[26] Παρὰ πάντα δὲ ταῦτα χρὴ μνημονεύειν, ὡς
οὐκ ἔστι πολιτεύεσθαι μόνον τὸ ἄρχειν καὶ πρεσβεύειν
καὶ μέγα βοᾶν ἐν ἐκκλησίᾳ καὶ περὶ τὸ
βῆμα βακχεύειν λέγοντας ἢ γράφοντας, ἃ οἱ πολλοὶ
τοῦ πολιτεύεσθαι νομίζουσιν, ὥσπερ ἀμέλει καὶ
φιλοσοφεῖν τοὺς ἀπὸ τοῦ δίφρου διαλεγομένους
καὶ σχολὰς ἐπὶ βιβλίοις περαίνοντας· ἡ δὲ συνεχὴς
ἐν ἔργοις καὶ πράξεσιν ὁρωμένη καθ´ ἡμέραν
ὁμαλῶς πολιτεία καὶ φιλοσοφία λέληθεν αὐτούς.
καὶ γὰρ τοὺς ἐν ταῖς στοαῖς ἀνακάμπτοντας περιπατεῖν
φασιν, ὡς ἔλεγε Δικαίαρχος, οὐκέτι δὲ τοὺς
εἰς ἀγρὸν ἢ πρὸς φίλον βαδίζοντας. ὅμοιον δ´
ἐστὶ τῷ φιλοσοφεῖν τὸ πολιτεύεσθαι. Σωκράτης
γοῦν οὔτε βάθρα θεὶς οὔτ´ εἰς θρόνον καθίσας
οὔθ´ ὥραν διατριβῆς ἢ περιπάτου τοῖς γνωρίμοις
τεταγμένην φυλάττων, ἀλλὰ καὶ συμπαίζων, ὅτε
τύχοι, καὶ συμπίνων καὶ συστρατευόμενος ἐνίοις
καὶ συναγοράζων, τέλος δὲ καὶ δεδεμένος καὶ
πίνων τὸ φάρμακον, ἐφιλοσόφει· πρῶτος ἀποδείξας
τὸν βίον ἅπαντι χρόνῳ καὶ μέρει καὶ πάθεσι καὶ
πράγμασιν ἁπλῶς ἅπασι φιλοσοφίαν δεχόμενον.
οὕτω δὴ διανοητέον καὶ περὶ πολιτείας, ὡς τοὺς
μὲν ἀνοήτους, οὐδ´ ὅταν στρατηγῶσιν ἢ γραμματεύωσιν
ἢ δημηγορῶσι, πολιτευομένους ἀλλ´
ὀχλοκοποῦντας ἢ πανηγυρίζοντας ἢ στασιάζοντας
ἢ λειτουργοῦντας ἀναγκαίως· τὸν δὲ κοινωνικὸν
καὶ φιλάνθρωπον καὶ φιλόπολιν καὶ κηδεμονικὸν
καὶ πολιτικὸν ἀληθῶς, κἂν μηδέποτε τὴν χλαμύδα
περίθηται, πολιτευόμενον ἀεὶ τῷ παρορμᾶν τοὺς
δυναμένους, ὑφηγεῖσθαι τοῖς δεομένοις, συμπαρεῖναι
τοῖς βουλευομένοις, διατρέπειν τοὺς κακοπραγμονοῦντας,
ἐπιρρωννύναι τοὺς εὐγνώμονας, φανερὸν
εἶναι μὴ παρέργως προσέχοντα τοῖς κοινοῖς μηδ´
ὅπου σπουδή τις ἢ παράκλησις διὰ τὸ πρωτεῖον
εἰς τὸ θέατρον βαδίζοντα καὶ τὸ βουλευτήριον,
ἄλλως δὲ διαγωγῆς χάριν ὡς ἐπὶ θέαν ἢ ἀκρόασιν,
ὅταν ἐπέλθῃ, παραγιγνόμενον, ἀλλά, κἂν μὴ παραγένηται
τῷ σώματι, παρόντα τῇ γνώμῃ καὶ τῷ
πυνθάνεσθαι τὰ μὲν ἀποδεχόμενον τοῖς δὲ δυσκολαίνοντα
τῶν πραττομένων.
| [26] Mais, outre tout cela, il faut se rappeler que participer
aux affaires de son pays, ce n'est pas seulement exercer
une charge, une ambassade, crier bien haut dans une assemblée,
se démener à une tribune pour développer une proposition
ou pour la formuler par écrit. Voilà pourtant ce que
le vulgaire appelle la vie politique : de même encore, que des
hommes sont dits philosophes, parce qu'ils pérorent du haut
d'une chaire et qu'ils produisent d'un bout à l'autre des
traités complets dans leurs écoles. Mais on ne sait pas ce que
c'est que la politique, ce que c'est que la philosophie, qui se
consacrent tous les jours, sans nulle interruption, à des oeuvres
et à des actes. On croit, disait Dicéarque, que ce qui
constitue une promenade, c'est de monter et de redescendre
un portique et non pas d'aller voir son champ ou visiter un
ami. Il y a beaucoup de rapport entre la philosophie et la
politique. Socrate ne dressait point de bancs, ne s'installait
point dans une chaire, n'assignait point à ses amis une
heure fixe pour ses entretiens et ses promenades. C'était en
partageant leurs jeux, lorsque l'occasion se présentait, c'était
en buvant avec eux, en les accompagnant à la guerre, dans
les assemblées publiques, et, à la fin, dans la prison et en
avalant la ciguë, qu'il philosophait. Le premier, il montra
que la vie dans tous ses instants et dans tous ses détails,
dans tous ses actes et dans toutes ses affections, est également
propre à recevoir la philosophie.
C'est exactement cette opinion-là qu'il faut avoir en ce
qui regarde l'administration civile. Les hommes de peu de
jugement ne sont pas des hommes politiques, même lorsqu'ils
commandent des armées, qu'ils rendent des arrêts,
qu'ils parlent en public : ils ne sont que des brouillons, des
grands parleurs, des séditieux, ou des fonctionnaires obligés
de servir. Au contraire, quand un citoyen est inspiré par
l'amour de la chose publique et de l'humanité, quand il a
véritablement le patriotisme et la sollicitude qui caractérisent
l'homme d'État, il n'est pas nécessaire qu'il revête jamais la
chlamyde. Il participera toujours aux affaires publiques en
excitant l'ardeur des citoyens capables d'agir, en dirigeant
ceux qui demanderont des conseils, en assistant ceux-ci dans
leurs délibérations, en détournant ceux-là de leurs desseins
coupables, en fortifiant d'autres dans leurs bonnes résolutions.
Il sera visible pour tous que sa participation aux affaires
publiques est loin d'être superflue. Il est bien vrai
qu'on ne le verra pas se produire à l'occasion de quelque
cérémonie imposante ou par suite d'une convocation. Ce
n'est pas pour présider que le vieillard monte sur le théâtre
et qu'il assiste au conseil. Il n'y est pas conduit non plus
par un autre désir, celui de se distraire, comme s'il venait
à un spectacle ou à un concert. Du reste, n'y figurât-il pas
de corps, il y est présent par la pensée ; et, selon qu'il s'est
fait rendre compte, il approuve ou blâme les mesures qui
ont été prises.
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