[28] XXVIII. Διὸ τῇ δόξῃ τῆς ἀθανασίας συναναιροῦσι τὰς ἡδίστας
ἐλπίδας καὶ μεγίστας τῶν πολλῶν. τί δῆτα τῶν
ἀγαθῶν οἰόμεθα καὶ βεβιωκότων ὁσίως καὶ δικαίως, - - -
κακὸν μὲν οὐθὲν ἐκεῖ τὰ δὲ κάλλιστα καὶ θειότατα προσδοκῶσι;
πρῶτον μὲν γάρ, ἀθληταὶ στέφανον οὐκ
ἀγωνιζόμενοι λαμβάνουσιν ἀλλ´ ἀγωνισάμενοι καὶ νικήσαντες,
οὕτως ἡγούμενοι τοῖς ἀγαθοῖς τὰ νικητήρια τοῦ
βίου μετὰ τὸν βίον ὑπάρχειν θαυμάσιον οἷον φρονοῦσι τῇ
ἀρετῇ πρὸς ἐκείνας τὰς ἐλπίδας· ἐν αἷς ἐστι καὶ τοὺς νῦν
ὑβρίζοντας ὑπὸ πλούτου καὶ δυνάμεως καὶ καταγελῶντας
ἀνοήτως τῶν κρειττόνων ἐπιδεῖν ἀξίαν δίκην τίνοντας.
ἔπειτα τῆς ἀληθείας καὶ θέας τοῦ ὄντος οὐδεὶς ἐνταῦθα
τῶν ἐρώντων ἐνέπλησεν ἑαυτὸν ἱκανῶς, οἷον δι´ ὁμίχλης
ἢ νέφους τοῦ σώματος ὑγρῷ καὶ ταραττομένῳ τῷ λογισμῷ
χρώμενος, ἀλλ´ ὄρνιθος δίκην ἄνω βλέποντες ὡς
ἐκπτησόμενοι τοῦ σώματος εἰς μέγα τι καὶ λαμπρόν,
εὐσταλῆ καὶ ἐλαφρὰν ποιοῦσι τὴν ψυχὴν ἀπὸ τῶν θνητῶν,
τῷ φιλοσοφεῖν μελέτῃ χρώμενοι τοῦ ἀποθνήσκειν. οὕτως
μέγα τι καὶ τέλεον ὄντως ἀγαθὸν ἡγοῦνται τὴν τελευτήν,
ὡς βίον ἀληθῆ βιωσομένην ἐκεῖ τὴν ψυχήν, οὐχ ὕπαρ νῦν
ζῶσαν ἀλλ´ ὀνείρασιν ὅμοια πάσχουσαν.
εἰ τοίνυν ’ἡδὺ πανταχόθεν ἡ φίλου μνήμη τεθνηκότος‘, ὥσπερ
Ἐπίκουρος εἶπε, καὶ ἤδη νοεῖν πάρεστιν ἡλίκης ἑαυτοὺς χαρᾶς
ἀποστεροῦσι φάσματα 〈μὲν〉 καὶ εἴδωλα τεθνηκότων ἑταίρων
οἰόμενοι δέχεσθαι καὶ θηρεύειν, οἷς οὔτε νοῦς ἐστιν
οὔτ´ αἴσθησις, αὐτοῖς δὲ συνέσεσθαι πάλιν ἀληθῶς καὶ
τὸν φίλον πατέρα καὶ τὴν φίλην μητέρα καί που γυναῖκα
χρηστὴν ὄψεσθαι μὴ προσδοκῶντες μηδ´ ἔχοντες ἐλπίδα
τῆς ὁμιλίας ἐκείνης καὶ φιλοφροσύνης, ἣν ἔχουσιν οἱ τὰ
αὐτὰ Πυθαγόρᾳ καὶ Πλάτωνι καὶ Ὁμήρῳ περὶ ψυχῆς
δοξάζοντες. ᾧ δ´ ὅμοιόν ἐστιν αὐτῶν τὸ πάθος, Ὅμηρος
ὑποδεδήλωκεν, εἴδωλον τοῦ Αἰνείου καταβαλὼν εἰς μέσον
τοῖς μαχομένοις ὡς τεθνηκότος, εἶθ´ ὕστερον αὐτὸν
ἐκεῖνον ἀναδείξας ’ζωὸν καὶ ἀρτεμέα προσιόντα καὶ μένος
ἐσθλὸν ἔχοντα‘ τοῖς φίλοις, ’οἱ δ´ ἐχάρησαν‘ φησί, καὶ
τὸ εἴδωλον μεθέμενοι περιέσχον αὐτόν. οὐκοῦν καὶ ἡμεῖς
τοῦ λόγου δεικνύοντος, ὡς ἔστιν ἐντυχεῖν ἀληθῶς τοῖς
τεθνεῶσι καὶ τῷ φιλοῦντι τοῦ φρονοῦντος
αὐτοῦ καὶ φιλοῦντος ἅψασθαι καὶ συγγενέσθαι, - - - μὴ
δυναμένους μηδ´ ἀπορρῖψαι τὰ εἴδωλα πάντα καὶ τοὺς
φλοιούς, ἐφ´ οἷς ὀδυρόμενοι καὶ κενοπαθοῦντες διατελοῦσιν.
| [28] Ainsi en supprimant la croyance de l'immortalité on enlève
les plus agréables et les plus précieuses espérances à la majorité des
hommes. Que sera-ce, réfléchissons-y, que sera-ce pour les justes
qui ont mené une existence irréprochable et sainte, et qui loin de voir
au delà du tombeau rien de terrible, y contemplent des perspectives
délicieuses et toutes divines !
En effet, d'abord les athlètes ne reçoivent pas la couronne pendant
qu'ils combattent : ce n'est qu'après avoir combattu, qu'après avoir
mérité le prix. De même les gens de bien, persuadés que c'est
après la vie que les palmes en sont décernées, se complaisent dans les
espérances, merveilleusement douces, que leur inspire la
conscience de leurs vertus. Au nombre de leurs espérances
est celle-ci, que les mortels fiers aujourd'hui de leurs richesses
et de leur puissance jusqu'à en être insolents et jusqu'à
se moquer stupidement de ceux qui valent mieux qu'eux
seront punis comme ils le méritent, et que les gens de bien
seront témoins de cette expiation.
En second lieu, la jouissance et la contemplation de la vérité n'a jamais
satisfait complétement ici-bas ceux qui sont passionnés pour elle. Il
semble qu'ils la voient à travers un brouillard : le corps est
un nuage qui l'intercepte, et la raison procède en eux sans
consistance et sans certitude. Comme les habitants de l'air,
ils portent les yeux en haut. Il leur semble qu'ils vont s'envoler
du corps pour aller dans des espaces immenses, lumineux.
Ils donnent par avance à leur âme, loin des misères humaines,
un essor rapide et dégagé, et la philosophie est pour
eux une préparation à la mort. De cette manière, ils regardent
la fin de la vie comme un bien important et véritablement parfait.
Alors, se disent-ils, l'âme vivra de sa vie véritable: aujourd'hui elle
sommeille, aujourd'hui elle ressemble à un être qui rêve.
Si donc "la mémoire d'un ami mort est délicieuse, à quelque point
de vue qu'on y songe", comme a dit Épicure, on peut dès ce moment
se figurer de quelles délices se privent ces philosophes. Quoi! d'après
leurs croyances, ce sont les fantômes, les images de ses amis
morts, que l'on perçoit, que l'on cherche à saisir, images
et fantômes privés d'intelligence et de sentiment ! Ils ne
supposent pas qu'une mère, qu'un père adoré, qu'une vertueuse
compagne puissent jamais être rendus à nos regards.
Ils n'ont pas la moindre espérance de se retrouver un jour
dans leur douce société et dans leurs embrassements, tandis
qu'un espoir de ce genre anime ceux qui partagent les opinions
de Pythagore, de Platon, d'Homère, sur l'immortalité
de l'âme. A quoi ressemblent les sentiments qu'ils éprouvent?
Homère nous le donne à comprendre, quand il jette
au milieu des combattants une image d'Énée comme si ce
héros était mort, qu'ensuite plus tard aux Troyens ses
amis il le montre en personne,
"Vivant, et d'un pas calme, avec tranquillité,
S'avançant plein de force et plein de majesté."
A cette vue
"Ses amis, transportés, se livrent à la joie",
et ils abandonnent son image pour se réunir autour de lui.
Nous donc aussi, puisque la raison démontre qu'il est possible
de se réunir véritablement aux morts, puis que l'ami
doit un jour se retrouver et vivre avec son ami auquel le
sentiment et la tendresse auront été rendus, laissons pour ce
qu'elle vaut la doctrine des Épicuriens. Ils ne savent pas
admettre nos douces croyances; et d'un autre côté, ils ne
peuvent se résoudre à rejeter toutes ces images vaines,
sortes d'écorces, qui entretiennent chez eux des lamentations
et des souffrances perpétuelles.
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