement ce mythe
des Planctæ. Ainsi de la fiction du Tartare, fondée pourtant sur une
donnée fausse, on peut déjà conclure qu'Homère connaissait la
Tartesside et qu'il y a fait allusion.
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