[4,40] ἐπεὶ δ´ ἐπὶ τὸν τόπον ἐπέστημεν, οὐδὲν ἀφετέον ἀργὸν
οὐδ´ ἐν αὐτῇ τῇ φάσει κείμενον, ὅπερ οἱ πλεῖστοι ποιεῖν
εἰώθασι τῶν συγγραφέων, ἀποδεικτικῇ δὲ μᾶλλον
τῇ διηγήσει χρηστέον, ἵνα μηδὲν ἄπορον ἀπολείπωμεν
τῶν ζητουμένων τοῖς φιληκόοις. τοῦτο γὰρ
ἴδιόν ἐστι τῶν νῦν καιρῶν, ἐν οἷς πάντων πλωτῶν
καὶ πορευτῶν γεγονότων οὐκ ἂν ἔτι πρέπον εἴη
ποιηταῖς καὶ μυθογράφοις χρῆσθαι μάρτυσι περὶ
τῶν ἀγνοουμένων, ὅπερ οἱ πρὸ ἡμῶν πεποιήκασι
περὶ τῶν πλείστων, ἀπίστους ἀμφισβητουμένων παρεχόμενοι
βεβαιωτὰς κατὰ τὸν Ἡράκλειτον, πειρατέον
δὲ δι´ αὐτῆς τῆς ἱστορίας ἱκανὴν παριστάναι
πίστιν τοῖς ἀκούουσι. φαμὲν δὴ χώννυσθαι μὲν καὶ
πάλαι καὶ νῦν τὸν Πόντον, χρόνῳ γε μὴν ὁλοσχερῶς
ἐγχωσθήσεσθαι τήν τε Μαιῶτιν καὶ τοῦτον, μενούσης
γε δὴ τῆς αὐτῆς τάξεως περὶ τοὺς τόπους,
καὶ τῶν αἰτίων τῆς ἐγχώσεως ἐνεργούντων κατὰ τὸ
συνεχές. ὅταν γὰρ ὁ μὲν χρόνος ἄπειρος ᾖ, τὰ δὲ
κοιλώματα πάντη πάντως ὡρισμένα, δῆλον ὡς, κἂν
τὸ τυχὸν εἰσφέρηται, πληρωθήσονται τῷ χρόνῳ. κατὰ
φύσιν γὰρ τὸ πεπερασμένον ἐν ἀπείρῳ χρόνῳ συνεχῶς
γινόμενον ἢ φθειρόμενον, κἂν κατ´ ἐλάχιστον
γίνηται—τοῦτο γὰρ νοείσθω νῦν—ἀνάγκη τελειωθῆναι
κατὰ τὴν πρόθεσιν. ὅταν δὲ μὴ τὸ τυχόν,
ἀλλὰ καὶ λίαν πολύς τις εἰσφέρηται χοῦς, φανερὸν
ὡς οὐ ποτέ, ταχέως δὲ συμβήσεται γενέσθαι
τὸ νῦν δὴ λεγόμενον ὑφ´ ἡμῶν. ὃ δὴ καὶ φαίνεται
γινόμενον. τὴν μὲν οὖν Μαιῶτιν ἤδη κεχῶσθαι
συμβαίνει· τὸ γάρ τοι πλεῖστον αὐτῆς μέρος
ἐν ἑπτὰ καὶ πέντε ὀργυιαῖς ἐστι· διὸ καὶ πλεῖν αὐτὴν
οὐκέτι δύνανται ναυσὶ μεγάλαις χωρὶς καθηγεμόνος.
οὖσά τ´ ἐξ ἀρχῆς θάλαττα σύρρους τῷ
Πόντῳ, καθάπερ οἱ παλαιοὶ συμφωνοῦσι, νῦν ἐστι
λίμνη γλυκεῖα, τῆς μὲν θαλάττης ἐκπεπιεσμένης
ὑπὸ τῶν ἐγχωμάτων, τῆς δὲ τῶν ποταμῶν εἰσβολῆς
ἐπικρατούσης. ἔσται δὲ καὶ περὶ τὸν Πόντον παραπλήσιον,
καὶ γίνεται νῦν· ἀλλ´ οὐ λίαν τοῖς πολλοῖς
ἐστι καταφανὲς διὰ τὸ μέγεθος τοῦ κοιλώματος.
τοῖς μέντοι γε βραχέα συνεπιστήσασι καὶ νῦν
ἐστι δῆλον τὸ γινόμενον.
| [4,40] Puisque nous en sommes à ces régions, il
ne faut pas négliger, comme le font la plupart, des historiens,
l'étude des phénomènes purement naturels ;
il faut faire surtout de l'histoire démonstrative, pour
que sur aucune question l'incertitude ne subsiste dans
l'esprit des lecteurs. Cette précision est en effet dans
le goût de notre époque : dans un temps où tous les
pays sont explorés par mer ou par terre, on ne doit
plus s'en rapporter, sur ce qu'on ne connaît pas, au
témoignage des poètes et des mythographes ; c'est ce
que faisaient presque toujours nos prédécesseurs, qui
« sur les points contestés n'invoquent », comme dit
Héraclite, « que des autorités auxquelles on ne peut
se fier ». Notre idéal doit être que nos relations historiques
suffisent, par elles-mêmes, à inspirer confiance aux lecteurs.
Je disais donc que le Pont-Euxin se comble depuis
longtemps et qu'il finira par être entièrement comblé,
ainsi que le Palus-Méotide, si les conditions géographiques
restent les mêmes et si les causes de l'ensablement
continuent à exercer leur action incessante. Puisque
la durée est infinie et les dépressions dont il s'agit
absolument limitées, il est évident que, si faibles que
soient les alluvions, à la longue elles rempliront entièrement
le lit de ces mers ; car si un objet fini croît ou
diminue continuellement pendant un temps indéfini,
même si ces modifications sont minimes (pour nous
placer maintenant dans cette hypothèse), un moment
viendra naturellement où l'évolution arrivera au
terme vers lequel elle tend. Mais en fait, ce n'est pas
une petite quantité de limon qui se dépose, c'en
est une très considérable ; ce n'est donc évidemment
pas dans un avenir plus ou moins éloigné, mais très
prochainement, que se produira le résultat que
j'annonce. On peut d'ailleurs le constater dès à
présent : le Palus-Méotide est d'ores et déjà ensablé;
sur la plus grande partie de son étendue, sa profondeur
ne dépasse pas cinq à sept brasses, et les
gros vaisseaux ne peuvent y naviguer qu'avec un pilote.
A l'origine, c'était, de l'avis unanime des anciens, une
mer reliée au Pont-Euxin ; actuellement, ce n'est plus
qu'un lac d'eau douce : l'eau de mer a été repoussée
vers le dehors par les alluvions et a cédé la place à celle
qu'apportaient les fleuves. La même chose arrivera au
Pont ; elle est dès maintenant en train de se produire :
la plupart des gens ne s'en aperçoivent guère, à cause
de la grandeur du lit ; mais pour peu qu'on y prête
attention, le fait est facile à observer.
|