[5,250] ἀνθρώπων ἰότητι. Νόῳ δέ τε πάντα τελεῖται·
251 αἰεὶ δ´ ἀφραδέος πέλει ἀνέρος ἀμφὶ πόνοισι
252 πᾶσι καὶ ἐν βουλῇσιν ἀνὴρ πολύιδρις ἀμείνων.
253 Τοὔνεκ´ ἐυφρονέοντα θρασὺς πάις Οἰνείδαο
254 λέξατό μ´ ἐκ πάντων ἐπιτάρροθον, ὄφρ´ ἀφίκωμαι
255 ἐς φύλακας· μέγα δ´ ἔργον ὁμῶς ἐτελέσσαμεν ἄμφω.
256 Καὶ δ´ αὐτὸν Πηλῆος ἐυσθενέος κλυτὸν υἷα
257 ἤγαγον Ἀτρείδῃσιν ἐπίρροθον. Ἢν δὲ καὶ ἄλλου
258 ἥρωος χρειώ τις ἐν Ἀργείοισι πέληται,
259 οὐδ´ ὅ γε χερσὶ τεῇσιν ἐλεύσεται οὐδὲ μὲν ἄλλων
260 Ἀργείων βουλῇσιν, ἐγὼ δέ ἑ μοῦνος Ἀχαιῶν
261 ἄξω μειλιχίοισι παραυδήσας ἐπέεσσι
262 δῆριν ἐς αἰζηῶν. Μέγα γὰρ κράτος ἀνδράσι μῦθος
263 γίνετ´ ἐυφροσύνῃ μεμελημένος· ἠνορέη δὲ
264 ἄπρηκτος τελέθει μέγεθός τ´ εἰς οὐδὲν ἀέξει
265 ἀνέρος, εἰ μή οἱ πινυτὴ ἐπὶ μῆτις ἕπηται.
266 Αὐτὰρ ἐμοὶ καὶ κάρτος ὁμῶς καὶ μῆτιν ὄπασσαν
267 ἀθάνατοι, τεῦξαν δὲ μέγ´ Ἀργείοισιν ὄνειαρ.
268 Οὐδὲ μὲν ὡς σύ μ´ ἔφησθα πάρος φεύγοντα σάωσας
269 δηίου ἐξ ἐνοπῆς· οὐ γὰρ φύγον, ἀλλ´ ἅμα πάντας
270 Τρῶας ἐπεσσυμένους μένον ἔμπεδον· οἳ δ´ ἐπέχυντο
271 ἀλκῇ μαιμώωντες, ἐγὼ δ´ ὑπὸ κάρτεϊ χειρῶν
272 πολλῶν θυμὸν ἔλυσα. Σὺ δ´ οὐκ ἄρ´ ἐτήτυμα βάζεις·
273 οὐ γὰρ ἔμοιγ´ ἐπάμυνας ἀνὰ μόθον, ἀλλὰ σοὶ αὐτῷ
274 ἔστης ἦρα φέρων, μή τίς νύ σε δουρὶ δαμάσσῃ
275 φεύγοντ´ ἐκ πολέμοιο. Νέας δ´ ἐς μέσσον ἔρυσσα
276 οὔ τι περιτρομέων δηίων μένος, ἀλλ´ ἵνα μῆχος
277 αἰὲν ἅμ´ Ἀτρείδῃσιν ὑπὲρ πολέμοιο φέρωμαι.
278 Καὶ σὺ μὲν ἔκτοσθε στῆσας νέας· αὐτὰρ ἔγωγε
279 αὐτὸν ἀεικίσσας πληγῇς ὑπὸ λευγαλέῃσιν
280 ἐς Τρώων πτολίεθρον ἐσήλυθον, ὄφρα πύθωμαι
281 ὁππόσα μητιόωνται ὑπὲρ πολέμου ἀλεγεινοῦ.
282 Οὐδὲ μὲν Ἕκτορος ἔγχος ἐδείδιον, ἀλλὰ καὶ αὐτὸς
283 ἐν πρώτοις ἀνόρουσα μαχέσσασθαι μενεαίνων
284 κείνῳ, ὅτ´ ἠνορέῃ πίσυνος προκαλέσσατο πάντας.
285 Νῦν δέ σευ ἀμφ´ Ἀχιλῆι πολὺ πλέονας κτάνον ἄνδρας
286 δυσμενέων, ἐσάωσα δ´ ὁμῶς τεύχεσσι θανόντα.
287 Οὐδὲ μὲν ἐγχείην τρομέω σέθεν, ἀλλά με λυγρὸν
288 ἕλκος ἔτ´ ἀμφ´ ὀδύνῃς περινίσεται εἵνεκα τευχέων
289 τῶνδ´ ὑπερουτηθέντα δαϊκταμένου τ´ Ἀχιλῆος.
290 Καὶ δ´ ἐμοὶ ὡς Ἀχιλῆι πέλει Διὸς ἔξοχον αἷμα.»
291 Ὣς ἄρ´ ἔφη· τὸν δ´ αὖτις ἀμείβετο καρτερὸς Αἴας·
292 «Ὦ Ὀδυσεῦ δολομῆτα καὶ ἀργαλεώτατε πάντων,
293 οὔ νύ ς´ ἐκεῖς´ ἐνόησα πονεύμενον οὐδέ τις ἄλλος
294 Ἀργείων, ὅτε Τρῶες Ἀχιλλέα δῃωθέντα
295 ἑλκέμεναι μενέαινον. Ἐγὼ δ´ ὑπὸ δουρὶ καὶ ἀλκῇ
296 τῶν μὲν γούνατ´ ἔλυσα κατὰ μόθον, οὓς δ´ ἐφόβησα
297 αἰὲν ἐπεσσύμενος· τοὶ δ´ ἀργαλέως φοβέοντο
298 χήνεσιν ἢ γεράνοισιν ἐοικότες, οἷς τ´ ἐπορούσῃ
299 αἰετὸς ἠιόεν πεδίον κάτα βοσκομένοισιν·
| [5,250] c'est enfin par la sagesse que toutes choses se font,
et toujours, dans les travaux ou dans les conseils, un homme sage l'emporte sur un homme imprudent.
Aussi, à cause de ma prudence, le vaillant fils d'Oenée me préféra à tous les autres guerriers pour
être son compagnon et pour aller avec lui surprendre les sentinelles, et là tous deux nous avons
accompli de grands exploits. C'est moi encore qui amenai dans l'armée des Atrides le fils illustre de
Pélée ; et si encore les Argiens ont besoin d'un autre héros, ce n'est pas ton bras qui t'amenèra, ni la
sagesse d'un autre homme ; moi seul parmi les Achéens je le conduirai ici, et mes douces paroles
l'inviteront aux luttes des guerriers. La parole est une grande force quand elle est dirigée par la
sagesse, mais la force est inutile et le courage ne mène à rien si la prudence ne l'accompagne. Du
reste, les immortels m'ont donné la force avec l'esprit, et ils ont fait de moi le bienfaiteur des Argiens. Il
n'est pas vrai, comrne tu le dis, que tu aies protégé ma fuite contre la fureur des Troyens ; non, je n'ai
pas fui, j'ai soutenu vaillamment l'effort de tous les ennemis ; ils s'élançaient avec impétuosité ; mais,
par ma vaillance, j'arrachai la vie à beaucoup d'entre eux ; tu ne dis donc pas la vérité. Tu ne me
protégeais pas dans la mêlée ; tu te défendais toi-même, et tu restais ferme, craignant d'être blessé si
tu fuyais. J'ai placé mes navires au centre, non pas que je redoute la force des ennemis, mais afin de
partager avec des Atrides toutes les préoccupations de la guerre. Tes navires sont en avant, mais moi
j'ai fait plus : je me suis couvert de coups honteux ; je suis entré dans la ville des Troyens pour savoir
moi-même quels étaient leurs projets dans cette guerre funeste. Je n'ai pas craint la lance d'Hector ; je
me suis même armé des premiers pour le combattre lorsque, confiant dans sa force, il nous
provoquait tous. Et maintenant encore, pour défendre Achille, j'ai tué plus d'ennemis que toi ; c'est moi
qui ai sauvé son corps et ses armes. Je ne crains pas ta lance ; si je ne veux pas combattre, c'est
qu'une blessure cruelle me fait encore souffrir et que j'ai été frappé en sauvant les armes d'Achille
après sa mort. Moi aussi, comme Achille, je suis du sang divin de Zeus».
291 Il parla ainsi ; le robuste Ajax lui répondit :
«Odysse, homme trompeur et perfide entre tous, je ne t'ai pas vu combattre ici, ni moi ni aucun des
Argiens, au moment où les Troyens s'efforçaient d'emporter le cadavre d'Achille. C'est moi qui, par ma
lance et mes forces, faisais fléchir les genoux des guerriers dans la mêlée ou faisais fuir les autres en
les poursuivant sans relâche. Ils fuyaient honteusement, comme des oies ou des grues sur qui fond
un aigle tandis qu'elles se repaissent dans une plaine au bord d'un fleuve ;
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