HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Sophocle, Antigone

Vers 500-599

  Vers 500-599

[500] ἀρεστὸν οὐδὲν μηδἀρεσθείη ποτέ·
οὕτω δὲ καὶ σοὶ τἄμἀφανδάνοντἔφυ.
καίτοι πόθεν κλέος γἂν εὐκλεέστερον
κατέσχον τὸν αὐτάδελφον ἐν τάφῳ
τιθεῖσα; τούτοις τοῦτο πᾶσιν ἁνδάνειν
505 λέγοιτἄν, εἰ μὴ γλῶσσαν ἐγκλῄοι φόβος.
ἀλλ τυραννὶς πολλά τἄλλεὐδαιμονεῖ
κἄξεστιν αὐτῇ δρᾶν λέγειν θ βούλεται.
(Κρέων)
σὺ τοῦτο μούνη τῶνδε Καδμείων ὁρᾷς.
(Ἀντιγόνη)
ὁρῶσι χοὖτοι, σοὶ δὑπίλλουσιν στόμα.
510 (Κρέων)
σὺ δοὐκ ἐπαιδεῖ, τῶνδε χωρὶς εἰ φρονεῖς;
(Ἀντιγόνη)
οὐδὲν γὰρ αἰσχρὸν τοὺς ὁμοσπλάγχνους σέβειν.
(Κρέων)
οὔκουν ὅμαιμος χὠ καταντίον θανών;
(Ἀντιγόνη)
ὅμαιμος ἐκ μιᾶς τε καὶ ταὐτοῦ πατρός.
(Κρέων)
πῶς δῆτἐκείνῳ δυσσεβῆ τιμᾷς χάριν;
515 (Ἀντιγόνη)
οὐ μαρτυρήσει ταῦθ κατθανὼν νέκυς.
(Κρέων)
εἴ τοί σφε τιμᾷς ἐξ ἴσου τῷ δυσσεβεῖ.
(Ἀντιγόνη)
οὐ γάρ τι δοῦλος, ἀλλἀδελφὸς ὤλετο.
(Κρέων)
πορθῶν δὲ τήνδε γῆν· δἀντιστὰς ὕπερ.
(Ἀντιγόνη)
ὁμῶς γἍιδης τοὺς νόμους τούτους ποθεῖ.
520 (Κρέων)
ἀλλοὐχ χρηστὸς τῷ κακῷ λαχεῖν ἴσος.
(Ἀντιγόνη)
τίς οἶδεν εἰ κάτωθεν εὐαγῆ τάδε;
(Κρέων)
οὔτοι ποθοὑχθρός, οὐδὅταν θάνῃ, φίλος.
(Ἀντιγόνη)
οὔτοι συνέχθειν, ἀλλὰ συμφιλεῖν ἔφυν.
(Κρέων)
κάτω νυν ἐλθοῦσ᾽, εἰ φιλητέον, φίλει
525 κείνους· ἐμοῦ δὲ ζῶντος οὐκ ἄρξει γυνή.
(Χορός)
καὶ μὴν πρὸ πυλῶν ἥδἸσμήνη,
φιλάδελφα κάτω δάκρυεἰβομένη·
νεφέλη δὀφρύων ὕπερ αἱματόεν
ῥέθος αἰσχύνει,
530 τέγγουσεὐῶπα παρειάν.
(Κρέων)
σὺ δ᾽, κατοἴκους ὡς ἔχιδνὑφειμένη
λήθουσά μἐξέπινες, οὐδἐμάνθανον
τρέφων δύἄτα κἀπαναστάσεις θρόνων,
φέρ᾽, εἰπὲ δή μοι, καὶ σὺ τοῦδε τοῦ τάφου
535 φήσεις μετασχεῖν, ξομεῖ τὸ μὴ εἰδέναι;
(Ἰσμήνη)
δέδρακα τοὔργον, εἴπερ ἥδὁμορροθεῖ
καὶ ξυμμετίσχω καὶ φέρω τῆς αἰτίας.
(Ἀντιγόνη)
ἀλλοὐκ ἐάσει τοῦτό γ δίκη σ᾽, ἐπεὶ
οὔτἠθέλησας οὔτἐγὼκοινωσάμην.
540 (Ἰσμήνη)
ἀλλἐν κακοῖς τοῖς σοῖσιν οὐκ αἰσχύνομαι
ξύμπλουν ἐμαυτὴν τοῦ πάθους ποιουμένη.
(Ἀντιγόνη)
ὧν τοὔργον, Ἅιδης χοἰ κάτω ξυνίστορες·
λόγοις δἐγὼ φιλοῦσαν οὐ στέργω φίλην.
(Ἰσμήνη)
μήτοι, κασιγνήτη, μἀτιμάσῃς τὸ μὴ οὐ
545 θανεῖν τε σὺν σοὶ τὸν θανόντα θἁγνίσαι.
(Ἀντιγόνη)
μή μοι θάνῃς σὺ κοινὰ μηδ μὴθιγες
ποιοῦ σεαυτῆς. ἀρκέσω θνῄσκουσἐγώ.
(Ἰσμήνη)
καὶ τίς βίος μοι σοῦ λελειμμένῃ φίλος;
(Ἀντιγόνη)
Κρέοντἐρώτα· τοῦδε γὰρ σὺ κηδεμών.
[500] Tout ce que tu dis m'est odieux, je m'en voudrais du contraire
et il n'est rien en moi qui ne te blesse. Et pourtant pouvais-je m'acquérir plus d'honneur
qu'en mettant mon frère au tombeau? Tous ceux qui m'entendent oseraient m'approuver,
si la crainte ne leur fermait la bouche. Car la tyrannie, entre autres privilèges,
peut faire et dire ce qu'il lui plaît.
CRÉON. Tu es seule, à Thèbes, à professer de pareilles opinions.
ANTIGONE, désignant le choeur. Ils pensent comme moi, mais ils se mordent les lèvres.
CRÉON. Ne rougis-tu pas de t'écarter du sentiment commun ?
ANTIGONE. Il n'y a point de honte à honorer ceux de notre sang.
CRÉON. Mais l'autre, son adversaire, n'était-il pas ton frère aussi ?
ANTIGONE. Par son père et par sa mère, oui, il était mon frère.
CRÉON. N'est-ce pas l'outrager que d'honorer l'autre?
ANTIGONE. Il n'en jugera pas ainsi, celui qui est couché dans sa tombe.
CRÉON. Cependant ta piété le ravale au rang du criminel.
ANTIGONE. Ce n'est pas un esclave qui tombait sous ses coups; c'était son frère.
CRÉON. L'un ravageait sa patrie; l'autre en était le rempart.
ANTIGONE. Hadès n'a pas deux poids et deux mesures.
CRÉON. Le méchant n'a pas droit à la part du juste.
ANTIGONE. Qui sait si nos maximes restent pures aux yeux des morts ?
CRÉON. Un ennemi mort est toujours un ennemi.
ANTIGONE. Je suis faite pour partager l'amour, non la haine.
CRÉON. Descends donc là-bas, et, s'il te faut aimer à tout prix, aime les morts. Moi
vivant, ce n'est pas une femme qui fera la loi.
LE CORYPHÉE. Ah! voici Ismène qui paraît devant la porte : elle laisse couler ses
larmes pour sa soeur bien-aimée. Un nuage sur son front assombrit son visage meurtri
par cette pluie qui mouille ses joues charmantes.
CRÉON. Et toi, vipère, qui te glissais à mon insu dans la maison pour me sucer le sang,
car sans m'en douter, je nourrissais deux pestes, deux ennemies de mon trône allons,
parle : avoueras-tu la part que tu as prise à ces soins funéraires ou vas-tu jurer que tu
ignorais tout?
ISMÈNE. Ce qui s'est fait est aussi mon oeuvre, si elle veut bien en convenir. Je m'en
reconnais responsable.
ANTIGONE. Tu n'en as pas le droit, car tu t'es dérobée, et j'ai agi seule.
ISMÈNE. Maintenant que tu as le sort contre toi, je suis fière d'être à tes côtés dans le péril.
ANTIGONE. Et qui s'est chargée de tout? Hadès et nos morts ne s'y tromperont pas. je
n'ai point d'amour pour qui ne m'aime qu'en paroles.
ISMÈNE. Ma soeur, ne me juge pas indigne de ta piété envers le mort : laisse-moi
mourir à tes côtés.
ANTIGONE. Non, je ne partagerai pas ma mort avec toi. Ne t'approprie pas un ouvrage
auquel tu n'as pas travaillé. Que je meure, moi, ce sera bien.
ISMÈNE. Abandonnée de toi, quel goût veux-tu que je trouve à la vie?
ANTIGONE. Confie-toi à Créon : tu lui es toute acquise.
[550] (Ἰσμήνη)
τί ταῦτἀνιᾷς μ᾽, οὐδὲν ὠφελουμένη;
(Ἀντιγόνη)
ἀλγοῦσα μὲν δῆτεἰ γελῶ γἐν σοὶ γελῶ.
(Ἰσμήνη)
τί δῆτἂν ἀλλὰ νῦν σἔτὠφελοῖμἐγώ;
(Ἀντιγόνη)
σῶσον σεαυτήν· οὐ φθονῶ σὑπεκφυγεῖν.
(Ἰσμήνη)
οἴμοι τάλαινα, κἀμπλάκω τοῦ σοῦ μόρου;
555 (Ἀντιγόνη)
σὺ μὲν γὰρ εἵλου ζῆν, ἐγὼ δὲ κατθανεῖν.
(Ἰσμήνη)
ἀλλοὐκ ἐπἀρρήτοις γε τοῖς ἐμοῖς λόγοις.
(Ἀντιγόνη)
καλῶς σὺ μὲν τοῖς, τοῖς δἐγὼδόκουν φρονεῖν.
(Ἰσμήνη)
καὶ μὴν ἴση νῷν ἐστιν ξαμαρτία.
(Ἀντιγόνη)
θάρσει· σὺ μὲν ζῇς, δἐμὴ ψυχὴ πάλαι
560 τέθνηκεν, ὥστε τοῖς θανοῦσιν ὠφελεῖν.
(Κρέων)
τὼ παῖδε φημὶ τώδε τὴν μὲν ἀρτίως
ἄνουν πεφάνθαι, τὴν δἀφοὗ τὰ πρῶτἔφυ.
(Ἰσμήνη)
οὐ γάρ ποτ᾽, ὦναξ, οὐδὃς ἂν βλάστῃ μένει
νοῦς τοῖς κακῶς πράσσουσιν, ἀλλἐξίσταται.
565 (Κρέων)
σοὶ γοῦν, ὅθεἵλου σὺν κακοῖς πράσσειν κακά.
(Ἰσμήνη)
τί γὰρ μόνῃ μοι τῆσδἄτερ βιώσιμον;
(Κρέων)
ἀλλἥδε μέντοι μὴ λέγ᾽· οὐ γὰρ ἔστἔτι.
(Ἰσμήνη)
ἀλλὰ κτενεῖς νυμφεῖα τοῦ σαυτοῦ τέκνου;
(Κρέων)
ἀρώσιμοι γὰρ χἀτέρων εἰσὶν γύαι.
570 (Ἰσμήνη)
οὐχ ὥς γἐκείνῳ τῇδέ τἦν ἡρμοσμένα.
(Κρέων)
κακὰς ἐγὼ γυναῖκας υἱέσι στυγῶ.
(Ἀντιγόνη)
φίλταθΑἷμον, ὥς σἀτιμάζει πατήρ.
(Κρέων)
ἄγαν γε λυπεῖς καὶ σὺ καὶ τὸ σὸν λέχος.
(Χορός)
γὰρ στερήσεις τῆσδε τὸν σαυτοῦ γόνον;
575 (Κρέων)
Ἅιδης παύσων τούσδε τοὺς γάμους ἔφυ.
(Χορός)
δεδογμέν᾽, ὡς ἔοικε, τήνδε κατθανεῖν.
(Κρέων)
καὶ σοί γε κἀμοί. μὴ τριβὰς ἔτ᾽, ἀλλά νιν
κομίζετεἴσω, δμῶες· ἐκ δὲ τοῦδε χρὴ
γυναῖκας εἶναι τάσδε μηδἀνειμένας.
580 φεύγουσι γάρ τοι χοἰ θρασεῖς, ὅταν πέλας
ἤδη τὸν, Ἅιδην εἰσορῶσι τοῦ βίου.
(Χορός)
εὐδαίμονες οἷσι κακῶν ἄγευστος αἰών.
οἷς γὰρ ἂν σεισθῇ θεόθεν δόμος, ἄτας
585 οὐδὲν ἐλλείπει γενεᾶς ἐπὶ πλῆθος ἕρπον·
ὅμοιον ὥστε ποντίαις οἶδμα δυσπνόοις ὅταν
Θρῄσσαισιν ἔρεβος ὕφαλον ἐπιδράμῃ πνοαῖς,
590 κυλίνδει βυσσόθεν κελαινὰν θῖνα καὶ
δυσάνεμοι, στόνῳ βρέμουσι δἀντιπλῆγες ἀκταί.
ἀρχαῖα τὰ Λαβδακιδᾶν οἴκων ὁρῶμαι
595 πήματα φθιτῶν ἐπὶ πήμασι πίπτοντ᾽,
οὐδἀπαλλάσσει γενεὰν γένος, ἀλλἐρείπει
θεῶν τις, οὐδἔχει λύσιν. νῦν γὰρ ἐσχάτας ὕπερ
[550] ISMÈNE. Quelle satisfaction éprouves-tu donc à me blesser ?
ANTIGONE. Tiens, tu me ferais rire, si j'avais le coeur à rire.
ISMÈNE. A présent, du moins, ne puis-je rien faire pour toi ?
ANTIGONE. Sauve ta vie. Je n'en suis pas jalouse.
ISMÈNE. Quelle n'est pas ma misère! Faut-il que tu m'écartes même de ta mort?
ANTIGONE. Tu as opté pour la vie; moi, je préfère mourir.
ISMÈNE. Ce n'est pas faute pourtant que je t'aie mise en garde!
ANTIGONE. Tu t'es crue sage; d'autres m'ont approuvée.
ISMÈNE. La faute est malgré tout égale entre nous deux.
ANTIGONE. Ne te décourage pas : ta vie est devant toi; la mienne est finie; il y a
longtemps que je l'ai consacrée à mes morts.
CRÉON. Il n'en faut plus douter : ces deux filles sont folles, l'une depuis peu, l'autre
depuis sa naissance.
ISMÈNE. O roi, le peu de raison que la nature nous donne ne résiste pas au malheur.
CRÉON. C'est du moins ton cas, depuis que tu as pris le parti des méchants.
ISMÈNE. Privée d'elle, quelle existence vide je vais traîner!
CRÉON. Ne parle plus de ta soeur : tu n'as plus de soeur.
ISMÈNE. Vas-tu donc livrer à la mort la fiancée de ton fils ?
CRÉON. II trouvera d'autres sillons pour ses semailles !
ISMÈNE. Ce n'est pas pour en venir là qu'ils se sont engagés l'un à l'autre!
CRÉON. Je n'ai que faire de mauvaises femmes pour mes fils.
ISMÈNE. Cher Hémon, que ton père fait bon marché de ton coeur!
CRÉON. Tu m'importunes, à la fin, avec ce mariage.
LE CORYPHÉE. Quoi! ton propre fils, tu le priveras de celle qu'il aime ?
CRÉON. Hadès lui-même va prononcer la rupture.
LE CORYPHÉE. La chose est résolue, je le vois : elle mourra.
CRÉON. Tu l'as dit. Et nous ne tardons que trop. Serviteurs, qu'on les mène au palais,
qu'on les y tienne sous bonne garde : les plus hardis cherchent à s'enfuir, quand ils
voient Hadès face à face.
CHANT DU CHŒUR
Heureux qui jusqu'en son vieil âge ignore le goût du malheur !
Quand une fois le ciel a frappé la maison,
la ruine de proche en proche
gagne et n'épargne pas un seul des descendants.
Ainsi les lames énormes
qui, sous les souffles furieux venus de Thrace
roulent à la surface des ténèbres salines,
amènent du fond de l'abîme
un sable noir, jouet du vent rageur,
et heurtent les récifs côtiers qui leur répondent en grondant.
Depuis l'ancien temps je vois, sous le toit des Labdacides,
malheur sur malheur frapper les vivants après les morts.
Le père n'en garde point les enfants,
un dieu les abat à leur tour,
il n'est point de rémission !
Aujourd'hui l'ultime espoir qui brillait dans ce palais,


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Dernière mise à jour : 1/06/2005