[18] ΛΑΜΨΑΚΗ.
Ἐκ Φωκαίας τοῦ Κοδριδῶν γένους ἦσαν ἀδελφοὶ
δίδυμοι Φόξος καὶ Βλέψος· ὧν ὁ Φόξος ἀπὸ τῶν Λευκάδων
πετρῶν πρῶτος ἀφῆκεν ἑαυτὸν εἰς θάλασσαν, ὡς
Χάρων ὁ Λαμψακηνὸς ἱστόρηκεν. ἔχων δὲ
δύναμιν καὶ βασιλικὸν ἀξίωμα παρέπλευσεν εἰς Πάριον
ἰδίων ἕνεκα πραγμάτων· καὶ γενόμενος φίλος καὶ ξένος
Μάνδρωνι, βασιλεύοντι Βεβρύκων τῶν Πιτυοεσσηνῶν
προσαγορευομένων, ἐβοήθησε καὶ συνεπολέμησεν αὐτοῖς
ὑπὸ τῶν προσοίκων ἐνοχλουμένοις. ὁ δὲ Μάνδρων ἄλλην
τε πολλὴν ἐνεδείξατο τῷ Φόξῳ φιλοφροσύνην ἀποπλέοντι
καὶ μέρος τῆς τε χώρας καὶ τῆς πόλεως ὑπισχνεῖτο
δώσειν, εἰ βούλοιτο Φωκαεῖς ἔχων ἐποίκους εἰς τὴν
Πιτυόεσσαν ἀφικέσθαι. πείσας οὖν τοὺς πολίτας ὁ Φόξος
ἐξέπεμψε τὸν ἀδελφὸν ἄγοντα τοὺς ἐποίκους. καὶ τὰ μὲν
παρὰ τοῦ Μάνδρωνος ὑπῆρχεν αὐτοῖς, ὥσπερ προσεδόκησαν·
ὠφελείας δὲ μεγάλας καὶ λάφυρα καὶ λείας
ἀπὸ τῶν προσοίκων βαρβάρων λαμβάνοντες, ἐπίφθονοι
τὸ πρῶτον εἶτα καὶ φοβεροὶ τοῖς Βέβρυξιν ἦσαν. ἐπιθυμοῦντες
οὖν αὐτῶν ἀπαλλαγῆναι, τὸν μὲν Μάνδρωνα,
χρηστὸν ὄντα καὶ δίκαιον ἄνδρα περὶ τοὺς Ἕλληνας, οὐκ
ἔπεισαν, ἀποδημήσαντος δ´ ἐκείνου παρεσκευάζοντο τοὺς
Φωκαεῖς δόλῳ διαφθεῖραι. τοῦ δὲ Μάνδρωνος ἡ θυγάτηρ
Λαμψάκη παρθένος οὖσα τὴν ἐπιβουλὴν προέγνω, καὶ
πρῶτον μὲν ἐπεχείρει τοὺς φίλους καὶ οἰκείους ἀποτρέπειν
καὶ διδάσκειν, ὡς ἔργον δεινὸν καὶ ἀσεβὲς ἐγχειροῦσι
πράττειν, εὐεργέτας καὶ συμμάχους ἄνδρας νῦν δὲ
καὶ πολίτας ἀποκτιννύντες. ὡς δ´ οὐκ ἔπειθε, τοῖς Ἕλλησιν
ἔφρασε κρύφα τὰ πραττόμενα καὶ παρεκελεύσατο
φυλάττεσθαι. οἱ δὲ θυσίαν τινὰ παρασκευασάμενοι καὶ
θοίνην ἐξεκαλέσαντο τοὺς Πιτυοεσσηνοὺς εἰς τὸ προάστειον·
αὑτοὺς δὲ διελόντες δίχα, τοῖς μὲν τὰ τείχη
κατελάβοντο τοῖς δὲ τοὺς ἀνθρώπους ἀνεῖλον. οὕτω δὴ
τὴν πόλιν κατασχόντες τόν τε Μάνδρωνα μετεπέμποντο,
συμβασιλεύειν τοῖς παρ´ αὐτῶν κελεύοντες· καὶ τὴν Λαμψάκην
ἐξ ἀρρωστίας ἀποθανοῦσαν ἔθαψαν ἐν τῇ πόλει
μεγαλοπρεπῶς καὶ τὴν πόλιν ἀπ´ αὐτῆς Λάμψακον
προσηγόρευσαν. ἐπεὶ δ´ ὁ Μάνδρων προδοσίας ὑποψίαν
φεύγων τὸ μὲν οἰκεῖν μετ´ αὐτῶν παρῃτήσατο, παῖδας
δὲ τῶν τεθνηκότων καὶ γυναῖκας ἠξίωσε κομίσασθαι, καὶ
ταῦτα προθύμως οὐδὲν ἀδικήσαντες ἐξέπεμψαν καὶ τῇ
Λαμψάκῃ πρότερον ἡρωικὰς τιμὰς ἀποδιδόντες, ὕστερον
ὡς θεῷ θύειν ἐψηφίσαντο καὶ διατελοῦσιν οὕτω θύοντες.
| [18] LAMPSACE.
Il y avait à Phocée deux frères jumeaux, de la race des
Codrides, nommés Phobus et Blepsus. Phobus fut le même
qui, au rapport de l'historien Charon de Lampsaque, se
précipita le premier du promontoire de Leucate dans la
mer. Revêtu d'une puissance et de prérogatives égales à
celles d'un roi, il arriva que ce Phobus s'était rendu par
mer à Parium pour ses affaires privées. Il y devint l'hôte et
l'ami de Mandron, qui régnait sur les Bebryces dits Pityesséniens,
et il le secourut dans une guerre où l'autre avait à
repousser les attaques de peuplades voisines. Aussi, quand
il se rembarqua, Mandron lui prodigua-t-il de nombreuses
marques de reconnaissance, et s'engagea-t-il, entre autres
promesses, à lui donner une partie de son territoire et de son
royaume s'il voulait devenir ami des Phocéens et fonder une
colonie à Pityesse. Phobus y détermina ses compatriotes, et
fit partir son frère à la tête des futurs colons. En ce qui regardait
le roi, tout se réalisa au gré de leurs espérances;
mais comme ils s'enrichissaient considérablement par le
butin et les dépouilles qu'ils prenaient sur les Barbares
leurs voisins, ils excitèrent d'abord la jalousie, puis ensuite
la crainte des Bebryces, qui voulurent se débarrasser d'eux.
Mandron était un prince bon et juste : ils ne purent l'animer
contre ces Grecs. Mais profitant d'un voyage qu'il avait entrepris,
ils se préparèrent à faire succomber les Phocéens par
la ruse. Or leur dessein fut connu à l'avance par Lampsace,
la fille de Mandron. Elle essaya d'abord d'en dissuader ses
amis et ses proches : elle leur montra que ce serait une infamie
et un sacrilége, que de faire périr ceux qui, après
avoir été leurs bienfaiteurs et leurs alliés, étaient devenus à
présent leurs concitoyens. Elle ne put les convaincre.
Dès lors, elle révéla secrètement aux Grecs ce qui se tramait,
les engageant à prendre leurs précautions. C'est pourquoi
ceux-ci, après avoir préparé un sacrifice et un banquet,
invitèrent les Pityesséniens à s'y rendre hors de la ville,
dans un des faubourgs. Puis, comme ils s'étaient partagés
en deux troupes, les uns vont occuper les remparts, les
autres massacrent les habitants. Une fois maîtres de la ville
ils font revenir Mandron, et ils l'invitent à régner sur eux.
Pour Lampsace, qu'une maladie enleva sur ces entrefaites,
ils lui consacrèrent dans la ville une sépulture magnifique,
et de son nom ils donnèrent à la cité le nom de Lampsaque.
Mais Mandron, qui ne voulait pas qu'on le soupçonnât
d'avoir trahi, refusa de revenir au milieu d'eux. Il demanda,
au contraire, qu'ils lui renvoyassent les enfants et les
femmes de ceux qu'ils avaient fait périr. C'est ce qu'ils
s'empressèrent d'exécuter, loin de leur infliger aucun mauvais
traitement. De plus ils ne se contentèrent pas des
honneurs à demi divins accordés d'abord à Lampsace, ils
décrétèrent plus tard qu'on lui sacrifierait comme à une
déesse, et son culte s'est perpétué même jusqu'à nos jours.
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