HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Sophocle, Antigone

Vers 800-899

  Vers 800-899

[800] θεσμῶν. ἄμαχος γὰρ ἐμπαίζει θεὸς, Ἀφροδίτα.
νῦν δἤδηγὼ καὐτὸς θεσμῶν
ἔξω φέρομαι τάδὁρῶν ἴσχειν δ
οὐκέτι πηγὰς δύναμαι δάκρυ
τὸν παγκοίτην ὅθὁρῶ θάλαμον
805 τήνδἈντιγόνην ἀνύτουσαν.
(Ἀντιγόνη)
ὁρᾶτἔμ᾽, γᾶς πατρίας πολῖται, τὰν νεάταν ὁδὸν
στείχουσαν, νέατον δὲ φέγγος λεύσσουσαν ἀελίου,
810 κοὔποταὖθις. ἀλλά μ παγκοίτας Ἅιδας ζῶσαν ἄγει
τὰν Ἀχέροντος
ἀκτάν, οὔθὑμεναίων ἔγκληρον, οὔτἐπινύμφειός
815 πώ μέ τις ὕμνος ὕμνησεν, ἀλλἈχέροντι νυμφεύσω.
(Χορός)
οὐκοῦν κλεινὴ καὶ ἔπαινον ἔχουσ
ἐς τόδἀπέρχει κεῦθος νεκύων,
οὔτε φθινάσιν πληγεῖσα νόσοις
820 οὔτε ξιφέων ἐπίχειρα λαχοῦσ᾽,
ἀλλαὐτόνομος ζῶσα μόνη δὴ
θνητῶν Ἅιδην καταβήσει.
(Ἀντιγόνη)
ἤκουσα δὴ λυγρότατον ὀλέσθαι τὰν Φρυγίαν ξέναν
825 Ταντάλου Σιπύλῳ πρὸς ἄκρῳ, τὰν κισσὸς ὡς ἀτενὴς
πετραία βλάστα δάμασεν, καί νιν ὄμβροι τακομέναν,
ὡς φάτις ἀνδρῶν,
830 χιών τοὐδαμὰ λείπει, τέγγει δὑπὀφρύσι παγκλαύτοις
δειράδας· με δαίμων ὁμοιοτάταν κατευνάζει.
(Χορός)
ἀλλὰ θεός τοι καὶ θεογεννής,
835 ἡμεῖς δὲ βροτοὶ καὶ θνητογενεῖς.
καίτοι φθιμένῃ μέγα κἀκοῦσαι
τοῖς ἰσοθέοις σύγκληρα λαχεῖν.
ζῶσαν καὶ ἔπειτα θανοῦσαν.
(Ἀντιγόνη)
οἴμοι γελῶμαι. τί με, πρὸς θεῶν πατρῴων.
840 οὐκ οἰχομέναν ὑβρίζεις, ἀλλἐπίφαντον;
πόλις, πόλεως πολυκτήμονες ἄνδρες·
ἰὼ Διρκαῖαι κρῆναι
845 Θήβας τεὐαρμάτου ἄλσος, ἔμπας ξυμμάρτυρας ὔμμἐπικτῶμαι,
οἵα φίλων ἄκλαυτος, οἵοις νόμοις
πρὸς ἕργμα τυμβόχωστον ἔρχομαι τάφου ποταινίου·
[800] et sans combat la divine Aphrodite
fait de nous ce qu'elle veut.
LE CORYPHÉE. Mais à mon tour je me révolte et ne puis retenir mes larmes lorsque je
vois notre Antigone s'avancer déjà vers la chambre où toute vie, un jour, s'endort.
QUATRIÈME ÉPISODE
ANTIGONE.
Regardez, citoyens de ma patrie :
sur mon dernier chemin
je m'avance, et je vois
mon dernier soleil.
Puis jamais plus. Hadès, qui tout endort,
aux bords de l'Achéron m'entraîne encor vivante
et de mon bonheur nuptial
dépossédée, et sans qu'au seuil de mon époux
le chant rituel m'ait chantée.
L'Achéron sera mon époux.
LE CORYPHÉE. Glorieuse, admirée, tu t'en vas vers ce monde secret où sont les morts.
Ni une maladie ne t'a flétrie, ni une épée ne t'a meurtrie : prenant ta loi en toi-même,
vivante, ô destin inouï, tu vas descendre chez Hadès.
ANTIGONE.
On m'a conté la triste fin
de cette phrygienne alliée à mon sang,
Niobé, la fille de Tantale,
au sommet du mont Sipyle :
pareille au lierre qui s'attache,
une écorce de pierre emprisonna ses membres ;
sur sa chair épuisée,
on dit que sans relâche
la pluie et la neige font rage
et que sans fin de ses paupières les larmes sur son cou ruissellent.
Pareil est le destin qui me couche au tombeau.
LE CORYPHÉE. Déesse elle était née et fille de déesse, nous sommes nés mortels et
enfants de mortels; quand tu ne seras plus, quelle gloire pour toi d'avoir connu le sort
d'une divinité, entrant vivante dans la mort!
ANTIGONE.
Tu te moques de moi. Par les dieux de nos pères,
As-tu le coeur de m'outrager en face?
Attends du moins que je sois morte ...
O ville, ô de ma ville
opulents citoyens,
fontaines de Dircé, belles places de Thèbes,
où se pressent les chars,
unanimes vous me rendrez ce témoignage :
je n'aurai pas eu même un pleur de mes amis,
au moment où je pars de quelles lois victime!
pour cet asile souterrain,
cet étrange tombeau ...
[850] ἰὼ δύστανος, βροτοῖς οὔτε νεκροῖς κυροῦσα
μέτοικος οὐ ζῶσιν, οὐ θανοῦσιν.
(Χορός)
προβᾶσἐπἔσχατον θράσους
ὑψηλὸν ἐς Δίκας βάθρον
855 προσέπεσες, τέκνον, πολύ·
πατρῷον δἐκτίνεις τινἆθλον.
(Ἀντιγόνη)
ἔψαυσας ἀλγεινοτάτας ἐμοὶ μερίμνας,
πατρὸς τριπόλιστον οἶκτον τού τε πρόπαντος
860 ἁμετέρου πότμου κλεινοῖς Λαβδακίδαισιν.
ἰὼ ματρῷαι λέκτρων
865 ἆται κοιμήματά ταὐτογέννητἐμῷ πατρὶ δυσμόρου ματρός,
οἵων ἐγώ ποθ ταλαίφρων ἔφυν·
πρὸς οὓς ἀραῖος ἄγαμος ἅδἐγὼ μέτοικος ἔρχομαι.
870 ἰὼ δυσπότμων κασίγνητε γάμων κυρήσας,
θανὼν ἔτοὖσαν κατήναρές με.
(Χορός)
σέβειν μὲν εὐσέβειά τις,
κράτος δὅτῳ κράτος μέλει
παραβατὸν οὐδαμᾷ πέλει·
875 σὲ δαὐτόγνωτος ὤλεσὀργά.
(Ἀντιγόνη)
ἄκλαυτος, ἄφιλος, ἀνυμέναιος ταλαίφρων ἄγομαι
τὰν πυμάταν ὁδόν. οὐκέτι μοι τόδε
λαμπάδος ἱερὸν ὄμμα
880 θέμις ὁρᾶν ταλαίνᾳ.
τὸν δἐμὸν πότμον ἀδάκρυτον
οὐδεὶς φίλων στενάζει.
(Κρέων)
ἆρἴστ᾽, ἀοιδὰς καὶ γόους πρὸ τοῦ θανεῖν
ὡς οὐδἂν εἷς παύσαιτἄν, εἰ χρείη λέγειν;
885 οὐκ ἄξεθὡς τάχιστα; καὶ κατηρεφεῖ
τύμβῳ περιπτύξαντες, ὡς εἴρηκἐγώ,
ἄφετε μόνην ἔρημον, εἴτε χρῇ θανεῖν
εἴτἐν τοιαύτῃ ζῶσα τυμβεύειν στέγῃ·
ἡμεῖς γὰρ ἁγνοὶ τοὐπὶ τήνδε τὴν κόρην
890 μετοικίας δοὖν τῆς ἄνω στερήσεται.
(Ἀντιγόνη)
τύμβος, νυμφεῖον, κατασκαφὴς
οἴκησις ἀείφρουρος, οἷ πορεύομαι
πρὸς τοὺς ἐμαυτῆς, ὧν ἀριθμὸν ἐν νεκροῖς
πλεῖστον δέδεκται Φερσέφασσὀλωλότων·
895 ὧν λοισθίαγὼ καὶ κάκιστα δὴ μακρῷ
κάτειμι, πρίν μοι μοῖραν ἐξήκειν βίου.
ἐλθοῦσα μέντοι κάρτἐν ἐλπίσιν τρέφω
φίλη μὲν ἥξειν πατρί, προσφιλὴς δὲ σοί,
μῆτερ, φίλη δὲ σοί, κασίγνητον κάρα·
[850] Telle est mon infortune :
je suis encore et ne suis plus parmi les hommes,
séparée à la fois des vivants et des morts.
LE CORYPHÉE.
En courant, par ton audace entraînée,
contre le trône altier de la justice
tu as donné du front, fille trop violente ...
Sans doute expiais-tu quelque exploit de ton père ?
ANTIGONE.
Ah! tu as touché là ma plaie à vif,
mon triple sujet de plaintes,
le malheur de mon père et de notre famille,
le malheur qui n'épargne aucun des Labdacides !
Sur le lit maternel, ô malédiction
jetée, ô couple impur du fils et de sa mère,
las! de mon père et de ma mère infortunée ...
C=est donc là, c'est donc là mes parents ? Malheureuse !
Eh bien, chers parents, me voici : maudite
et sans mari, je viens habiter avec vous ...
Et toi, mon frère, dont les noces
furent la source de nos maux,
en mourant tu m'as pris ma vie.
LE CORYPHÉE.
Des honneurs qu'elle rend la piété s'honore :
Mais, quand on a la charge du pouvoir,
On ne peut tolérer la désobéissance.
C'est ton esprit d'indépendance qui te perd.
ANTIGONE.
Donc les pleurs, l'amitié ni les chants d'hyménée
sur mon dernier chemin ne m'auront fait escorte,
et plus jamais ne s'ouvrira
pour moi cet oeil sacré du jour!
Telle est ma loi, infortunée :
sur mes malheurs pas une larme,
pas un soupir ami!
(Créon paraît sur le seuil du palais.)
CRÉON Savez-vous que, s'il était permis de se répandre ainsi, avant de mourir, en
complaintes et en gémissements, on n'en finirait plus. N'allez-vous pas l'emmener au
plus vite ? Et observez bien surtout ce que j'ai dit : enfermez-la dans le caveau et l'y
laissez à sa solitude, soit qu'elle appelle la mort, soit qu'elle essaie de vivre emmurée
là-dessous. Moi, j'ai les mains pures à l'égard de cette jeune fille : elle sera privée de la
communion des vivants.
ANTIGONE. Tombeau, ma chambre nuptiale, mon éternelle prison dans la terre! je vais
y retrouver les miens, que Perséphone a presque tous accueillis parmi les morts. La
dernière et de loin la plus misérable, je descends à mon tour, avant d'avoir épuisé ma
part de vie. Mais qu'importe ? Je nourris l'espoir que, là-bas, ma venue sera chère à mon
père, et à toi aussi, mère chérie, et à toi, frère bien-aimé!


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Dernière mise à jour : 1/06/2005