[2,3,5] Ἐγὼ μὲν οὖν, φησί, μέχρι {τοῦδε} τῆς περὶ τὸν Εὔδοξον ἱστορίας
ἥκω· τί δ' ὕστερον συνέβη, τοὺς ἐκ Γαδείρων καὶ τῆς Ἰβηρίας εἰκὸς
εἰδέναι. Ἐκ πάντων δὴ τούτων φησὶ δείκνυσθαι διότι ἡ οἰκουμένη
κύκλῳ περιρρεῖται τῷ ὠκεανῷ·
Οὐ γάρ μιν δεσμὸς περιβάλλεται ἠπείροιο,
ἀλλ' ἐς ἀπειρεσίην κέχυται· τό μιν οὔτι μιαίνει.
Θαυμαστὸς δὴ κατὰ πάντα ἐστὶν ὁ Ποσειδώνιος, τὸν μὲν τοῦ μάγου
περίπλουν, ὃν Ἡρακλείδης εἶπεν, ἀμάρτυρον νομίσας, καὶ αὐτῶν τῶν
ὑπὸ Δαρείου πεμφθέντων, ὃν Ἡρόδοτος ἱστορεῖ, τὸ δὲ Βεργαῖον
διήγημα τοῦτο ἐν πίστεως μέρει τιθείς, εἴθ' ὑπ' αὐτοῦ πεπλασμένον
εἴτ' ἄλλων πλασάντων πιστευθέν. Τίς γὰρ ἡ πιθανότης πρῶτον μὲν
τῆς κατὰ τὸν Ἰνδὸν περιπετείας; Ὁ γὰρ Ἀράβιος κόλπος ποταμοῦ
δίκην στενός ἐστι καὶ μακρὸς πεντακισχιλίους ἐπὶ μυρίοις που
σταδίους μέχρι τοῦ στόματος, καὶ τούτου στενοῦ παντάπασιν ὄντος·
οὐκ εἰκὸς δ' οὔτ' ἔξω που τὸν πλοῦν ἔχοντας εἰς τὸν κόλπον
παρωσθῆναι τοὺς Ἰνδοὺς κατὰ πλάνην (τὰ γὰρ στενὰ ἀπὸ τοῦ
στόματος δηλώσειν ἔμελλε τὴν πλάνην), οὔτ' εἰς τὸν κόλπον ἐπίτηδες
καταχθεῖσιν ἔτι πλάνης ἦν πρόφασις καὶ ἀνέμων ἀστάτων. Λιμῷ τε
πῶς περιεῖδον ἅπαντας ἀπολλυμένους σφᾶς πλὴν ἑνός;
Περιγενόμενός τε πῶς ἱκανὸς ἦν μόνος κατευθύνειν τὸ πλοῖον οὐ
μικρὸν ὂν, τά γε τηλικαῦτα πελάγη διαίρειν δυνάμενον; Τίς δ' ἡ
ὀξυμάθεια τῆς διαλέκτου, ἀφ' ἧς ἱκανὸς ἦν πεῖσαι τὸν βασιλέα, ὡς
δυνάμενος τοῦ πλοῦ καθηγήσασθαι; Τίς δ' ἡ σπάνις τῷ Εὐεργέτῃ τῶν
τοιούτων καθηγεμόνων, ἤδη γνωριζομένης ὑπὸ πολλῶν τῆς ταύτῃ
θαλάττης; Ὁ δὲ δὴ σπονδοφόρος καὶ θεωρὸς τῶν Κυζικηνῶν πῶς
ἀφεὶς τὴν πόλιν εἰς Ἰνδοὺς ἔπλει; Πῶς δὲ ἐπιστεύθη τηλικαύτην
χρείαν; Πῶς δ' ἐπανιὼν ἀφαιρεθεὶς πάντα παρὰ τὴν ἐλπίδα καὶ
ἀτιμωθεὶς ἔτι μείζονα ἐπιστεύθη παρασκευὴν δώρων; Ἐπανιὼν δὲ καὶ
παρενεχθεὶς εἰς τὴν Αἰθιοπίαν τίνος χάριν ἢ τὰς διαλέκτους
ἀπεγράφετο, ἢ τὸ ἀκρόπρῳρον ἐπυνθάνετο τῆς ἁλιάδος πόθεν
ἐκπέσοι; Τὸ γὰρ μαθεῖν ὅτι ἀπὸ δύσεως πλεόντων ἦν ναυάγιον
οὐδενὸς ἔμελλεν ὑπάρξειν σημεῖον, ἐπεὶ καὶ αὐτὸς ἔμελλεν ἀπὸ
δύσεως πλεῖν κατὰ τὴν ἐπάνοδον. Ἐλθὼν δ' οὖν εἰς Ἀλεξάνδρειαν,
φωραθεὶς ὡς νενοσφισμένος πολλά, πῶς οὐκ ἐκολάσθη, ἀλλὰ καὶ
περιῄει τοὺς ναυκλήρους διαπυνθανόμενος, δεικνὺς ἅμα τὸ
ἀκρόπρῳρον; Ὁ δὲ γνωρίσας οὐχὶ θαυμαστός; Ὁ δὲ πιστεύσας οὐ
θαυμασιώτερος καὶ κατ' ἐλπίδα τοιαύτην ἐπανιὼν εἰς τὴν οἰκείαν; καὶ
μετοικισμὸν ἐκεῖθεν ποιησάμενος εἰς τὰ ἔξω Στηλῶν; Ἀλλ' οὐδ' ἐξὸν
ἦν ἄνευ προστάγματος ἐξ Ἀλεξανδρείας ἀνάγεσθαι, καὶ ταῦτα
νενοσφισμένῳ βασιλικὰ χρήματα. Οὐδέ γε λαθεῖν ἐκπλεύσαντα
ἐνεδέχετο τοσαύτῃ φρουρᾷ κεκλεισμένου τοῦ λιμένος καὶ τῶν ἄλλων
ἐξόδων, ὅσην καὶ νῦν ἔτι διαμένουσαν ἔγνωμεν ἡμεῖς ἐπιδημοῦντες τῇ
Ἀλεξανδρείᾳ πολὺν χρόνον, καίτοι τὰ νῦν πολὺ ἀνεῖται, Ῥωμαίων
ἐχόντων· αἱ βασιλικαὶ δὲ φρουραὶ πολὺ ἦσαν πικρότεραι. Ἐπειδὴ δὲ
καὶ ἀπῆρεν εἰς τὰ Γάδειρα καὶ ναυπηγησάμενος ἔπλει βασιλικῶς,
(καὶ) διαλυθέντος αὐτῷ τοῦ πλοίου, πῶς μὲν ἐναυπηγήσατο τρίτον
λέμβον ἐν τῇ ἐρήμῳ; Πῶς δὲ πλέων πάλιν καὶ εὑρὼν τοὺς ἑσπερίους
Αἰθίοπας τοῖς ἑῴοις ὁμογλώττους οὐκ ὠρέχθη διανύσαι τὸν ἑξῆς
πλοῦν, οὕτω χαῦνος ὢν πρὸς τὸ φιλέκδημον, μικρὸν ἔχειν ἐλπίσας
λοιπὸν τὸ ἄγνωστον, ἀλλ' ἀφεὶς ταῦτα τῆς διὰ Βόγου ναυστολίας
ἐπεθύμησε; Πῶς δ' ἔγνω τὴν λάθρᾳ κατ' αὐτοῦ συνισταμένην
ἐπιβουλήν; Τί δὲ τοῦτ' ἦν τῷ Βόγῳ πλεονέκτημα, ὁ τἀνθρώπου
ἀφανισμός, ἐξὸν ἄλλως ἀποπέμψασθαι; Γνοὺς δὲ τὴν ἐπιβουλὴν πῶς
ἔφθη φυγὼν εἰς ἀσφαλεῖς τόπους; Ἕκαστον γὰρ τῶν τοιούτων οὐκ
ἀδύνατον μέν, ἀλλὰ χαλεπὸν καὶ σπανίως γινόμενον μετὰ τύχης
τινός· τῷ δ' εὐτυχεῖν ἀεὶ συνέβαινεν, εἰς κινδύνους καθισταμένῳ
συνεχεῖς. Πῶς δ' οὐκ ἔδεισεν ἀποδρὰς τὸν Βόγον πλεῖν πάλιν παρὰ
τὴν Λιβύην σὺν παρασκευῇ δυναμένῃ συνοικίσαι νῆσον; Οὐ πολὺ οὖν
ἀπολείπεται ταῦτα τῶν Πυθέου καὶ Εὐημέρου καὶ Ἀντιφάνους
ψευσμάτων. Ἀλλ' ἐκείνοις μὲν συγγνώμη τοῦτ' αὐτὸ ἐπιτηδεύουσιν,
ὥσπερ τοῖς θαυματοποιοῖς· τῷ δ' ἀποδεικτικῷ καὶ φιλοσόφῳ, σχεδὸν
δέ τι καὶ περὶ πρωτείων ἀγωνιζομένῳ, τίς ἂν συγγνοίη; Ταῦτα μὲν οὖν
οὐκ εὖ.
| [2,3,5] «Ici s'arrête, nous dit Posidonius, ce que j'ai pu apprendre des
aventures d'Eudoxe; de ses aventures ultérieures sans doute on saurait
quelque chose à Gadira et en Ibérie, mais ce que j'ai raconté suffit à
démontrer que l'Océan décrit un cercle autour de la terre habitée,
« L'Océan, qu'aucun lien terrestre n'enserre, et qui s'étend à
l'infini, loin de tout mélange impur. »
Il faut bien le dire, tout est prodigieux dans ce récit de Posidonius, à
commencer par ceci, qu'après avoir refusé de croire à l'authenticité du
voyage de circumnavigation de ce mage, dont parle Héraclide, et de cet
autre voyage des émissaires de Darius {Necos} rapporté dans
Hérodote, il ait pu nous donner à son tour comme authentique un conte à
la façon du Bergéen, qu'il avait, sinon inventé lui-même, du molns recueilli
avec trop de crédulité de la bouche d'insignes imposteurs. Quelle
apparence y a-t-il, en effet, qu'il soit arrivé à cet Indien une aussi tragique
aventure? Le golfe Arabique, on le sait, est aussi resserré que le lit d'un
fleuve et s'étend, sur une longueur de 15.000 stades environ, jusqu'au
canal encore plus étroit qui lui sert d'entrée ; il n'est donc pas
vraisemblable que les Indiens naviguant hors de ce golfe aient pu y
pénétrer par mégarde : le peu de largeur de l'entrée les eût infailliblement
avertis qu'ils faisaient fausse route. Y avaient-ils, au contraire, pénétré
sciemment et volontairement: impossible alors de prétexter soit une
erreur de route, soit un caprice des vents. Comment admettre aussi que
ces Indiens se soient tous laissés mourir de faim, un seul excepté?
Comment le survivant suffit-il à diriger lui seul un bâtiment qui n'était pas
apparemment des plus petits, puisqu'il avait été de force à résister à de si
longues traversées? Comment admettre aussi que le même Indien ait pu
apprendre notre langue en si peu de temps et l'apprendre assez bien
pour être en état de persuader lui-même au roi qu'il était capable de
conduire l'expédition? Peut-on supposer d'ailleurs Évergète réduit à une
telle pénurie de pilotes pour l'exploration d'une mer et de parages qui
étaient connus déjà depuis longtemps? Et ce spondophore, ce théore
cyzicénien, comment concevoir qu'il ait quitté sa patrie avec l'intention
arrêtée d'avance d'entreprendre par mer le voyage de l'Inde, et qu'on lui
ait confié {en Égypte} une mission de cette importance ? Comment
concevoir qu'après qu'on l'eut, à son retour, et contre son attente,
dépouillé de sa riche cargaison, en le chargeant qui plus est d'une
accusation infamante, on l'investit cependant du commandement d'une
nouvelle mission, pourvue de présents plus riches encore que la
première? Et quand, au retour de ce second voyage, il fut jeté hors de sa
route sur les côtes d'Éthiopie, qu'avait-il donc besoin de dresser ces
vocabulaires éthiopiens? Qu'avait-il besoin de rechercher, à propos de
cet éperon de bateau-pêcheur, de quel point de l'horizon ledit bateau
avait été jeté à la côte? Le renseignement que le navire auquel avait
appartenu ce débris venait de l'occident ne prouvait rien en somme,
puisque lui-même venait de l'ouest, lorsque, dans son voyage de retour, il
avait abordé chez ces Éthiopiens. D'un autre côté, après son retour à
Alexandrie, quand on l'eut bien et dûment convaincu de détournements
considérables, comment ne le punit-on point, comment le laissa-t-on
circuler librement parmi tous ces patrons de navires, les interrogeant, et
leur montrant l'éperon qu'il avait rapporté? Celui de ces patrons,
maintenant, qui reconnaît ledit éperon n'est-il pas admirable d'assurance?
Et Eudoxe plus admirable encore de se laisser persuader comme il fait et
de s'en retourner dans sa patrie, sur une présomption pareille, pour y
procéder à une émigration en règle vers ces régions perdues au delà des
Colonnes d'Hercule ? D'autant que personne n'avait la faculté de sortir
sans une passe du port d'Alexandrie (l'homme qui avait détourné les
fonds de l'État moins que tout autre apparemment), et qu'il n'y avait pas à
songer à fuir par mer, sans être aperçu, vu la forte garde qui occupait et
qui occupe encore aujourd'hui l'entrée du port et les autres issues de la
ville, comme nous avons pu nous en assurer par nous-même durant le
long séjour que nous avons fait à Alexandrie, bien qu'on se soit beaucoup
relâché de l'ancienne rigueur, depuis que les Romains sont les maîtres du
pays, car sous les Ptolémées la garde de la ville était bien autrement
sévère. N'insistons pas pourtant, voilà notre homme rendu à Gadira, il y
équipe une flotte royale, il part; le vaisseau qui le portait se brise,
comment comprendre que, sur une côte complètement déserte, il ait pu
se faire construire un troisième transport? Et, quand il a repris la mer, qu'il
a abordé chez les Éthiopiens occidentaux et reconnu que leur langue était
la même que celle des Éthiopiens orientaux, est-il vraisemblable qu'un
ardent et curieux voyageur comme lui n'ait pas éprouvé le désir de
poursuivre son exploration jusqu'au bout, alors surtout qu'il pouvait
penser n'avoir plus que peu d'espaces inconnus à franchir? Au lieu de
cela, il renonce à naviguer pour son propre compte, et ne rêve plus
qu'une exploration faite au nom et aux frais de Bogus ! On peut se
demander aussi par quels moyens il a eu connaissance du complot secret
dirigé contre lui, et ce qu'eût gagné d'ailleurs le roi Bogus à faire
disparaître un homme, qu'il pouvait si bien congédier autrement? Mais,
soit, il est instruit du complot; comment réussit-il à prendre les devants et
à se réfugier en lieu sûr? Chacune de ces circonstances en soi n'est pas
assurément impossible, mais ce sont toutes conjonctures au moins bien
difficiles, si difficiles même qu'on ne conçoit pas qu'on s'en puisse tirer à
moins d'un rare bonheur. Eudoxe pourtant, tombé de périls en périls,
échappe à tous heureusement. On ne s'explique pas enfin qu'après s'être
sauvé de la cour du roi Bogus, il ose encore entreprendre un nouveau
voyage le long des côtes de la Libye, et cela avec un attirail suffisant pour
coloniser une île déserte ? Tout cela, il faut en convenir, ne diffère guère
des mensonges des Pythéas, des Evhémère et des Antiphane. Mais au
moins à eux on les passe, comme à des charlatans de profession, tandis
qu'à un dialecticien, à un philosophe, je dirais volontiers au prince des
philosophes, on ne saurait les passer. Blâmons donc ici Posidonius sans réserve.
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