[27] XXVII. ἣν καὶ προεπισφάττουσιν οἱ ταυτὶ λέγοντες ’ἅπαξ
ἄνθρωποι γεγόναμεν, δὶς δ´ οὐκ ἔστι γενέσθαι· δεῖ δὲ τὸν
αἰῶνα μηκέτ´ εἶναι.‘ καὶ γὰρ τὸ παρὸν ὡς μικρὸν μᾶλλον
δὲ μηδ´ ὁτιοῦν πρὸς τὸ σύμπαν ἀτιμάσαντες ἀναπόλαυστον
προΐενται, καὶ ὀλιγωροῦσιν ἀρετῆς καὶ πράξεως
οἷον ἐξαθυμοῦντες καὶ καταφρονοῦντες ἑαυτῶν ὡς ἐφημέρων
καὶ ἀβεβαίων καὶ πρὸς οὐθὲν ἀξιόλογον γεγονότων.
τὸ γάρ ’ἀναισθητεῖν τὸ διαλυθὲν καὶ μηθὲν εἶναι πρὸς
ἡμᾶς τὸ ἀναισθητοῦν‘ οὐκ ἀναιρεῖ τὸ τοῦ θανάτου δέος
ἀλλ´ ὥσπερ ἀπόδειξιν αὐτοῦ προστίθησιν. αὐτὸ γὰρ τοῦτ´
ἐστὶν ὃ δέδοικεν ἡ φύσις·
’ἀλλ´ ὑμεῖς μὲν πάντες ὕδωρ καὶ γαῖα γένοισθε‘,
τὴν εἰς τὸ μὴ φρονοῦν μηδ´ αἰσθανόμενον διάλυσιν τῆς
ψυχῆς, ἣν Ἐπίκουρος εἰς κενὸν καὶ ἀτόμους διασπορὰν
ποιῶν ἔτι μᾶλλον ἐκκόπτει τὴν ἐλπίδα τῆς ἀφθαρσίας, δι´
ἣν ὀλίγου δέω λέγειν πάντας εἶναι καὶ πάσας προθύμους
τῷ Κερβέρῳ διαδάκνεσθαι καὶ φορεῖν εἰς τὸν τρητόν,
ὅπως ἐν τῷ εἶναι μόνον διαμένωσι μηδ´ ἀναιρεθῶσι. καίτοι
ταῦτα μέν, ὥσπερ ἔφην, οὐ πάνυ πολλοὶ δεδίασι, μητέρων
ὄντα καὶ τιτθῶν δόγματα καὶ λόγους μυθώδεις, οἱ δὲ καὶ
δεδιότες τελετάς τινας αὖ πάλιν καὶ καθαρμοὺς οἴονται
βοηθεῖν, οἷς ἁγνισάμενοι διατελεῖν ἐν Ἅιδου παίζοντες
καὶ χορεύοντες ἐν τόποις αὐγὴν καὶ πνεῦμα καθαρὸν καὶ
φέγγος ἔχουσιν. ἡ δὲ τοῦ ζῆν στέρησις ἐνοχλεῖ καὶ νέους
καὶ γέροντας·
’δυσέρωτες γὰρ φαινόμεθ´ ὄντες
τοῦδ´, ὅ τι τόδε στίλβει κατὰ γῆν‘
ὡς Εὐριπίδης φησίν. οὐδὲ ῥᾳδίως οὐδ´ ἀλύπως ἀκούομεν
’ὣς ἄρ´ εἰπόντα μιν τηλαυγὲς ἀμβρόσιον
ἐλασίππου πρόσωπον
ἀπέλιπεν ἁμέρας‘.
| [27] Aussi est-ce deux fois égorger les gens, que de répéter
des phrases comme celle-ci : «Mortels, nous ne venons
qu'une fois à la lumière. On ne saurait renaître sur de
nouveaux frais. Durant toute l'éternité, pèsera sur nous
le néant.» En effet mettre en circulation de pareilles idées,
c'est regarder le présent comme peu de chose ; ou plutôt le
présent n'est plus rien, comparativement à la totalité des
siècles. On ne l'apprécie plus, on n'en jouit pas, on le laisse
s'enfuir. Vertus, bonnes actions, tout est négligé. On cède
à une sorte de découragement. On se méprise soi-même,
comme une créature éphémère; chancelante, et mise au
monde sans aucune destination qui en vaille la peine.
Dès lors c'est en vain que l'on nous répète : «que la dissolution
entraîne l'insensibilité, et que ce qui n'a plus de
sentiment n'est rien pour nous». Cette réflexion, loin de
nous ôter la crainte du trépas, nous le met en quelque
sorte sous les yeux; car ce que redoute la nature, c'est
précisément une telle destruction :
"Puissiez-vous devenir de la terre et de l'eau" !
c'est cette dissolution de l'âme en une matière privée
d'intelligence et de, sentiment. Or Épicure, lorsqu'il fait
évaporer l'âme en vide et en atomes, sape plus énergiquement
encore nos espérances d'immortalité. Si vivace
pourtant est cet espoir, que tous, femmes aussi bien qu'hommes,
j'ose presque le dire, se déchireraient volontiers à
belles dents avec Cerbère et tenteraient de remplir le tonneau
des Danaïdes, afin d'être seulement maintenus dans
l'existence, afin de ne pas être anéantis. Mais ces craintes,
comme je l'ai dit, sont celles d'un très petit nombre. Ce
sont propos de commères et de nourrices, ce sont des fables
et des contes. Ceux qui partagent ces terreurs se figurent
que certaines initiations, certaines expiations doivent être
une garantie souveraine, et que, ainsi purifiés, ils vivront
aux Enfers constamment occupés à des divertissements, à
des choeurs de danse, en compagnie de ceux qui jouissent de
la lumière, d'un souffle purifié et du privilége de la voix.
Mais la privation de la vie est une idée insupportable
aux jeunes gens et aux vieillards.
"Nous voudrions, (désir qui n'est qu'une chimère!)
Voir toujours le soleil, ce flambeau de la terre,"
Comme dit Euripide; et ce n'est pas avec plaisir, ce n'est
sans douleur que nous entendons ces vers :
"A peine il a fini, que l'astre radieux,
Le soleil, oeil du jour, disparaît de ses yeux."
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