HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Sophocle, Antigone

Vers 1200-1299

  Vers 1200-1299

[1200] Πλούτωνά τὀργὰς εὐμενεῖς κατασχεθεῖν
λούσαντες ἁγνὸν λουτρόν, ἐν νεοσπάσιν
θαλλοῖς δὴ λέλειπτο συγκατῄθομεν,
καὶ τύμβον ὀρθόκρανον οἰκείας χθονὸς
χώσαντες αὖθις πρὸς λιθόστρωτον κόρης
1205 νυμφεῖον Ἅιδου κοῖλον εἰσεβαίνομεν.
φωνῆς δἄπωθεν ὀρθίων κωκυμάτων
κλύει τις ἀκτέριστον ἀμφὶ παστάδα,
καὶ δεσπότῃ Κρέοντι σημαίνει μολών.
τῷ δἀθλίας ἄσημα περιβαίνει βοῆς
1210 ἕρποντι μᾶλλον ἆσσον, οἰμώξας δἔπος
ἵησι δυσθρήνητον· τάλας ἐγώ,
ἆρεἰμὶ μάντις; ἆρα δυστυχεστάτην
κέλευθον ἕρπω τῶν παρελθουσῶν ὁδῶν;
παιδός με σαίνει φθόγγος. ἀλλὰ πρόσπολοι,
1215 ἴτἆσσον ὠκεῖς καὶ παραστάντες τάφῳ
ἀθρήσαθ᾽, ἁρμὸν χώματος λιθοσπαδῆ
δύντες πρὸς αὐτὸ στόμιον, εἰ τὸν Αἵμονος
φθόγγον συνίημ θεοῖσι κλέπτομαι.
(Ἄγγελος)
τάδἐξ ἀθύμου δεσπότου κελευσμάτων
1220 ἠθροῦμεν· ἐν δὲ λοισθίῳ τυμβεύματι
τὴν μὲν κρεμαστὴν αὐχένος κατείδομεν,
βρόχῳ μιτώδει σινδόνος καθημμένην,
τὸν δἀμφὶ μέσσῃ περιπετῆ προσκείμενον,
εὐνῆς ἀποιμώζοντα τῆς κάτω φθορὰν
1225 καὶ πατρὸς ἔργα καὶ τὸ δύστηνον λέχος.
δὡς ὁρᾷ σφε, στυγνὸν οἰμώξας ἔσω
χωρεῖ πρὸς αὐτὸν κἀνακωκύσας καλεῖ·
τλῆμον, οἷον ἔργον εἴργασαι· τίνα
νοῦν ἔσχες; ἐν τῷ συμφορᾶς διεφθάρης;
1230 ἔξελθε, τέκνον, ἱκέσιός σε λίσσομαι.
τὸν δἀγρίοις ὄσσοισι παπτήνας παῖς,
πτύσας προσώπῳ κοὐδὲν ἀντειπών, ξίφους
ἕλκει διπλοῦς κνώδοντας. ἐκ δὁρμωμένου
πατρὸς φυγαῖσιν ἤμπλακ᾽· εἶθ δύσμορος
1235 αὑτῷ χολωθείς, ὥσπερ εἶχ᾽, ἐπενταθεὶς
ἤρεισε πλευραῖς μέσσον ἔγχος, ἐς δὑγρὸν
ἀγκῶνἔτἔμφρων παρθένῳ προσπτύσσεται.
καὶ φυσιῶν ὀξεῖαν ἐκβάλλει ῥοὴν
λευκῇ παρειᾷ φοινίου σταλάγματος.
1240 κεῖται δὲ νεκρὸς περὶ νεκρῷ, τὰ νυμφικὰ
τέλη λαχὼν δείλαιος εἰν Ἅιδου δόμοις,
δείξας ἐν ἀνθρώποισι τὴν ἀβουλίαν
ὅσῳ μέγιστον ἀνδρὶ πρόσκειται κακόν.
(Χορός)
τί τοῦτἂν εἰκάσειας; γυνὴ πάλιν
1245 φρούδη, πρὶν εἰπεῖν ἐσθλὸν κακὸν λόγον.
(Ἄγγελος)
καὐτὸς τεθάμβηκ᾽· ἐλπίσιν δὲ βόσκομαι
ἄχη τέκνου κλύουσαν ἐς πόλιν γόους
οὐκ ἀξιώσειν, ἀλλὑπὸ στέγης ἔσω
δμωαῖς προθήσειν πένθος οἰκεῖον στένειν.
[1200] En premier lieu, nous avons supplié la Gardienne des routes et Pluton de nous être
favorables en dépit de leur ressentiment. Puis nous avons baigné le corps dans l'eau
pure et nous l'avons enveloppé de branchages frais. Ce qui restait de ces rameaux, nous
l'avons fait brûler, avant de déposer le mort sous un tertre, dans le sol de la patrie. Nous
gagnons alors le caveau de la jeune fille, sa funèbre chambre. De loin, dans la direction
de ce tombeau non consacré, l'un de nous perçoit des éclats de voix aigus. Il avertit
Créon. Tandis que le maître s'approche, des cris de désespoir lui parviennent
confusément. Il gémit, il laisse échapper une plainte amère : * Misérable! aurais-je
deviné juste? M'avancé-je sur le chemin le plus douloureux de ma vie? N'est-ce pas la
chère voix de mon fils ? Je crois la reconnaître... Serviteurs, courez au caveau, vite!
Percez le mur qui le scelle, glissez-vous à l'intérieur et regardez : je veux savoir si
j'entends la voix d'Hémon ou si les dieux se jouent de moi. Nous exécutons l'ordre de
notre maître désemparé. Au fond du tombeau, nous découvrons la jeune fille pendue, le
cou serré dans un noeud de son écharpe de lin. Hémon s'était jeté contre ce corps qu'il
étreignait. Il gémissait sur sa fiancée descendue dans la mort, sur les rigueurs
paternelles, sur ses malheureuses amours. Son père l'aperçoit; il entre, il s'avance, tout
secoué de rudes sanglots, et l'appelle d'une voix plaintive : Infortuné, qu'as-tu fait ?
Que voulais-tu faire ? Quel coup a détruit ta raison? Mon enfant, je t'implore, je te
supplie de sortir! + Mais l'enfant, roulant des yeux de fou, lui crache au visage et dégaine
sans lui répondre un mot. Son père bondit de côté, esquivant le coup. Alors le
malheureux tourne sa fureur contre lui-même : allongeant le bras, il appuie sur sa
poitrine la pointe de son épée et l'enfonce. Conscient encore, d'une étreinte qui déjà
défaille, il attire contre lui la jeune fille, dont la joue pâle est inondée par le sang qui
gicle en sifflant. Les deux cadavres gisent enlacés : son mariage, l'infortuné l'a
consommé chez Hadès, enseignant aux humains qu'il n'est pas de fléau plus pernicieux
que l'imprudence.
LE CORYPHÉE. Que faut-il augurer de ceci? La reine, sans un mot, s'est retirée.
LE MESSAGER. Tu m'en vois troublé, moi aussi. Je me flatte de l'espoir qu'elle aura
jugé plus décent de dérober au public sa douleur maternelle et qu'elle va dire à ses
femmes de prendre le deuil dans la maison.
[1250] γνώμης γὰρ οὐκ ἄπειρος, ὥσθἁμαρτάνειν.
(Χορός)
οὐκ οἶδ᾽· ἐμοὶ δοὖν τἄγαν σιγὴ βαρὺ
δοκεῖ προσεῖναι χἠ μάτην πολλὴ βοή.
(Ἄγγελος)
ἀλλεἰσόμεσθα, μή τι καὶ κατάσχετον
κρυφῇ καλύπτει καρδίᾳ θυμουμένῃ,
1255 δόμους παραστείχοντες· εὖ γὰρ οὖν λέγεις,
καὶ τῆς ἄγαν γάρ ἐστί που σιγῆς βάρος.
(Χορός)
καὶ μὴν ὅδἄναξ αὐτὸς ἐφήκει
μνῆμἐπίσημον διὰ χειρὸς ἔχων,
εἰ θέμις εἰπεῖν, οὐκ ἀλλοτρίαν
1260 ἄτην, ἀλλαὐτὸς ἁμαρτών.
(Κρέων) ἰὼ
φρενῶν δυσφρόνων ἁμαρτήματα
στερεὰ θανατόεντ᾽,
κτανόντας τε καὶ
θανόντας βλέποντες ἐμφυλίους.
1265 ὤμοι ἐμῶν ἄνολβα βουλευμάτων.
ἰὼ παῖ, νέος νέῳ ξὺν μόρῳ
αἰαῖ αἰαῖ,
ἔθανες, ἀπελύθης
ἐμαῖς οὐδὲ σαῖς δυσβουλίαις.
(Χορός)
1270 οἴμὡς ἔοικας ὀψὲ τὴν δίκην ἰδεῖν.
(Κρέων)
οἴμοι,
ἔχω μαθὼν δείλαιος· ἐν δἐμῷ κάρᾳ
θεὸς τότἄρα τότε μέγα βάρος μἔχων
ἔπαισεν, ἐν δἔσεισεν ἀγρίαις ὁδοῖς,
1275 οἴμοι, λακπάτητον ἀντρέπων χαράν.
φεῦ φεῦ, πόνοι βροτῶν δύσπονοι.
(Ἐξάγγελος)
δέσποθ᾽, ὡς ἔχων τε καὶ κεκτημένος,
τὰ μὲν πρὸ χειρῶν τάδε φέρων, τὰ δἐν δόμοις
1280 ἔοικας ἥκειν καὶ τάχὄψεσθαι κακά.
(Κρέων)
τί δἔστιν αὖ κάκιον ἐκ κακῶν ἔτι;
(Ἐξάγγελος)
γυνὴ τέθνηκε, τοῦδε παμμήτωρ νεκροῦ,
δύστηνος, ἄρτι νεοτόμοισι πλήγμασιν.
(Κρέων) ἰώ.
ἰὼ δυσκάθαρτος Ἅιδου λιμήν,
1285 τί μἄρα τί μὀλέκεις;
κακάγγελτά μοι
προπέμψας ἄχη, τίνα θροεῖς λόγον;
αἰαῖ, ὀλωλότἄνδρἐπεξειργάσω.
τί φής, παῖ; τίναὖ λέγεις μοι νέον,
1290 αἰαῖ αἰαῖ,
σφάγιον ἐπὀλέθρῳ
γυναικεῖον ἀμφικεῖσθαι μόρον;
(Χορός)
ὁρᾶν πάρεστιν· οὐ γὰρ ἐν μυχοῖς ἔτι.
(Κρέων)
οἴμοι,
1295 κακὸν τόδἄλλο δεύτερον βλέπω τάλας.
τίς ἄρα, τίς με πότμος ἔτι περιμένει;
ἔχω μὲν ἐν χείρεσσιν ἀρτίως τέκνον,
τάλας, τὸν δἔναντα προσβλέπω νεκρόν.
[1250] Elle a trop de sagesse pour manquer à ces convenances.
LE CORYPHÉE. Je ne sais; un trop grand silence me parait aussi lourd de menaces
qu'une explosion de cris inutiles.
LE MESSAGER. Si nous voulons connaître le secret de ce désespoir si bien contenu,
entrons dans le palais. Tu as raison : un trop grand silence est lourd de menaces.
LE CORYPHÉE. -- Un instant. Voici le roi qui s'avance, portant dans ses bras s'il m'est
permis de le dire le témoignage trop clair d'un malheur qu'il ne doit qu'à lui-même.
CRÉON.
Égarements de ma sagesse,
ô mortelle obstination ! Voyez le même sas produire
les meurtriers et leurs victimes!
Malheur à moi ! décrets funestes!
O mon fils, en ta fleur nouvelle
fauché, par un destin nouveau,
hélas ! hélas ! tu t'es délié de la vie,
et c'est ma faute, ah! fou que j'étais, c'est ma faute!
LE CORYPHÉE. Hélas ! il est bien tard pour voir clair, je le crains.
CRÉON.
Malheureux que je suis,
L'adversité m'ouvre les yeux... Sur mes épaules
un dieu pèse de tout son poids,
il me frappe, il me pousse
dans l'atroce chemin,
renversant, piétinant le bonheur de ma vie!
Hélas! hélas! ô dure épreuve d'être un homme!
(Un messager sort du palais.)
LE MESSAGER DU PALAIS. Maître, tu vas entrer en possession de ton malheur tout
entier : tu en portes une partie dans tes bras, mais l'autre t'attend à l'intérieur de la
maison, et tu ne vas pas tarder, je crois, à l'avoir sous les yeux.
CRÉON. Que m'arrive-t-il de pire, ou seulement de plus ?
LE MESSAGER DU PALAIS. En digne mère de ton fils, ta femme vient de succomber, la
malheureuse, à la blessure qu'elle s'est faite.
CRÉON.
Hadès inexorable, insatiable, pourquoi, pourquoi t'acharnes-tu sur moi ? Quelle est cette
nouvelle, encore, cette horrible nouvelle ? Ai-je bien entendu ?
Ah! mon ami, tu as dit... Quoi ?...
Ah! c'est un moribond que tu achèves! Quoi ! ma femme, à présent, ma femme après
mon fils, à son tour, s'est frappée ?Ainsi, partout, autour de moi, partout, la mort!...
LE CORYPHÉE. Regarde : on vient de l'amener du fond de l'appartement.
CRÉON.
Malheureux que je suis!
je découvre l'autre face de ma misère!
Après cela, quel nouveau coup le sort me tient-il en réserve ? je porte dans mes bras
mon pauvre enfant,
et voici, sous mes yeux, l'autre cadavre...


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Dernière mise à jour : 1/06/2005