[18] Ἀλλ´ ἀφέντες, εἰ βούλει, τὸν ἀποσπῶντα
τῆς πολιτείας λόγον ἐκεῖνο σκοπῶμεν ἤδη καὶ φιλοσοφῶμεν,
ὅπως μηδὲν ἀπρεπὲς μηδὲ βαρὺ τῷ γήρᾳ
προσάξωμεν ἀγώνισμα, πολλὰ μέρη τῆς πολιτείας
ἐχούσης ἁρμόδια καὶ πρόσφορα τοῖς τηλικούτοις.
ὥσπερ γάρ, εἰ καθῆκον ἦν ᾄδοντας διατελεῖν, ἔδει,
πολλῶν τόνων καὶ τρόπων ὑποκειμένων φωνῆς, οὓς
ἁρμονίας οἱ μουσικοὶ καλοῦσι, μὴ τὸν ὀξὺν ἅμα
καὶ σύντονον διώκειν γέροντας γενομένους, ἀλλ´ ἐν
ᾧ τὸ ῥᾴδιον ἔπεστι μετὰ τοῦ πρέποντος ἤθους·
οὕτως, ἐπεὶ τὸ πράττειν καὶ λέγειν μᾶλλον ἀνθρώποις
ἢ κύκνοις τὸ ᾄδειν ἄχρι τελευτῆς κατὰ φύσιν
ἔστιν, οὐκ ἀφετέον τὴν πρᾶξιν ὥσπερ τινὰ λύραν
σύντονον, ἀλλ´ ἀνετέον ἐπὶ τὰ κοῦφα καὶ μέτρια
καὶ προσῳδὰ πρεσβύταις πολιτεύματα μεθαρμοττομένους.
οὐδὲ γὰρ τὰ σώματα παντελῶς ἀκίνητα
καὶ ἀγύμναστα περιορῶμεν, ὅτε μὴ δυνάμεθα
σκαφείοις μηδ´ ἁλτῆρσι χρῆσθαι μηδὲ δισκεύειν
μηδ´ ὁπλομαχεῖν ὡς καὶ πρότερον, ἀλλ´ αἰώραις καὶ
περιπάτοις, ἔνιοι δὲ καὶ σφαίρᾳ προσπαλαίοντες
ἐλαφρῶς καὶ διαλεγόμενοι κινοῦσι τὸ πνεῦμα καὶ
τὸ θερμὸν ἀναρριπίζουσι· μήτε δὴ τελέως ἐκπαγέντας
ἑαυτοὺς καὶ καταψυχθέντας ἀπραξίᾳ περιίδωμεν
μήτ´ αὖ πάλιν πᾶσαν ἀρχὴν ἐπαιρόμενοι καὶ
παντὸς ἐπιδραττόμενοι πολιτεύματος ἀναγκάζωμεν
τὸ γῆρας ἐξελεγχόμενον ἐπὶ τοιαύτας φωνὰς
καταφέρεσθαι
"ὦ δεξιὰ χείρ, ὡς ποθεῖς λαβεῖν δόρυ·
ἐν δ´ ἀσθενείᾳ τὸν πόθον διώλεσας."
οὐδὲ γὰρ ἀκμάζων καὶ δυνάμενος ἀνὴρ ἐπαινεῖται,
πάντα συλλήβδην ἀνατιθεὶς ἑαυτῷ τὰ κοινὰ πράγματα
καὶ μηδὲν ἑτέρῳ παριέναι βουλόμενος, ὥσπερ
οἱ Στωικοὶ τὸν Δία λέγουσιν, εἰς πάντα παρενείρων
καὶ πᾶσι καταμιγνὺς ἑαυτὸν ἀπληστίᾳ δόξης ἢ
φθόνῳ τῶν μεταλαμβανόντων ἁμωσγέπως τιμῆς
τινος ἐν τῇ πόλει καὶ δυνάμεως· πρεσβύτῃ δὲ
κομιδῇ, κἂν τὸ ἄδοξον ἀφέλῃς, ἐπίπονος καὶ ταλαίπωρος
ἡ πρὸς πᾶν μὲν ἀεὶ κληρωτήριον ἀπαντῶσα
φιλαρχία, παντὶ δ´ ἐφεδρεύουσα δικαστηρίου
καιρῷ καὶ συνεδρίου πολυπραγμοσύνη, πᾶσαν δὲ
πρεσβείαν καὶ προδικίαν ὑφαρπάζουσα φιλοτιμία.
καὶ γὰρ ταῦτα πράττειν καὶ μετ´ εὐνοίας βαρὺ παρ´
ἡλικίαν, συμβαίνει δέ γε τἀναντία· μισοῦνται μὲν
γὰρ ὑπὸ τῶν νέων, ὡς οὐ προϊέμενοι πράξεων
αὐτοῖς ἀφορμὰς μηδ´ εἰς μέσον ἐῶντες προελθεῖν,
ἀδοξεῖ δὲ παρὰ τοῖς ἄλλοις τὸ φιλόπρωτον αὐτῶν
καὶ φίλαρχον οὐχ ἧττον ἢ τὸ φιλόπλουτον ἑτέρων
γερόντων καὶ φιλήδονον.
| [18] Mais laissons de côté, si vous voulez bien, les arguments
qui éloignent des affaires publiques. Examinons
maintenant, et méditons en philosophes cet autre point, à
savoir, que l'on peut n'imposer à la vieillesse aucunes
fonctions malséantes ou trop lourdes, puisque l'administration
publique présente plusieurs parties appropriées
aux hommes de cet âge et parfaitement acceptables pour
eux. Car, de même que s'il était convenable de persévérer
toujours dans la pratique du chant, on aurait dû, dans ce
grand nombre de tons et de modes que les musiciens appellent
accords, choisir en vieillissant non pas ceux qui sont à
la fois les plus aigus et les plus hauts, mais bien les plus faciles
et les mieux assortis à l'âge avancé; de même, puisque les
hommes sont, par leur nature, faits pour parler et pour agir
jusqu'au dernier jour plus encore que les cygnes ne le sont
pour chanter, il ne faut pas renoncer à l'action comme on
renoncerait à un luth monté sur un trop haut ton. Seulement
il faut la relâcher, et l'appliquer à des fonctions
politiques plus douces, plus modérées, appropriées plus
convenablement par leur nature à l'âge des vieillards. Nous
ne saurions consentir, n'est-il pas vrai? à laisser complétement
nos corps privés de mouvement et d'exercice. Ne
pouvant plus manier la pioche ou les haltères, lancer le disque
ou combattre avec une lourde armure comme auparavant,
nous avons les promenades en voiture et les marches.
Quelques-uns s'exercent encore, sans trop d'efforts, à la
balle, d'autres à la déclamation ; et de cette manière on
met les esprits en mouvement et l'on ranime la chaleur.
Bref, nous prenons garde de nous refroidir, de nous glacer
complétement par l'inaction.
Sans doute nous n'irons pas prendre toute sorte d'emplois,
ni mettre la main à tout acte politique. Ce serait condamner
notre vieillesse à reconnaître son impuissance et à
s'écrier douloureusement :
"Tu voudrais bien, mon bras, saisir encor la lance.
Vain désir, que trahit, hélas! ton impuissance!"
On n'approuverait pas un homme, même jeune et vigoureux,
qui prendrait complétement à sa charge toutes les
affaires publiques sans vouloir rien en céder à un autre,
comme les Stoïciens le disent de Jupiter. On trouverait
mauvais que cet homme prétendît s'ingérer et s'immiscer
partout, soit par un amour insatiable de gloire, soit par
jalousie à l'égard de ceux qui pourraient, à un titre ou à un
autre, obtenir dans l'état quelque honneur et quelque puissance.
Il en serait de même pour un vieillard, dussé-je ne
pas parler de ce qu'une pareille conduite aurait de honteux.
Quel métier rude et fatigant ce serait pour lui que de courir
après la présidence de toute assemblée, que d'épier chaque
occasion de siéger sur un tribunal, de discuter avec ardeur
dans un conseil, d'accaparer ambitieusement toute ambassade,
toute négociation! Fût-on même encouragé à de tels
emplois par la bienveillance générale, ils sont trop pesants
pour la vieillesse, et l'on arrive à un résultat tout contraire
à celui qu'on espérait. On est détesté des jeunes gens parce
qu'on ne leur laisse pas l'occasion d'entrer aux affaires,
parce qu'on les empêche de se produire , et l'on encourt le
blâme des autres citoyens, attendu que ce désir de primer et
de commander partout est aussi odieux que le sont chez
d'autres vieillards l'avarice et le libertinage.
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