[24] ΤΙΜΟΚΛΕΙΑ.
Θεαγένης ὁ Θηβαῖος, Ἐπαμεινώνδᾳ καὶ Πελοπίδᾳ καὶ
τοῖς ἀρίστοις ἀνδράσι τὴν αὐτὴν ὑπὲρ τῆς πόλεως λαβὼν
διάνοιαν, ἔπταισε περὶ τὴν κοινὴν τύχην τῆς Ἑλλάδος
ἐν Χαιρωνείᾳ, κρατῶν ἤδη καὶ διώκων τοὺς κατ´
αὐτὸν ἀντιτεταγμένους. ἐκεῖνος γὰρ ἦν ὁ πρὸς τὸν ἐμβοήσαντα
’μέχρι ποῦ διώκεις;‘ ἀποκρινάμενος ’μέχρι Μακεδονίας.‘
ἀποθανόντι δ´ αὐτῷ περιῆν ἀδελφὴ μαρτυροῦσα
κἀκεῖνον ἀρετῇ γένους καὶ φύσει μέγαν ἄνδρα καὶ λαμπρὸν
γενέσθαι· πλὴν ταύτῃ γε καὶ χρηστὸν ἀπολαῦσαί
τι τῆς ἀρετῆς ὑπῆρξεν, ὥστε κουφότερον, ὅσον τῶν κοινῶν
ἀτυχημάτων εἰς αὐτὴν ἦλθεν, ἐνεγκεῖν. ἐπεὶ γὰρ
ἐκράτησε Θηβαίων Ἀλέξανδρος, ἄλλοι δ´ ἄλλα τῆς πόλεως
ἐπόρθουν ἐπιόντες, ἔτυχε τῆς Τιμοκλείας τὴν οἰκίαν
καταλαβὼν ἄνθρωπος οὐκ ἐπιεικὴς οὐδ´ ἥμερος ἀλλ´
ὑβριστὴς καὶ ἀνόητος· ἦρχε δὲ Θρᾳκίου τινὸς ἴλης καὶ
ὁμώνυμος ἦν τοῦ βασιλέως οὐδὲν δ´ ὅμοιος. οὔτε γὰρ τὸ
γένος οὔτε τὸν βίον αἰδεσθεὶς τῆς γυναικός, ὡς ἐνέπλησεν
ἑαυτὸν οἴνου, μετὰ δεῖπνον ἐκάλει συναναπαυσομένην.
καὶ τοῦτο πέρας οὐκ ἦν· ἀλλὰ καὶ χρυσὸν ἐζήτει καὶ
ἄργυρον, εἴ τις εἴη κεκρυμμένος ὑπ´ αὐτῆς, τὰ μὲν ὡς
ἀπειλῶν τὰ δ´ ὡς ἕξων διὰ παντὸς ἐν τάξει γυναικός.
ἡ δὲ δεξαμένη λαβὴν αὐτοῦ διδόντος ’ὤφελον μέν‘ εἶπε
’τεθνάναι πρὸ ταύτης ἐγὼ τῆς νυκτὸς ἢ ζῆν, ὥστε τὸ
γοῦν σῶμα πάντων ἀπολλυμένων ἀπείρατον ὕβρεως διαφυλάξαι·
πεπραγμένων δ´ οὕτως, εἴ σε κηδεμόνα καὶ
δεσπότην καὶ ἄνδρα δεῖ νομίζειν, τοῦ δαίμονος διδόντος,
οὐκ ἀποστερήσω σε τῶν σῶν· ἐμαυτὴν γάρ, ὅ τι βούλῃ
σύ, ὁρῶ γεγενημένην. ἐμοὶ περὶ σῶμα κόσμος ἦν καὶ
ἄργυρος ἐν ἐκπώμασιν, ἦν τι καὶ χρυσοῦ καὶ νομίσματος.
ὡς δ´ ἡ πόλις ἡλίσκετο, πάντα συλλαβεῖν κελεύσασα
τὰς θεραπαινίδας ἔρριψα, μᾶλλον δὲ κατεθέμην εἰς
φρέαρ ὕδωρ οὐκ ἔχον· οὐδ´ ἴσασιν αὐτὸ πολλοί· πῶμα γὰρ
ἔπεστι καὶ κύκλῳ περιπέφυκεν ὕλη σύσκιος. ταῦτα σὺ
μὲν εὐτυχοίης λαβών, ἐμοὶ δ´ ἔσται πρός σε μαρτύρια
καὶ γνωρίσματα τῆς περὶ τὸν οἶκον εὐτυχίας καὶ λαμπρότητος.‘
ἀκούσας οὖν ὁ Μακεδὼν οὐ περιέμεινε τὴν
ἡμέραν, ἀλλ´ εὐθὺς ἐβάδιζεν ἐπὶ τὸν τόπον, ἡγουμένης
τῆς Τιμοκλείας· καὶ τὸν κῆπον ἀποκλεῖσαι κελεύσας,
ὅπως αἴσθοιτο μηδείς, κατέβαινεν ἐν τῷ χιτῶνι. στυγερὰ
δ´ ἡγεῖτο Κλωθὼ τιμωρὸς ὑπὲρ τῆς Τιμοκλείας ἐφεστώσης
ἄνωθεν. ὡς δ´ ᾔσθετο τῇ φωνῇ κάτω γεγονότος,
πολλοὺς μὲν αὐτὴ τῶν λίθων ἐπέφερε πολλοὺς
δὲ καὶ μεγάλους αἱ θεραπαινίδες ἐπεκυλίνδουν, ἄχρι οὗ
κατέκοψαν αὐτὸν καὶ κατέχωσαν. ὡς δ´ ἔγνωσαν οἱ
Μακεδόνες καὶ τὸν νεκρὸν ἀνείλοντο κηρύγματος ἤδη γεγονότος
μηδένα κτείνειν Θηβαίων, ἦγον αὐτὴν συλλαβόντες
ἐπὶ τὸν βασιλέα καὶ προσήγγειλαν τὸ τετολμημένον. ὁ δὲ
καὶ τῇ καταστάσει τοῦ προσώπου καὶ τῷ σχολαίῳ τοῦ
βαδίσματος ἀξιωματικόν τι καὶ γενναῖον ἐνιδὼν πρῶτον
ἀνέκρινεν αὐτὴν τίς εἴη γυναικῶν. ἡ δ´ ἀνεκπλήκτως
πάνυ καὶ τεθαρρηκότως εἶπεν ’ἐμοὶ Θεαγένης ἦν ἀδελφός,
ὃς ἐν Χαιρωνείᾳ στρατηγῶν καὶ μαχόμενος πρὸς
ὑμᾶς ὑπὲρ τῆς τῶν Ἑλλήνων ἐλευθερίας ἔπεσεν, ὅπως
ἡμεῖς μηδὲν τοιοῦτον πάθωμεν· ἐπεὶ δὲ πεπόνθαμεν
ἀνάξια τοῦ γένους, ἀποθανεῖν οὐ φεύγομεν· οὐδὲ γὰρ
ἄμεινον ἴσως ζῶσαν ἑτέρας πειρᾶσθαι νυκτός, εἰ σὺ
τοῦτο μὴ κωλύσεις.‘ οἱ μὲν οὖν ἐπιεικέστατοι τῶν παρόντων
ἐδάκρυσαν, Ἀλεξάνδρῳ δ´ οἰκτείρειν μὲν οὐκ
ἐπῄει τὴν ἄνθρωπον ὡς μείζονα συγγνώμης πράξασαν,
θαυμάσας δὲ τὴν ἀρετὴν καὶ τὸν λόγον εὖ μάλα καθαψάμενον
αὐτοῦ, τοῖς μὲν ἡγεμόσι παρήγγειλε προσέχειν
καὶ φυλάττειν, μὴ πάλιν ὕβρισμα τοιοῦτον εἰς οἰκίαν
ἔνδοξον γένηται, τὴν δὲ Τιμόκλειαν ἀφῆκεν αὐτήν τε καὶ
πάντας, ὅσοι κατὰ γένος αὐτῇ προσήκοντες εὑρέθησαν.
| [24] TIMOCLÉE.
Théagène le Thébain, animé pour les intérêts de sa patrie
des mêmes sentiments qu'Épaminondas, que Pelopidas, que
les plus braves citoyens, échoua contre la fatalité qui accabla
la Grèce entière à Chéronée. Il succomba au moment où, déjà
victorieux, il poursuivait l'ennemi l'épée dans les reins. Ce fut
même à lui qu'un des fuyards criait : «Jusqu'où nous
poursuivras-tu?» et Théagène lui répondit : «Jusqu'aux frontières
de la Macédoine». En mourant il laissait une soeur,
dont le mérite suffisait pour attester que le frère n'avait pas
été plus grand et plus illustre par ses vertus personnelles
que par un courage tout héréditaire. Du reste elle recueillit
elle-même les fruits de sa propre vertu, qui la mit en
état de supporter plus légèrement sa part de toutes les calamités
communes. Alexandre avait pris Thèbes. Ses soldats
s'étaient répandus dans les différents quartiers de la ville
pour s'y livrer au pillage. Le chef qui avait fait main basse
sur la maison de Timoclée, se trouva être un homme étranger
à toute douceur, à tout sentiment humain, et brutal
jusqu'à la stupidité. Il commandait un bataillon de Thraces,
et il s'appelait comme le roi, à qui, du reste, il ne ressemblait
en rien. En effet, incapable de concevoir du respect pour la
naissance et la conduite de Timoclée, il la fit venir après le
repas quand il se fut gorgé de vin, et il voulut qu'elle couchât
avec lui. Ce ne fut pas la fin. Il se mit, en outre, à la recherche
de l'or et de l'argent qu'il supposait avoir été cachés
par elle; et à ce sujet tantôt il l'accablait de menaces,
tantôt il lui promettait de l'élever tout à fait au rang de son
épouse. Timoclée saisit l'occasion qu'il lui présentait ainsi.
«J'aurais dû» , lui dit-elle, «mourir avant cette nuit fatale,
pour conserver du moins, quand j'avais tout perdu, mon
corps exempt d'outrages. Mais puisque le sacrifice est
ainsi consommé, puisqu'il me faut voir en vous un protecteur,
un maître, un époux que m'impose le Ciel, je ne
vous priverai pas de ce qui vous appartient: car je ne le
vois que trop, je suis devenue tout ce qu'il vous plaira
que je sois. Je possédais de riches atours, de la vaisselle
d'argent, de l'or et des sommes considérables. Mais la
ville une fois prise, je chargeai mes servantes de faire de
toute cette fortune un seul monceau, que j'ai jeté, ou plutôt
déposé, dans un puits qui se trouve à sec. Il n'y a
pas beaucoup de personnes qui le sachent, attendu que ce
puits a un couvercle, et qu'il est entouré d'un taillis très
ombragé. Puissent ces trésors, quand vous les aurez pris,
assurer votre bonheur! Ce seront du moins à vos yeux des
témoignages qui vous feront connaître la prospérité et
l'opulence dont jouissait notre maison.» Ayant entendu
ces paroles le Macédonien n'attendit même pas qu'il fût jour,
et se dirigea incontinent vers ce lieu, Timothée marchant
devant lui. Il ordonne de fermer le jardin pour n'éveiller
l'attention de personne; et, vêtu de sa seule tunique, il descend
dans le puits. C'était Clotho, la redoutable vengeresse,
qui l'y conduisait, sous les traits de Timoclée restée à la
surface du sol. Quand elle sentit, à l'intonation de la voix,
qu'il était arrivé jusqu'au fond, elle fit pleuvoir, pour sa
part, une grêle de pierres. De leur côté ses servantes y en
apportèrent, en les roulant, un grand nombre de plus lourdes,
et cela jusqu'à ce qu'elles l'eussent mis en pièces et
enseveli sous cet amas. Les Macédoniens informés de l'aventure
retirèrent le corps; et comme un décret antérieur
ordonnait de ne plus faire périr aucun Thébain, ils arrêtèrent
Timoclée, et la conduisirent devant le prince, à qui
fut conté cet acte audacieux. Alexandre voyant la fermeté
de son regard et la gravité de sa démarche, jugea tout aussitôt
de sa dignité et de son courage. Il lui demanda d'abord
quelle était sa condition de femme. Mais elle, sans témoigner
la moindre émotion et d'un air résolu : «J'avais pour
frère,» lui dit-elle, «Théagène qui commandait à Chéronée,
et qui périt en combattant contre vous autres pour
défendre l'indépendance des Grecs et nous préserver de
horreurs que nous subissons. Mais puisque nous sommes
réduits à une situation si peu digne de notre naissance,
nous ne reculons point devant la mort; et tout sera meilleur à
mes yeux que de passer, si vous ne pouvez y mettre obstacle,
une nuit pareille à la précédente.» Les plus sensibles de
l'assistance fondirent en larmes; mais pour Alexandre, il
ne songea pas à plaindre une femme qui lui semblait si fort
au-dessus de la pitié. Ce fut de l'admiration que lui inspirèrent
et cette vertu et ces paroles qui l'accusaient puissamment
lui-même. Il donna ordre à ses officiers de veiller sur elle et
de prendre des précautions pour que des excès aussi injurieux
ne fussent pas commis de nouveau contre une illustre
maison. Quant à Timoclée, il la renvoya libre, elle et tous
ceux qui furent reconnus lui appartenir à titre de parenté.
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