[7] Ὃ τοίνυν μέγιστον κακὸν ἔχουσιν αἱ πολιτεῖαι,
τὸν φθόνον, ἥκιστα διερείδεται πρὸς τὸ
γῆρας· "κύνες γὰρ καὶ βαΰζουσιν ὃν ἂν μὴ γινώσκωσι"
καθ´ Ἡράκλειτον, καὶ πρὸς τὸν ἀρχόμενον
ὥσπερ ἐν θύραις τοῦ βήματος μάχεται καὶ πάροδον
οὐ δίδωσι· τὴν δὲ σύντροφον καὶ συνήθη δόξαν οὐκ
ἀγρίως οὐδὲ χαλεπῶς ἀλλὰ πράως ἀνέχεται. διὸ
τὸν φθόνον ἔνιοι τῷ καπνῷ παρεικάζουσι· πολὺς
γὰρ ἐν τοῖς ἀρχομένοις διὰ τὸ φλέγεσθαι προεκπίπτων,
ὅταν ἐκλάμψωσιν, ἀφανίζεται. καὶ ταῖς
μὲν ἄλλαις ὑπεροχαῖς προσμάχονται καὶ διαμφισβητοῦσιν
ἀρετῆς καὶ γένους καὶ φιλοτιμίας, ὡς
ἀφαιροῦντες αὑτῶν ὅσον ἄλλοις ὑφίενται· τὸ δ´
ἀπὸ τοῦ χρόνου πρωτεῖον, ὃ καλεῖται κυρίως
πρεσβεῖον, ἀζηλοτύπητόν ἐστι καὶ παραχωρούμενον·
οὐδεμιᾷ γὰρ οὕτω τιμῇ συμβέβηκε τὸν τιμῶντα
μᾶλλον ἢ τὸν τιμώμενον κοσμεῖν, ὡς τῇ τῶν
γερόντων. ἔτι τὴν μὲν ἀπὸ τοῦ πλούτου δύναμιν
ἢ λόγου δεινότητος ἢ σοφίας οὐ πάντες αὑτοῖς
γενήσεσθαι προσδοκῶσιν, ἐφ´ ἣν δὲ προάγει τὸ
γῆρας αἰδῶ καὶ δόξαν οὐδεὶς ἀπελπίζει τῶν
πολιτευομένων. οὐδὲν οὖν διαφέρει κυβερνήτου
πρὸς ἐναντίον κῦμα καὶ πνεῦμα πλεύσαντος ἐπισφαλῶς,
εὐδίας δὲ καὶ εὐαερίας γενομένης ὁρμίσασθαι
ζητοῦντος, ὁ τῷ φθόνῳ διαναυμαχήσας
πολὺν χρόνον, εἶτα παυσαμένου καὶ στορεσθέντος,
ἀνακρουόμενος ἐκ τῆς πολιτείας καὶ προϊέμενος
ἅμα ταῖς πράξεσι τὰς κοινωνίας καὶ τὰς ἑταιρείας.
ὅσῳ γὰρ χρόνος γέγονε πλείων, καὶ φίλους πλείονας
καὶ συναγωνιστὰς πεποίηκεν, οὓς οὔτε συνεξάγειν
ἑαυτῷ πάντας ἐνδέχεται καθάπερ διδασκάλῳ χορὸν
οὔτ´ ἐγκαταλείπειν δίκαιον· ἀλλ´ ὥσπερ τὰ παλαιὰ
δένδρα τὴν μακρὰν πολιτείαν οὐ ῥᾴδιόν ἐστιν
ἀνασπάσαι πολύρριζον οὖσαν καὶ πράγμασιν ἐμπεπλεγμένην,
ἃ πλείονας παρέχει ταραχὰς καὶ
σπαραγμοὺς ἀπερχομένοις ἢ μένουσιν. εἰ δέ τι
καὶ περίεστι φθόνου λείψανον ἢ φιλονεικίας πρὸς
τοὺς γέροντας ἐκ τῶν πολιτικῶν ἀγώνων, κατασβεστέον
τοῦτο τῇ δυνάμει μᾶλλον ἢ δοτέον τὰ
νῶτα, γυμνοὺς καὶ ἀόπλους ἀπιόντας· οὐ γὰρ
οὕτως ἀγωνιζομένοις φθονοῦντες ὡς ἀπειπαμένοις
καταφρονήσαντες ἐπιτίθενται.
| [7] Parlerai-je maintenant d'un des plus grands maux
attachés à l'administration des affaires publiques, à savoir,
de l'envie? C'est aux vieillards qu'elle s'attaque le moins.
Les chiens, dit Héraclite, aboient après ceux qu'ils ne connaissent
pas. De même, au commencement, comme à l'entrée
de la tribune, l'envie se dresse hostile et ne livre point
passage. Mais quand c'est une gloire avec qui elle a été en
quelque sorte nourrie, une gloire dont elle a l'habitude,
cette même envie ne se montre pas farouche et malveillante :
son attitude est celle de la douceur et de la complaisance.
C'est pourquoi elle est par quelques-uns comparée à la
fumée, qui s'échappe avec abondance au commencement et
quand le feu s'allume, mais ne tarde pas à se dissiper lorsqu'il
brille. Les autres supériorités provoquent des luttes
et des prétentions rivales : supériorités de vertu, de naissance,
d'ambition; car il semble qu'on s'enlève à soi-même
tout ce que l'on accorde à d'autres. Mais la primauté qui
tient au temps et qui a un nom spécial, préséance d'âge,
celle-là n'excite ni jalousie ni refus de concessions. Nulle
déférence autant que celle dont les vieillards sont l'objet,
n'a le privilége d'honorer celui qui s'y conforme : elle l'honore
plus encore que celui qui la reçoit.
En outre, le crédit donné par la richesse, par le talent de
la parole, par un mérite quelconque, n'est pas de ceux que
tous espèrent conquérir; tandis que le respect et la gloire
qui sont le fruit de la vieillesse, il n'est pas un homme d'État
qui ne puisse se les promettre. Je ne ferais aucune différence
entre un pilote qui, après avoir navigué sans naufrage en
dépit des vents et des flots, chercherait, quand le temps est
devenu calme et serein, à regagner le port, et entre l'homme
d'État, qui aurait longtemps conjuré les orages de l'envie,
et qui, les voyant se calmer et s'adoucir, s'éloignerait de la
vie politique, renonçant du même coup aux affaires et à ceux
qui partageaient ses idées et vivaient avec lui. Plus il y a
de temps écoulé, plus un tel homme a augmenté le nombre
de ses amis et de ses compagnons de luttes; et s'il ne lui
est pas possible de les amener tous avec lui dans sa retraite,
comme le chef d'un choeur de musique se fait suivre de ses
musiciens, il n'est pas juste non plus qu'il les abandonne.
Il en est d'une longue existence politique, comme des vieux
arbres : elle est difficile à déplanter, parce qu'elle a jeté
de profondes racines, et qu'elle se complique d'affaires plus
embarrassées et plus laborieuses pour ceux qui se retirent que
pour ceux qui demeurent. Si, à la suite des débats politiques,
il subsiste quelque reste d'envie ou de rivalité contre
des vieillards, mieux vaut pour ceux-ci les anéantir par leur
puissance personnelle que tourner le dos et s'enfuir dépouillés
et sans armes. Les envieux s'acharnent moins quand on leur
résiste que quand on mérite leur mépris en perdant courage.
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