[10d,19] Λέγεσθαι δ' ὑπὸ τῶν Κρητῶν ὡς καὶ παρ' αὐτοὺς ἀφίκοιτο Λυκοῦργος κατὰ
τοιαύτην αἰτίαν· ἀδελφὸς ἦν πρεσβύτερος τοῦ Λυκούργου Πολυδέκτης· οὗτος τελευτῶν
ἔγκυον κατέλιπε τὴν γυναῖκα· τέως μὲν οὖν ἐβασίλευεν ὁ Λυκοῦργος ἀντὶ τοῦ ἀδελφοῦ,
γενομένου δὲ παιδὸς ἐπετρόπευεν ἐκεῖνον, εἰς ὃν ἡ ἀρχὴ καθήκουσα ἐτύγχανε·
λοιδορούμενος δή τις αὐτῷ σαφῶς εἶπεν εἰδέναι διότι βασιλεύσοι· λαβὼν δ' ὑπόνοιαν
ἐκεῖνος ὡς ἐκ τοῦ λόγου τούτου διαβάλλοιτο ἐπιβουλὴ ἐξ αὐτοῦ τοῦ παιδός, δείσας μὴ ἐκ
τύχης ἀποθανόντος αἰτίαν αὐτὸς ἔχοι παρὰ τῶν ἐχθρῶν, ἀπῆρεν εἰς Κρήτην. Ταύτην μὲν
δὴ λέγεσθαι τῆς ἀποδημίας αἰτίαν· ἐλθόντα δὲ πλησιάσαι Θάλητι μελοποιῷ ἀνδρὶ καὶ
νομοθετικῷ, ἱστορήσαντα δὲ παρ' αὐτοῦ τὸν τρόπον ὃν Ῥαδάμανθύς τε πρότερον καὶ
ὕστερον Μίνως, ὡς παρὰ τοῦ Διός, τοὺς νόμους ἐκφέροι εἰς ἀνθρώπους, γενόμενον δὲ καὶ
ἐν Αἰγύπτῳ καὶ καταμαθόντα καὶ τὰ ἐκεῖ νόμιμα, ἐντυχόντα δ', ὥς φασί τινες, καὶ Ὁμήρῳ
διατρίβοντι ἐν Χίῳ, κατᾶραι πάλιν εἰς τὴν οἰκείαν, καταλαβεῖν δὲ τὸν τοῦ ἀδελφοῦ υἱὸν τὸν
Πολυδέκτου Χαρίλαον βασιλεύοντα· εἶθ' ὁρμῆσαι διαθεῖναι τοὺς νόμους φοιτῶντα ὡς τὸν
θεὸν τὸν ἐν Δελφοῖς, κἀκεῖθεν κομίζοντα τὰ προστάγματα, καθάπερ οἱ περὶ Μίνω ἐκ τοῦ
ἄντρου τοῦ Διὸς παραπλήσια ἐκείνοις τὰ πλείω.
| [10d,19] Voici, d'ailleurs, comment les Crétois expliquent le voyage de Lycurgue dans
leur île. Lycurgue avait un frère aîné, nommé Polydecte. Celui-ci mourut, laissant sa
femme enceinte. Lycurgue prit alors sur le trône la place de son frère ; mais, l'enfant
venu au monde, il se contenta de veiller comme tuteur sur celui à qui la couronne
appartenait de droit. Cela n'empêcha point qu'un malveillant, un jour, ne lui dit qu'il
savait de science certaine que tôt ou tard il règnerait. Sur ce simple propos, Lycurgue
pressentit l'intention, dans le public, de lui attribuer quelque projet d'attentat sur la
personne de son pupille ; et, craignant que, si le pauvre enfant venait à mourir tout à
coup, ses ennemis ne l'accusassent de cette mort, il partit pour la Crète. Telle est la
cause que les Crétois attribuent au voyage de Lycurgue dans leur île. Une fois en Crète,
Lycurgue aurait visité d'abord Thalès, musicien et législateur célèbre, et aurait appris de
lui de quelle manière Rhadamanthe, le premier, et Minos, après lui, avaient publié et fait
accepter leurs lois, les disant recueillies par eux de la bouche même de Jupiter ; puis,
de Crète, il aurait passé en Egypte, s'y serait enquis de tout ce qui avait rapport aux lois
et institutions ; aurait encore, au dire de certains auteurs, rencontré Homère, qui à cette
époque, était fixé dans l'île de Chios, et, retournant ensuite dans sa patrie, y aurait
retrouvé en possession du trône le fils de son frère Polydecte, Charilaüs. Il aurait alors
pensé à promulguer ses lois, et, étant allé à Delphes comme pour consulter Apollon,
aurait été censé en rapporter tout un ensemble de commandements divins, de même
que Minos autrefois avait rapporté de l'Antre de Jupiter ses fameuses tables de lois,
avec lesquelles, d'ailleurs, la plupart des lois de Lycurgue offrent une grande
ressemblance.
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