[10d,16] Τῆς δὲ πολιτείας ἧς Ἔφορος ἀνέγραψε τὰ κυριώτατα ἐπιδραμεῖν ἀποχρώντως ἂν
ἔχοι. Δοκεῖ δέ, φησίν, ὁ νομοθέτης μέγιστον ὑποθέσθαι ταῖς πόλεσιν ἀγαθὸν τὴν
ἐλευθερίαν· μόνην γὰρ ταύτην ἴδια ποιεῖν τῶν κτησαμένων τὰ ἀγαθά, τὰ δ' ἐν δουλείᾳ τῶν
ἀρχόντων ἀλλ' οὐχὶ τῶν ἀρχομένων εἶναι· τοῖς δ' ἔχουσι ταύτην φυλακῆς δεῖν· τὴν μὲν οὖν
ὁμόνοιαν διχοστασίας αἰρομένης ἀπαντᾶν, ἣ γίνεται διὰ πλεονεξίαν καὶ τρυφήν·
σωφρόνως γὰρ καὶ λιτῶς ζῶσιν ἅπασιν οὔτε φθόνον οὔθ' ὕβριν οὔτε μῖσος ἀπαντᾶν πρὸς
τοὺς ὁμοίους· διόπερ τοὺς μὲν παῖδας εἰς τὰς ὀνομαζομένας ἀγέλας κελεῦσαι φοιτᾶν, τοὺς
δὲ τελείους ἐν τοῖς συσσιτίοις ἃ καλοῦσιν ἀνδρεῖα συσσιτεῖν, ὅπως τῶν ἴσων μετάσχοιεν
τοῖς εὐπόροις οἱ πενέστεροι δημοσίᾳ τρεφόμενοι· πρὸς δὲ τὸ μὴ δειλίαν ἀλλ' ἀνδρείαν
κρατεῖν ἐκ παίδων ὅπλοις καὶ πόνοις συντρέφειν, ὥστε καταφρονεῖν καύματος καὶ ψύχους
καὶ τραχείας ὁδοῦ καὶ ἀνάντους καὶ πληγῶν τῶν ἐν γυμνασίοις καὶ μάχαις ταῖς κατὰ
σύνταγμα· ἀσκεῖν δὲ καὶ τοξικῇ καὶ ἐνοπλίῳ ὀρχήσει, ἣν καταδεῖξαι Κουρῆτα πρῶτον,
ὕστερον δὲ καὶ συντάξαντα τὴν κληθεῖσαν ἀπ' αὐτοῦ πυρρίχην, ὥστε μηδὲ τὴν παιδιὰν
ἄμοιρον εἶναι τῶν πρὸς πόλεμον χρησίμων· ὡς δ' αὕτως καὶ τοῖς ῥυθμοῖς Κρητικοῖς
χρῆσθαι κατὰ τὰς ᾠδὰς συντονωτάτοις οὖσιν οὓς Θάλητα ἀνευρεῖν, ᾧ καὶ τοὺς παιᾶνας
καὶ τὰς ἄλλας τὰς ἐπιχωρίους ᾠδὰς ἀνατιθέασι καὶ πολλὰ τῶν νομίμων· καὶ ἐσθῆτι δὲ καὶ
ὑποδέσει πολεμικῇ χρῆσθαι, καὶ τῶν δώρων τιμιώτατα αὐτοῖς εἶναι τὰ ὅπλα.
| [10d,16] Reste à parler, maintenant, de la constitution crétoise, dont Ephore a traité tout
au long, et dont nous nous bornerons à parcourir, d'après lui, les dispositions
principales. «Il semble, dit Ephore, que le législateur {de la Crète} ait d'abord posé en
principe que le plus grand bien, pour un Etat, est la liberté, et cela par cette raison que
la liberté peut seule assurer la jouissance de leurs biens à ceux qui possèdent, tandis
que, dans les Etats despotiques, tout appartenant au souverain, les sujets n'ont rien à
eux. Mais les Etats qui ont le bonheur de jouir de la liberté doivent prendre {pour la
conserver} certaines précautions. La conformité de moeurs, par exemple, peut prévenir
les progrès de la discorde civile, laquelle naît du luxe et de la mollesse ; il n'est pas
possible, en effet, du moment que tous les citoyens d'un même Etat vivent avec
modération et simplicité, il n'est pas possible que cette égalité laisse naître parmi eux
l'envie, l'injustice et la haine. Et c'est pour cela que le législateur {de la Crète} a voulu
que tous les enfants, sans exception, fussent répartis dans les diverses agélés et que
les adultes assistassent aux andries ou repas communs, pour que les pauvres, dans
ces repas dont l'Etat faisait les frais, se sentissent sur un pied d'égalité avec les riches.
D'autre part, pour combattre les dispositions à la lâcheté et faire que l'énergie prévalût
dans les moeurs, il prescrivit que, dès l'enfance, tous les Crétois seraient exercés au
maniement des armes et assez rompus à la fatigue pour devenir insensibles au chaud,
au froid, aux difficultés d'une route âpre et montueuse, à l'impression des coups reçus
soit dans les luttes du gymnase soit dans des simulacres de batailles rangées ; il
recommanda aussi qu'on les exerçât au tir de l'arc et à la danse armée, invention du
héros Curète, perfectionnée plus tard par {Pyrrhichus} et appelée de son nom la
Pyrrhique, voulant que les jeunes Crétois trouvassent jusque dans leurs jeux une
préparation utile à la guerre. De même, les choeurs ne durent employer dans leurs
chants que le rythme crétois, le plus animé de tous, dû à l'inspiration de ce même
Thalès, à qui l'on fait honneur de la composition des paeans et d'autres chants
nationaux, voire de l'établissement de mainte loi ou coutume. Enfin, tous les Crétois
durent adopter l'habit et la chaussure militaire, et considérer les armes d'honneur
comme la plus précieuse des récompenses».
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