[22] ΧΙΟΜΑΡΑ.
Χιομάραν δὲ συνέβη τὴν Ὀρτιάγοντος αἰχμάλωτον
γενέσθαι μετὰ τῶν ἄλλων γυναικῶν, ὅτε Ῥωμαῖοι καὶ
Γναῖος ἐνίκησαν μάχῃ τοὺς ἐν Ἀσίᾳ Γαλάτας. ὁ δὲ λαβὼν
αὐτὴν ταξίαρχος ἐχρήσατο τῇ τύχῃ στρατιωτικῶς
καὶ κατῄσχυνεν. ἦν δ´ ἄρα καὶ πρὸς ἡδονὴν καὶ ἀργύριον
ἐμπαθὴς καὶ ἀκρατὴς ἄνθρωπος, ἡττήθη δ´ ὅμως ὑπὸ
τῆς φιλαργυρίας, καὶ χρυσίου συχνοῦ διομολογηθέντος
ὑπὲρ τῆς γυναικὸς ἦγεν αὐτὴν ἀπολυτρώσων, ποταμοῦ
τινος ἐν μέσῳ διείργοντος. ὡς δὲ διαβάντες οἱ Γαλάται
τὸ χρυσίον ἔδωκαν αὐτῷ καὶ παρελάμβανον τὴν Χιομάραν,
ἡ μὲν ἀπὸ νεύματος προσέταξεν ἑνὶ παῖσαι τὸν
Ῥωμαῖον ἀσπαζόμενον αὐτὴν καὶ φιλοφρονούμενον· ἐκείνου
δὲ πεισθέντος καὶ τὴν κεφαλὴν ἀποκόψαντος, ἀραμένη
καὶ περιστείλασα τοῖς κόλποις ἀπήλαυνεν. ὡς δ´
ἦλθε πρὸς τὸν ἄνδρα καὶ τὴν κεφαλὴν αὐτῷ προύβαλεν,
ἐκείνου θαυμάσαντος καὶ εἰπόντος ’ὦ γύναι, καλὸν ἡ
πίστις‘, ’ναί‘ εἶπεν ’ἀλλὰ κάλλιον ἕνα μόνον ζῆν ἐμοὶ
συγγεγενημένον.‘ ταύτῃ μὲν ὁ Πολύβιός φησι διὰ λόγων
ἐν Σάρδεσι γενόμενος θαυμάσαι τό τε φρόνημα καὶ τὴν
σύνεσιν.
| [22] CHIOMARE.
Chiomare, femme d'Ortiagon, se trouva au nombre des
prisonnières avec les autres femmes de Galatie quand les
Romains, sous la conduite de Cnéius Manlius, eurent défait
dans une bataille les Galates d'Asie. L'officier qui s'était
emparé d'elle abusa de la circonstance en vrai soudard, et
il déshonora sa captive. C'était un homme grossier, et il
ne connaissait aucune retenue dès qu'il s'agissait de plaisir
et d'argent. Toutefois la dernière de ces deux passions fut
chez lui la plus forte ; et comme une rançon considérable
lui avait été promise en échange de Chiomare, il la conduisit,
pour la rendre contre espèces, sur le bord d'un fleuve
qui séparait les deux armées. Mais au moment où les Galates,
ayant traversé, lui comptaient l'argent et allaient reprendre
Chiomare, elle fit signe à un d'entre eux de frapper le Romain
qui prenait congé d'elle avec des démonstrations affectueuses.
Le Galate obéit, lui trancha la tête, que Chiomare releva pour
l'envelopper dans les plis de sa robe, et l'on partit. Quand elle
fut arrivée près de son époux elle jeta cette tête devant lui, et
comme il s'écriait, transporté d'admiration: «Chère femme,
combien la fidélité est une belle chose!» — «Oui,» reprit-elle;
«mais ce qui qui est plus beau encore, c'est qu'il n'y ait au monde
qu'un seul homme vivant qui se soit approché de moi.»
Polybe raconte avoir eu occasion, à Sardes, de converser avec
cette courageuse femme dont il admira le grand coeur
et la haute intelligence.
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