[10d,21] Ἴδιον δ' αὐτοῖς τὸ περὶ τοὺς ἔρωτας νόμιμον· οὐ γὰρ πειθοῖ κατεργάζονται τοὺς
ἐρωμένους ἀλλ' ἁρπαγῇ· προλέγει τοῖς φίλοις πρὸ τριῶν ἢ πλειόνων ἡμερῶν ὁ ἐραστὴς ὅτι
μέλλει τὴν ἁρπαγὴν ποιεῖσθαι· τοῖς δ' ἀποκρύπτειν μὲν τὸν παῖδα ἢ μὴ ἐᾶν πορεύεσθαι τὴν
τεταγμένην ὁδὸν τῶν αἰσχίστων ἐστίν, ὡς ἐξομολογουμένοις ὅτι ἀνάξιος ὁ παῖς εἴη
τοιούτου ἐραστοῦ τυγχάνειν· συνιόντες δ', ἂν μὲν τῶν ἴσων ἢ τῶν ὑπερεχόντων τις ᾖ τοῦ
παιδὸς τιμῇ καὶ τοῖς ἄλλοις ὁ ἁρπάζων, ἐπιδιώκοντες ἀνθήψαντο μόνον μετρίως τὸ
νόμιμον ἐκπληροῦντες, τἆλλα δ' ἐπιτρέπουσιν ἄγειν χαίροντες· ἂν δ' ἀνάξιος, ἀφαιροῦνται·
πέρας δὲ τῆς ἐπιδιώξεώς ἐστιν ἕως ἂν ἀχθῇ ὁ παῖς εἰς τὸ τοῦ ἁρπάσαντος ἀνδρεῖον.
Ἐράσμιον δὲ νομίζουσιν οὐ τὸν κάλλει διαφέροντα, ἀλλὰ τὸν ἀνδρείᾳ καὶ κοσμιότητι . . . καὶ
δωρησάμενος ἀπάγει τὸν παῖδα τῆς χώρας εἰς ὃν βούλεται τόπον· ἐπακολουθοῦσι δὲ τῇ
ἁρπαγῇ οἱ παραγενόμενοι, ἑστιαθέντες δὲ καὶ συνθηρεύσαντες δίμηνον οὐ γὰρ ἔξεστι
πλείω χρόνον κατέχειν τὸν παῖδἀ εἰς τὴν πόλιν καταβαίνουσιν. Ἀφίεται δ' ὁ παῖς δῶρα
λαβὼν στολὴν πολεμικὴν καὶ βοῦν καὶ ποτήριον. Ταῦτα μὲν τὰ κατὰ τὸν νόμον δῶρα . . .
καὶ ἄλλα πλείω καὶ πολυτελῆ, ὥστε συνερανίζειν τοὺς φίλους διὰ τὸ πλῆθος τῶν
ἀναλωμάτων. Τὸν μὲν οὖν βοῦν θύει τῷ Διὶ καὶ ἑστιᾷ τοὺς συγκαταβαίνοντας, εἶτ'
ἀποφαίνεται περὶ τῆς πρὸς τὸν ἐραστὴν ὁμιλίας εἴτ' ἀσμενίζων τετύχηκεν εἴτε μή, τοῦ
νόμου τοῦτ' ἐπιτρέψαντος, ἵν' εἴ τις αὐτῷ βία προσενήνεκται κατὰ τὴν ἁρπαγήν, ἐνταῦθα
παρῇ τιμωρεῖν ἑαυτῷ καὶ ἀπαλλάττεσθαι. Τοῖς δὲ καλοῖς τὴν ἰδέαν καὶ προγόνων
ἐπιφανῶν {αἰσχρὸν} ἐραστῶν μὴ τυχεῖν, ὡς διὰ τὸν τρόπον τοῦτο παθοῦσιν. Ἔχουσι δὲ
τιμὰς οἱ παρασταθέντες οὕτω γὰρ καλοῦσι τοὺς ἁρπαγέντασ̓· ἔν τε γὰρ τοῖς χοροῖς καὶ τοῖς
δρόμοις ἔχουσι τὰς ἐντιμοτάτας χώρας, τῇ τε στολῇ κοσμεῖσθαι διαφερόντως τῶν ἄλλων
ἐφίεται τῇ δοθείσῃ παρὰ τῶν ἐραστῶν, καὶ οὐ τότε μόνον ἀλλὰ καὶ τέλειοι γενόμενοι
διάσημον ἐσθῆτα φέρουσιν, ἀφ' ἧς γνωσθήσεται ἕκαστος κλεινὸς γενόμενος· τὸν μὲν γὰρ
ἐρώμενον καλοῦσι κλεινὸν τὸν δ' ἐραστὴν φιλήτορα.
| [10d,21] Une autre coutume propre aux Crétois est celle qui réglemente la pédérastie.
Ce n'est point, en effet, par la persuasion, mais bien par le rapt, qu'ils s'assurent la
possession de l'objet aimé. Trois jours et plus à l'avance l'éraste prévient de son projet
d'enlèvement les amis du jeune garçon qu'il aime. Or, ce serait pour ceux-ci le comble
du déshonneur s'ils cachaient l'enfant ou qu'ils l'empêchassent de passer par le chemin
indiqué : ils paraîtraient avouer par là qu'il ne méritait pas les faveurs d'un éraste aussi
distingué. Que font-ils, alors ? Ils se rassemblent, et, si le ravisseur, par son rang et à
tous autres égards, est dans une position égale ou supérieure à celle de la famille de
l'enfant, ils se contentent, dans leur poursuite, pour se mettre en règle avec la loi, de
faire un semblant d'attaque ; mais ils laissent, en somme, enlever l'enfant, et en
témoignent même toute leur joie. Que le ravisseur, au contraire, soit d'un rang
notoirement inférieur, ils lui enlèvent impitoyablement l'enfant des mains. En tout cas, la
poursuite cesse dès que l'enfant a franchi le seuil de l'andrion de son ravisseur.
Généralement, ce qui séduit les Crétois, ce n'est pas tant la beauté du corps de l'enfant,
que la vaillance de son âme et la décence de ses moeurs. {Une fois en possession de
celui qu'il aime}, l'éraste le comble de présents et l'emmène loin de la ville, où il veut.
Seulement tous ceux qui ont été témoins de l'enlèvement deviennent leurs
compagnons, et, après qu'ils ont passé deux mois tous ensemble à banqueter et à
chasser (la loi n'autorise pas le ravisseur à retenir l'enfant plus longtemps), ils regagnent
la ville de compagnie. L'enfant est alors rendu à la liberté : il reçoit de son éraste,
indépendamment du manteau de guerre, du boeuf et de la coupe, qui sont les dons
prescrits par la loi une infinité d'objets de prix, ce qui constitue pour l'éraste une dépense
si forte que ses amis se cotisent d'ordinaire à cette seule fin de lui venir en aide. L'enfant
immole à Jupiter le boeuf qu'il a reçu et offre un dernier banquet à tous ceux qui l'ont
ramené à la ville ; après quoi, il déclare hautement s'il a eu ou non à se louer de ses
rapports avec son éraste : c'est la loi qui autorise cette déclaration, et elle le fait pour
que l'enfant sache qu'en cas de violence de la part de son éraste pendant l'enlèvement
il a le droit de se venger et de fuir loin de lui. Un jeune garçon, beau de corps et noble
de naissance, qui ne trouve pas d'éraste {est déshonoré} : on suppose qu'un vice de
coeur a seul pu lui attirer cet outrage. Les parastathentès, au contraire (tel est le nom
qu'on donne aux enfants qui ont été enlevés), jouissent d'importantes prérogatives : ils
ont les places d'honneur dans les choeurs et dans les exercices du stade, et peuvent se
distinguer de leurs camarades en portant la robe qui leur a été donnée par leur éraste,
conservant même ce droit par delà l'agélé, car on les voit, devenus des hommes, porter
encore un costume particulier, lequel permet de reconnaître tous ceux qui, dans leur
enfance, ont été clines. Cline est le nom qui, chez les Crétois, désigne l'érasme,
autrement dit l'objet aimé. Quant à l'éraste, ou amant, ils l'appellent le philétor. Telles
sont les lois ou coutumes qui président, en Crète, à la pédérastie.
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