[26] XXVI. Τοῖς δὲ πολλοῖς καὶ ἄνευ φόβου περὶ τῶν ἐν
Ἅιδου ἡ παρὰ τὸ μυθῶδες τῆς ἀιδιότητος ἐλπίς. καὶ ὁ
πόθος τοῦ εἶναι, πάντων ἐρώτων πρεσβύτατος ὢν καὶ
μέγιστος, ἡδοναῖς ὑπερβάλλει καὶ γλυκυθυμίαις τὸ παιδικὸν
ἐκεῖνο δέος. ᾗ καὶ τέκνα καὶ γυναῖκας καὶ φίλους
ἀποβάλλοντες εἶναί που μᾶλλον ἐθέλουσι καὶ διαμένειν
κακοπαθοῦντας ἢ παντάπασιν ἐξῃρῆσθαι καὶ διεφθάρθαι
καὶ γεγονέναι τὸ μηθέν· ἡδέως δὲ τῶν ὀνομάτων τοῦ μεθίστασθαι
τὸν θνήσκοντα καὶ μεταλλάττειν καὶ ὅσα δηλοῖ
μεταβολὴν ὄντα τῆς ψυχῆς οὐ φθορὰν τὸν θάνατον ἀκροῶνται
καὶ λέγουσιν οὕτως
’αὐτὰρ ἐγὼ κἀκεῖθι φίλου μεμνήσομ´ ἑταίρου‘
καί
’τί σοι πρὸς Ἕκτορ´ ἢ γέροντ´ εἴπω πόσιν;‘.
ἐκ δὲ τούτου παρατροπῆς γενομένης καὶ ὅπλα καὶ σκεύη
καὶ ἱμάτια συνήθη τοῖς τεθνηκόσι καὶ ὡς ὁ Μίνως τῷ
Γλαύκῳ, ’Κρητικοὺς αὐλοὺς θανοῦσι κῶλα ποικίλης
νεβροῦ‘ συνθάπτοντες ἥδιον ἔχουσι.
κἄν τι δόξωσιν αἰτεῖν καὶ ποθεῖν ἐκείνους, χαίρουσιν ἐπιδιδόντες·
ὥσπερ ὁ Περίανδρος τῇ γυναικὶ τὸν κόσμον ὡς
δεομένῃ καὶ ῥιγοῦν λεγούσῃ συγκατέκαυσεν. οἱ δ´ Αἰακοὶ
καὶ Ἀσκάλαφοι καὶ Ἀχέροντες οὐ πάνυ διαταράττουσιν,
οἷς γε καὶ χοροὺς καὶ θέατρα καὶ μοῦσαν ἡδομένοις
παντοδαπὴν γενομένου δεδώκασιν. ἀλλ´ ἐκεῖνο τοῦ θανάτου
τὸ πρόσωπον ὡς φοβερὸν καὶ σκυθρωπὸν καὶ σκοτεινὸν
ἅπαντες ὑποδειμαίνουσι, τὸ τῆς ἀναισθησίας καὶ λήθης
καὶ ἀγνοίας· καὶ πρὸς τό ’ἀπόλωλε‘ καὶ τό ’ἀνῄρηται‘
καὶ τό ’οὐκ ἔστι‘ ταράσσονται καὶ δυσανασχετοῦσι τούτων
λεγομένων·
’τὸ ἔπειτα κείσεται βαθυδένδρῳ
ἐν χθονὶ συμποσίων τε καὶ λυρᾶν ἄμοιρος
ἰαχᾶς τε παντερπέος αὐλῶν·‘
καί
’ἀνδρὸς δὲ ψυχὴ πάλιν ἐλθεῖν οὔτε λεϊστὴ
οὔθ´ ἑλετή, ἐπεὶ ἄρ κεν ἀμείψεται ἕρκος ὀδόντων‘.
| [26] Arrivons aux gens du vulgaire. Même sans la crainte
de l'Enfer, l'espoir de cette éternité que promet la mythologie,
le désir d'exister encore, désir qui de tous les amours est
le plus ancien et le plus vif, ces deux sentiments, dis-je,
prévalent chez le commun des hommes, grâce au plaisir et à
la douceur qu'ils leur offrent, sur ces puériles terreurs.
Aussi, quand ils perdent enfants, femmes, amis, ils préfèrent
les croire placés quelque part, où ils existent encore
au milieu des souffrances, plutôt que de les supposer complétement
perdus pour eux et condamnés à la destruction
et au néant. Ils aiment à entendre répéter ces mots,
"que le trépas est un déplacement, une mutation", et
toutes les autres termes du langage qui présentent la mort
comme une modification subie par l'âme et non pas comme
une entière dissolution; et ils parlent en ce sens :
"J'emporterai là-bas, ami, ton souvenir",
et .
"Je vais revoir Nestor, revoir ton vieil époux :
Que leur dirai-je?..."
Cette croyance donnant le change, on laisse aux morts leurs
armes, leurs meubles, leurs vêtements habituels. Ainsi Minos
met dans le tombeau de Glaucus
"La flûte dont jouait le mort: flûte de Crète,
Jadis membre d'un faon....".
Quand on a enseveli ces objets avec ceux que l'on pleure,
on est plus satisfait; et si l'on suppose qu'ils demandent et
regrettent quelque chose, on est heureux de le leur donner
encore. Ainsi fit Périandre, qui brûla avec le corps de
sa femme tout ce qu'elle avait de parure et de toilette, s'imaginant
qu'elle le demandait et qu'elle avait froid. Les Eaque,
les Ascalaphe, les Achéron, ne troublent en aucune façon
le vulgaire, puisque, du moins, ils lui offrent des chœurs,
des spectacles, des chants de toute espèce auxquels il prend
grand plaisir. Mais c'est l'image de la mort qui fait trembler
la plupart des humains. Rien ne semble plus effrayant, plus
sinistre, plus ténébreux : on ne voit dans la mort qu'insensibilité,
qu'oubli, qu'ignorance de toutes choses. Ces mots :
"il est perdu, il a été enlevé, il n'est plus", troublent le
commun des hommes. Il leur est insupportable d'entendre dire :
"Mollement ombragé par un épais feuillage,
Bientôt sous terre on dormira.
Oui, bientôt tout disparaîtra,
Et concerts, et festins, et plaisirs du bel âge."
et:
"Des lèvres une fois que l'âme est exhalée,
Elle est à tout jamais loin de nous envolée."
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