HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Sophocle, Antigone

Vers 200-299

  Vers 200-299

[200] φυγὰς κατελθὼν ἠθέλησε μὲν πυρὶ
πρῆσαι κατἄκρας, ἠθέλησε δαἵματος
κοινοῦ πάσασθαι, τοὺς δὲ δουλώσας ἄγειν,
τοῦτον πόλει τῇδἐκκεκήρυκται τάφῳ
μήτε κτερίζειν μήτε κωκῦσαί τινα,
205 ἐᾶν δἄθαπτον καὶ πρὸς οἰωνῶν δέμας
καὶ πρὸς κυνῶν ἐδεστὸν αἰκισθέν τἰδεῖν.
τοιόνδἐμὸν φρόνημα, κοὔποτἔκ γἐμοῦ
τιμὴν προέξουσοἱ κακοὶ τῶν ἐνδίκων·
ἀλλὅστις εὔνους τῇδε τῇ πόλει, θανὼν
210 καὶ ζῶν ὁμοίως ἐξ ἐμοῦ τιμήσεται.
(Χορός)
σοὶ ταῦτἀρέσκει, παῖ Μενοικέως Κρέον,
τὸν τῇδε δύσνουν κἀς τὸν εὐμενῆ πόλει·
νόμῳ δὲ χρῆσθαι παντί που πάρεστί σοι
καὶ τῶν θανόντων χὠπόσοι ζῶμεν πέρι.
215 (Κρέων)
ὡς ἂν σκοποὶ νῦν εἴτε τῶν εἰρημένων.
(Χορός)
νεωτέρῳ τῳ τοῦτο βαστάζειν πρόθες.
(Κρέων)
ἀλλεἴσἑτοῖμοι τοῦ νεκροῦ γἐπίσκοποι.
(Χορός)
τί δῆτἂν ἄλλο τοῦτἐπεντέλλοις ἔτι;
(Κρέων)
τὸ μὴπιχωρεῖν τοῖς ἀπιστοῦσιν τάδε.
220 (Χορός)
οὔκ ἔστιν οὕτω μῶρος ὃς θανεῖν ἐρᾷ.
(Κρέων)
καὶ μὴν μισθός γ᾽, οὗτος· ἀλλὑπἐλπίδων
ἄνδρας τὸ κέρδος πολλάκις διώλεσεν.
(Φύλαξ)
ἄναξ, ἐρῶ μὲν οὐχ ὅπως τάχους ὕπο
δύσπνους ἱκάνω κοῦφον ἐξάρας πόδα.
225 πολλὰς γὰρ ἔσχον φροντίδων ἐπιστάσεις,
ὁδοῖς κυκλῶν ἐμαυτὸν εἰς ἀναστροφήν·
ψυχὴ γὰρ ηὔδα πολλά μοι μυθουμένη·
τάλας, τί χωρεῖς οἷ μολὼν δώσεις δίκην;
τλήμων, μενεῖς αὖ; κεἰ τάδεἴσεται Κρέων
230 ἄλλου παρἀνδρός; πῶς σὺ δῆτοὐκ ἀλγύνει;
τοιαῦθἑλίσσων ἤνυτον σχολῇ βραδύς.
χοὔτως ὁδὸς βραχεῖα γίγνεται μακρά.
τέλος γε μέντοι δεῦρἐνίκησεν μολεῖν
σοί. κεἰ τὸ μηδὲν ἐξερῶ, φράσω δὅμως·
235 τῆς ἐλπίδος γὰρ ἔρχομαι δεδραγμένος,
τὸ μὴ παθεῖν ἂν ἄλλο πλὴν τὸ μόρσιμον.
(Κρέων)
τί δἐστὶν ἀνθοὗ τήνδἔχεις ἀθυμίαν;
(Φύλαξ)
φράσαι θέλω σοι πρῶτα τἀμαυτοῦ· τὸ γὰρ
πρᾶγμοὔτἔδρασοὔτεἶδον ὅστις ἦν δρῶν,
240 οὐδἂν δικαίως ἐς κακὸν πέσοιμί τι.
(Κρέων)
εὖ γε στοχάζει κἀποφάργνυσαι κύκλῳ
τὸ πρᾶγμα· δηλοῖς δὥς τι σημανῶν νέον.
(Φύλαξ)
τὰ δεινὰ γάρ τοι προστίθησὄκνον πολύν.
(Κρέων)
οὔκουν ἐρεῖς ποτ᾽, εἶτἀπαλλαχθεὶς ἄπει;
(Φύλαξ)
245 καὶ δὴ λέγω σοι. τὸν νεκρόν τις ἀρτίως
θάψας βέβηκε κἀπὶ χρωτὶ διψίαν
κόνιν παλύνας κἀφαγιστεύσας χρή·
(Κρέων)
τί φής; τίς ἀνδρῶν ἦν τολμήσας τάδε;
(Φύλαξ)
οὐκ οἶδ᾽· ἐκεῖ γὰρ οὔτε του γενῇδος ἦν
[200] le banni qui n'est revenu que pour livrer aux flammes sa patrie et ses dieux,
s'abreuver du sang fraternel et réduire les siens en esclavage,
défense publique est faite aux citoyens de l'honorer d'un tombeau,
de le pleurer; que son corps gise, privé de sépulture, proie des oiseaux et des chiens,
objet d'opprobre. Telle est ma décision. Jamais je ne souffrirai que les scélérats usurpent
les honneurs qu'on doit aux gens de bien. En revanche, tout patriote, vivant ou mort, me
trouvera prêt à l'honorer.
LE CORYPHÉE. Sur le bon et sur le mauvais serviteur du pays, Créon, fils de Ménécée,
la sentence est rendue, c'est bien : il t'appartient de porter des décrets à ta guise aussi
bien sur les morts que sur nous autres les vivants.
CRÉON. Comment pensez-vous assurer l'exécution de mes ordres ?
LE CORYPHÉE. Confie cette charge à de plus jeunes que nous.
CRÉON. Bien entendu, j'ai placé des gardes près du cadavre.
LE CORYPHÉE. Que pouvons-nous d'autre pour te servir?
CRÉON. Te garder de toute collusion avec les contrevenants.
LE CORYPHÉE. Personne n'est assez fou pour désirer la mort.
CRÉON. Tel serait le salaire, en effet. Mais la cupidité a souvent perdu les hommes.
(Entre un garde.)
LE GARDE. Roi, je ne dirai pas que la hâte m'a coupé le souffle et que j'ai couru d'un
pied léger. Plus d'une fois je me suis arrêté pour réfléchir et j'ai failli souvent faire
demi-tour. Et je me chapitrais en moi-même : Pauvre fou, pourquoi courir à une
punition certaine? Allons, bon! vas-tu encore tergiverser? Et si Créon apprend l'affaire
par un autre, n'est-ce pas toi qui en pâtiras ? A rouler tout cela dans ma tête, je
n'avançais guère, et c'est ainsi qu'un bout de chemin devient une longue route. A la fin
du compte, j'ai préféré me présenter devant toi. Je vais te faire mon rapport, vaille que
vaille. J'ai bon espoir qu'il ne peut rien m'arriver que ce qui est inscrit à mon rôle.
CRÉON. Eh bien? qu'est-ce qui t'inquiète?
LE GARDE. Avant d'aller plus loin, je veux me mettre à couvert; ce n'est pas moi qui ai
fait le coup,, et je n'ai pas vu celui qui l'a fait. Je n'ai pas mérité que l'on me fasse des
ennuis.
CRÉON. Voilà bien des feintes et des embarras. Tu m'as pourtant l'air de vouloir nous
annoncer quelque chose.
LE GARDE. Les mauvaises nouvelles ont de la peine à sortir.
CRÉON. Parle, à la fin. Après, tu t'en iras soulagé.
LE GARDE. En un mot comme en cent, quelqu'un a répandu de la terre sèche sur le
cadavre, conformément aux rites.
CRÉON. Que dis-tu ? Quel homme a eu cette audace ?
LE GARDE. Je l'ignore. On ne relevait ni entaille de bêche, ni couche de terre remuée à
la pioche.
[250] πλῆγμ᾽, οὐ δικέλλης ἐκβολή. στύφλος δὲ γῆ
καὶ χέρσος, ἀρρὼξ οὐδἐπημαξευμένη
τροχοῖσιν, ἀλλἄσημος οὑργάτης τις ἦν.
ὅπως δ πρῶτος ἡμὶν ἡμεροσκόπος
δείκνυσι, πᾶσι θαῦμα δυσχερὲς παρῆν.
255 μὲν γὰρ ἠφάνιστο, τυμβήρης μὲν οὔ,
λεπτὴ δ᾽, ἄγος φεύγοντος ὥς, ἐπῆν κόνις
σημεῖα δοὔτε θηρὸς οὔτε του κυνῶν
ἐλθόντος, οὐ σπάσαντος ἐξεφαίνετο.
λόγοι δἐν ἀλλήλοισιν ἐρρόθουν κακοί,
260 φύλαξ ἐλέγχων φύλακα, κἂν ἐγίγνετο
πληγὴ τελευτῶς᾽, οὐδ κωλύσων παρῆν.
εἷς γάρ τις ἦν ἕκαστος οὑξειργασμένος,
κοὐδεὶς ἐναργής, ἀλλἔφευγε μὴ εἰδέναι.
ἦμεν δἑτοῖμοι καὶ μύδρους αἴρειν χεροῖν
265 καὶ πῦρ διέρπειν καὶ θεοὺς ὁρκωμοτεῖν,
τὸ μήτε δρᾶσαι μήτε τῳ ξυνειδέναι
τὸ πρᾶγμα βουλεύσαντι μηδεἰργασμένῳ.
τέλος δὅτοὐδὲν ἦν ἐρευνῶσιν πλέον,
λέγει τις εἷς, πάντας ἐς πέδον κάρα
270 νεῦσαι φόβῳ προὔτρεψεν· οὐ γὰρ εἴχομεν
οὔτἀντιφωνεῖν οὔθὅπως δρῶντες καλῶς
πράξαιμεν. ἦν δ μῦθος ὡς ἀνοιστέον
σοὶ τοὔργον εἴη τοῦτο κοὐχὶ κρυπτέον.
καὶ ταῦτἐνίκα, κἀμὲ τὸν δυσδαίμονα
275 πάλος καθαιρεῖ τοῦτο τἀγαθὸν λαβεῖν.
πάρειμι δἄκων οὐχ ἑκοῦσιν, οἶδὅτι·
στέργει γὰρ οὐδεὶς ἄγγελον κακῶν ἐπῶν.
(Χορός)
ἄναξ, ἐμοί τοί, μή τι καὶ θεήλατον
τοὔργον τόδ᾽, ξύννοια βουλεύει πάλαι
280 (Κρέων)
παῦσαι, πρὶν ὀργῆς καὶμὲ μεστῶσαι λέγων,
μὴφευρεθῇς ἄνους τε καὶ γέρων ἅμα.
λέγεις γὰρ οὐκ ἀνεκτὰ δαίμονας λέγων
πρόνοιαν ἴσχειν τοῦδε τοῦ νεκροῦ πέρι.
πότερον ὑπερτιμῶντες ὡς εὐεργέτην
285 ἔκρυπτον αὐτόν, ὅστις ἀμφικίονας
ναοὺς πυρώσων ἦλθε κἀναθήματα
καὶ γῆν ἐκείνων καὶ νόμους διασκεδῶν;
τοὺς κακοὺς τιμῶντας εἰσορᾷς θεούς;
οὔκ ἔστιν. ἀλλὰ ταῦτα καὶ πάλαι πόλεως
290 ἄνδρες μόλις φέροντες ἐρρόθουν ἐμοί,
κρυφῇ κάρα σείοντες, οὐδὑπὸ ζυγῷ
λόφον δικαίως εἶχον, ὡς στέργειν ἐμέ.
ἐκ τῶνδε τούτους ἐξεπίσταμαι καλῶς
παρηγμένους μισθοῖσιν εἰργάσθαι τάδε.
295 οὐδὲν γὰρ ἀνθρώποισιν οἷον ἄργυρος
κακὸν νόμισμἔβλαστε. τοῦτο καὶ πόλεις
πορθεῖ, τόδἄνδρας ἐξανίστησιν δόμων·
τόδἐκδιδάσκει καὶ παραλλάσσει φρένας
χρηστὰς πρὸς αἰσχρὰ πράγματἵστασθαι βροτῶν·
[250] Le sol était dur, sec, sans une fente, sans une ornière : l'ouvrier n'a pas laissé
de traces. Quand le premier gardien de jour nous a fait constater la chose, ç'a été pour
nous une surprise plutôt désagréable. Le cadavre était devenu invisible. Il n'était pas
enterré, non, mais recouvert de poussière, juste de quoi éviter le sacrilège. Nulle marque
non plus d'une bête sauvage ou de quelque chien qui serait venu et l'aurait déchiqueté.
Pour le coup, le ton monte, on s'accuse entre gardiens, et chaque fois les poings
finissaient par s'en mêler, sans qu'il y eût quelqu'un pour mettre le holà. Chacun
suspectait le voisin, mais les preuves faisaient défaut et tout le monde se disculpait à qui
mieux mieux. Nous étions prêts à empoigner le fer rouge, à marcher dans les flammes, à
jurer le grand serment par les dieux, pour prouver que nous étions innocents du crime,
que nous ne savions même pas qui pouvait l'avoir préparé ou exécuté. Bref, comme tout
cela ne menait à rien, l'un de nous a proposé une solution qui nous a fait baisser la tête
en frissonnant, car nous n'avions rien à y redire, certes, mais rien de bon à en attendre :
c'était de te faire un rapport fidèle et complet. L'avis l'emporte, on tire au sort, et la
mission m'échoit : voilà bien ma chance! Je peux dire que pas plus que vous je ne suis
ici pour mon plaisir; car on en veut toujours aux messagers de malheur.
LE CORYPHÉE. Roi, les dieux ne sont sans doute pas étrangers à ce mystère. C'est la
pensée qui m'est venue tout de suite.
CRÉON. N'en dis pas plus, tu me pousserais à bout. Quelle sottise, à ton âge !
Prétendre que les dieux prennent soin de ce cadavre est une idée révoltante! Quoi! Ils
nous auraient dérobé, pour le glorifier comme un bienfaiteur, un homme qui venait
mettre le feu aux colonnes de leurs temples, détruire leur culte, leur terre, leurs lois ?
Quand as-tu vu les dieux honorer les scélérats? Mais j'ai déjà remarqué que des
mécontents murmurent contre mes ordres, branlent la tête sous cape, ne plient pas
l'encolure au joug d'une obéissance loyale. Ce sont eux, les faits me le démontrent, qui
ont payé les gardes pour faire le coup. L'argent, ah ! maudite engeance, fléau des
humains ! Il ruine les cités, il chasse les hommes de leurs maisons; maître corrupteur, il
pervertit les consciences,


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Dernière mise à jour : 1/06/2005