[15] ΜΙΚΚΑ ΚΑΙ ΜΕΓΙΣΤΩ.
Ἀριστότιμος Ἠλείοις ἐπαναστὰς τύραννος ἴσχυε μὲν
δι´ Ἀντιγόνου τοῦ βασιλέως, ἐχρῆτο δὲ τῇ δυνάμει πρὸς
οὐδὲν ἐπιεικὲς οὐδὲ μέτριον· καὶ γὰρ αὐτὸς ἦν φύσει
θηριώδης, καὶ τοῖς φυλάττουσι τὴν ἀρχὴν καὶ τὸ σῶμα
βαρβάροις μιγάσι δουλεύων ὑπὸ φόβου, πολλὰ μὲν ὑβριστικὰ
πολλὰ δ´ ὠμὰ τοὺς πολίτας ὑπ´ αὐτῶν περιεώρα
πάσχοντας· οἷον ἦν καὶ τὸ Φιλοδήμου πάθος. ἔχοντος
γὰρ αὐτοῦ θυγατέρα καλὴν ὄνομα Μίκκαν ἐπεχείρησέ τις
τῶν περὶ τὸν τύραννον ξεναγῶν ὄνομα Λεύκιος ὕβρει
μᾶλλον ἢ ἔρωτι συγγενέσθαι· καὶ πέμψας ἐκάλει τὴν
παρθένον. οἱ μὲν οὖν γονεῖς τὴν ἀνάγκην ὁρῶντες ἐκέλευον
βαδίζειν· ἡ δὲ παῖς οὖσα γενναία καὶ μεγαλόφρων
ἐδεῖτο τοῦ πατρὸς περιπλεκομένη καὶ καθικετεύουσα
μᾶλλον αὐτὴν περιιδεῖν ἀποθανοῦσαν ἢ τὴν παρθενίαν
αἰσχρῶς καὶ παρανόμως ἀφαιρεθεῖσαν. καὶ διατριβῆς
γενομένης σπαργῶν καὶ μεθύων ὁ Λεύκιος αὐτὸς ἐξανέστη
μεταξὺ πίνων πρὸς ὀργήν· καὶ τὴν Μίκκαν εὑρὼν ἐν
τοῖς γόνασι τοῦ πατρὸς τὴν κεφαλὴν ἔχουσαν ἐκέλευεν
αὐτῷ συνακολουθεῖν· οὐ βουλομένης δὲ τὸ χιτώνιον
περιρρήξας ἐμαστίγου γυμνήν, αὐτὴν μὲν ἐγκαρτεροῦσαν
σιωπῇ ταῖς ἀλγηδόσιν· ὁ δὲ πατὴρ καὶ ἡ μήτηρ, ὡς
οὐδὲν ἀντιβολοῦντες καὶ δακρύοντες ἐπέραινον, ἐτράποντο
πρὸς θεῶν καὶ ἀνθρώπων ἀνάκλησιν ὡς δεινὰ καὶ παράνομα
πάσχοντες. ὁ δὲ βάρβαρος ἐκμανεὶς παντάπασιν
ὑπὸ τοῦ θυμοῦ καὶ μέθης ἀποσφάττει τὴν παρθένον, ὡς
ἔτυχεν ἐν τοῖς κόλποις τοῦ πατρὸς ἔχουσα τὸ πρόσωπον.
Ἀλλ´ οὐδὲ τούτοις ὁ τύραννος ἐκάμπτετο, πολλοὺς δ´
ἀνῄρει καὶ πλείονας ἐφυγάδευεν· ὀκτακόσιοι γοῦν λέγονται
καταφυγεῖν ἐπ´ Αἰτωλοὺς δεόμενοι τὰς γυναῖκας
αὑτοῖς καὶ τὰ νήπια τῶν τέκνων κομίσασθαι παρὰ τοῦ
τυράννου. ὀλίγῳ δ´ ὕστερον αὐτὸς ἐκήρυξε τὰς βουλομένας
γυναῖκας ἀπιέναι πρὸς τοὺς ἄνδρας, ὅσα βούλονται
τῶν γυναικείων χρημάτων ἐπιφερομένας. ἐπεὶ δὲ πάσας
ᾔσθετο μεθ´ ἡδονῆς τὸ κήρυγμα δεδεγμένας (ἐγένοντο
γὰρ ὑπερεξακόσιαι τὸ πλῆθος), ἐκέλευσεν ἀθρόας ἡμέρᾳ
ῥητῇ βαδίζειν, ὡς τὴν ἀσφάλειαν αὐτὸς παρέξων. ἐνστάσης
δὲ τῆς ἡμέρας αἱ μὲν ἐπὶ τὰς πύλας ἠθροίζοντο τὰ
χρήματα συσκευασάμεναι, καὶ τῶν τέκνων τὰ μὲν ἐν
ταῖς ἀγκάλαις φέρουσαι τὰ δ´ ἐπὶ τῶν ἁμαξῶν ἔχουσαι,
καὶ περιέμενον ἀλλήλας· ἄφνω δὲ πολλοὶ τῶν τοῦ τυράννου
ἐπεφέροντο, μένειν βοῶντες ἔτι πόρρωθεν. ὡς δ´
ἐγγὺς ἐγένοντο, τὰς μὲν γυναῖκας ἐκέλευον ἀναχωρεῖν
ὀπίσω, τὰ δὲ ζεύγη καὶ τὰς ἁμάξας ὑποστρέψαντες
ἔωσαν εἰς αὐτὰς καὶ διὰ μέσων ἀφειδῶς διήλαυνον, οὔτ´
ἀκολουθεῖν οὔτε μένειν ἐῶντες οὔτε τοῖς νηπίοις βοηθεῖν
ἀπολλυμένοις (τὰ μὲν γὰρ ἐκπίπτοντα τῶν ἁμαξῶν τὰ
δ´ ὑποπίπτοντα διεφθείροντο), βοῇ καὶ μάστιξιν ὥσπερ
πρόβατα τῶν μισθοφόρων ἐπειγόντων ἀνατρεπομένας ὑπ´
ἀλλήλων, ἕως εἰς τὸ δεσμωτήριον ἐνέβαλον ἁπάσας, τὰ
δὲ χρήματα πρὸς τὸν Ἀριστότιμον ἀπεκομίσθη. χαλεπῶς
δὲ τῶν Ἠλείων ἐπὶ τούτοις ἐχόντων αἱ περὶ τὸν
Διόνυσον ἱεραὶ γυναῖκες, ἃς τὰς ἑκκαίδεκα καλοῦσιν,
ἱκετηρίας καὶ στέμματα τῶν ἀπὸ τοῦ θεοῦ λαβοῦσαι περὶ
τὴν ἀγορὰν ἀπήντησαν τῷ Ἀριστοτίμῳ, καὶ τῶν δορυφόρων
ὑπ´ αἰδοῦς διαστάντων, ἔστησαν τὸ πρῶτον σιωπῇ
καὶ ὁσίως προϊσχόμεναι τὰς ἱκετηρίας. ἐπεὶ δ´ ἐγένοντο
φανεραὶ δεόμεναι καὶ παραιτούμεναι τὴν ὀργὴν
ὑπὲρ τῶν γυναικῶν, παροξυνθεὶς πρὸς τοὺς δορυφόρους
καὶ κεκραγὼς ὅτι προσελθεῖν εἴασαν αὐτὰς ἐποίησε τὰς
μὲν ὠθοῦντας τὰς δὲ τύπτοντας ἐξελάσαι {ἐκ} τῆς ἀγορᾶς,
ἑκάστην δὲ δυσὶ ταλάντοις ἐζημίωσε.
Γενομένων δὲ τούτων, ἐν μὲν τῇ πόλει συνέστησε
πρᾶξιν ἐπὶ τὸν τύραννον Ἑλλάνικος, ἀνὴρ διὰ γῆρας ἤδη
καὶ δύο τέκνων θάνατον ὡς οὐδὲν ἂν πράξας ὑπὸ τοῦ
τυράννου περιορώμενος. ἐκ δ´ Αἰτωλίας διαπεράσαντες
οἱ φυγάδες καταλαμβάνουσι τῆς χώρας ἐπιτήδειον ἐμπολεμεῖν
ἔρυμα τὴν Ἀμυμώνην, καὶ συχνοὺς προσεδέχοντο
τῶν πολιτῶν ἐκ τῆς Ἤλιδος ἀποδιδράσκοντας. ταῦτα δὲ
δείσας ὁ Ἀριστότιμος εἰσῆλθε πρὸς τὰς γυναῖκας, καὶ
νομίζων φόβῳ μᾶλλον ἢ χάριτι διαπράξεσθαι προσέταττε
πέμπειν καὶ γράφειν αὐτὰς τοῖς ἀνδράσιν ὅπως ἀπίωσιν
ἐκ τῆς χώρας· εἰ δὲ μή, κατασφάξειν ἠπείλει πάσας
αἰκισάμενος καὶ προανελὼν τοὺς παῖδας. αἱ μὲν οὖν
ἄλλαι, πολὺν χρόνον ἐφεστῶτος καὶ κελεύοντος εἰπεῖν
εἴ τι πράξουσι τούτων, οὐδὲν ἀπεκρίναντο πρὸς ἐκεῖνον,
ἀλλὰ προσέβλεψαν ἀλλήλαις σιωπῇ καὶ διένευσαν, ἀνθομολογούμεναι
τὸ μὴ δεδιέναι μηδ´ ἐκπεπλῆχθαι τὴν
ἀπειλήν. Μεγιστὼ δ´ ἡ Τιμολέοντος γυνὴ καὶ διὰ τὸν
ἄνδρα καὶ τὴν ἀρετὴν ἡγεμονικὴν ἔχουσα τάξιν, διαναστῆναι
μὲν οὐκ ἠξίωσεν οὐδ´ εἴασε τὰς ἄλλας· καθεζομένη
δ´ ἀπεκρίνατο πρὸς αὐτόν ’εἰ μὲν ἦς ἀνὴρ φρόνιμος,
οὐκ ἂν διελέγου γυναιξὶ περὶ ἀνδρῶν, ἀλλὰ πρὸς ἐκείνους
ἂν ὡς κυρίους ἡμῶν ἔπεμπες, ἀμείνονας λόγους εὑρὼν ἢ
δι´ ὧν ἡμᾶς ἐξηπάτησας· εἰ δ´ αὐτὸς ἐκείνους πεῖσαι
ἀπεγνωκὼς δι´ ἡμῶν ἐπιχειρεῖς παραλογίζεσθαι, μήθ´
ἡμᾶς ἔλπιζε πάλιν ἐξαπατήσειν μήτ´ ἐκεῖνοι κακῶς οὕτω
φρονήσειαν, ὥστε | [15] MICCA ET MEGISTO.
Aristotime, ayant usurpé le souverain pouvoir en Élide,
devait sa force au roi Antigonus; mais il usait de l'autorité
sans douceur et sans modération. Naturellement féroce par
lui-même, la crainte le rendait, en outre, l'esclave des Barbares
de toute espèce à qui il avait confié la garde de sa personne
et de sa puissance. Quelque nombreux que fussent les
outrages et les mauvais traitements exercés par cette soldatesque
contre les citoyens, il était insensible à leurs maux.
Telle fut, entre autres, la malheureuse aventure de Philodème.
Cet Eléen avait une fille merveilleusement belle,
nommée Micca, sur qui Lucius, un des officiers étrangers
que soldait le Tyran, jeta ses vues plutôt par brutalité que
par amour. Il envoie dire qu'il veut parler à Micca, et les
parents de la jeune fille, en présence de la nécessité, la contraignent
de se rendre à cet appel. Comme c'était une enfant
généreuse et magnanime, elle se jeta au cou de son père et le
supplia, avec les plus grandes instances, de souffrir qu'elle
mourût plutôt que de perdre honteusement sa virginité par
un crime. Cette scène avait causé un retard. Lucius, qui était
en train de boire, enivré de débauche et de vin s'élance lui-même
hors de son logis avec fureur. Il trouve Micca ayant la
tête dans les genoux de son père. Il lui enjoint de le suivre;
elle s'y refuse. Il lui déchire sa robe et la fouette toute nue,
mais sans que la douleur arrache un seul cri à l'héroïque jeune
fille. Le père et la mère, ne pouvant rien obtenir par leurs
supplications et leurs larmes, n'avaient plus qu'à protester,
en implorant les dieux et les hommes, contre d'aussi horribles
et indignes traitements; mais le Barbare, tout à fait égaré par
la colère et par l'ivresse, égorge la jeune fille, dans l'état même
où elle se trouve là, le visage appuyé sur le sein de son père.
Le Tyran, loin d'être ému d'un pareil attentat, fit mettre à
mort un grand nombre de citoyens et en bannit encore davantage.
Il s'en réfugia, dit-on, huit cents chez les Étoliens, et ils
supplièrent ceux-ci de retirer pour eux leurs petits enfants
et leurs femmes des mains du Tyran. A peu de temps de là,
Aristotime lui-même faisait proclamer un édit permettant à
toutes les femmes qui le voudraient d'aller rejoindre leurs
maris et d'emporter avec elles une partie de ce qui était
leur propriété personnelle. Quand il eut reconnu avec quelle
joie elles acceptaient toutes le décret (leur nombre dépassait
six cents), il leur donna ordre de se mettre toutes en marche à
un jour qu'il désigna, sous prétexte de pourvoir lui-même à
leur sûreté. Ce jour venu, elles se réunissent aux portes,
chargées de tout ce qu'elles avaient pu amasser de leurs richesses.
Les unes tenaient leurs enfants sur les bras, les autres
les transportaient dans des chariots, et elles s'attendaient
les unes les autres. Tout à coup se présente un nombreux
détachement des soldats du Roi, qui, du plus loin, leur crient
de ne pas quitter la place. Puis, quand ils sont près d'elles,
ils leur ordonnent de rebrousser chemin, retournant et
poussant eux-mêmes contre elles les attelages, les chariots,
et chevauchant au milieu de ces malheureuses sans ménagement.
Elles ne peuvent ni suivre, ni s'arrêter, ni porter secours
à leurs petits enfants, qui périssent tombant du haut des
chars ou écrasés sous les roues. Enfin à coup de fouets et
avec de grands cris ces soldats mercenaires les chassent devant
eux comme de pauvres moutons qui se renversent les
uns sur les autres. Elles sont jetées dans la prison publique,
et l'argent qu'elles ont est porté à Aristotime. Tant d'atrocités
indignèrent les Eléens. Les femmes vouées au culte
de Bacchus, et appelées "les Seize", prennent sur l'autel du
dieu des rameaux de suppliants, des bandelettes, et vont
trouver Aristotime au milieu de la place publique. Les gardes
qui l'entourent s'écartent avec une sorte de honte. Elles s'arrêtent
d'abord en silence, et dans une attitude religieuse pré-
sentent leurs rameaux. Mais quand il a reconnu qu'elles viennent
implorer la grâce des femmes, il est furieux contre
ses satellites. Il éclate en vociférations parce qu'ils les ont
laissées s'approcher, et leur commande de les chasser de la
place publique en poussant les unes et en frappant les autres.
De plus, une amende de deux talents est infligée à chacune d'elles.
Tous ces événements amenèrent une conjuration,
organisée contre le Tyran par un certain Hellanicus.
C'était un vieillard que son âge et la mort de ses deux fils
semblaient condamner désormais à l'inaction, et le Tyran ne
s'inquiétait point de lui. Dans le même temps ceux qui
avaient été exilés revenaient de l'Etolie, s'emparaient d'Amymone,
un des postes militaires les plus avantageux de la
contrée, et y recevaient un grand nombre de citoyens qui
s'enfuyaient d'Élis. Ces mouvements alarmèrent Aristotime.
Il alla trouver les femmes, et se figurant qu'il réussirait
par la crainte plus que par la douceur, il leur commanda
d'adresser des lettres à leurs maris pour qu'ils eussent à
quitter la contrée : il les menaçait, au cas où elles refuseraient,
de les égorger après les avoir soumises aux plus indignes
traitements et avoir fait périr au préalable leurs enfants
sous leurs yeux. Comme il insistait longtemps et les
sommait de dire si elles exécuteraient quelques-uns de ces
ordres, les autres ne répondirent pas : elles se regardaient
sans rien dire, et par leurs signes muets elles se témoignaient
mutuellement qu'elles n'avaient point peur et que
ces menaces ne les effrayaient pas. Une seule rompit le silence.
Ce fut la femme de Timoléon, Megisto, à qui son
mari et sa vertu donnaient le premier rang parmi elles.
Sans daigner se lever, ni souffrir que ses compagnes le fissent,
elle lui répondit, en restant assise : «Si tu étais un
homme sensé, tu ne traiterais pas avec des femmes de ce
que doivent faire leurs maris. Ce serait à eux, comme à
nos maîtres, que tu t'adresserais, et tu trouverais pour
eux des discours meilleurs que ceux par lesquels tu nous
as trompées. Mais si tu veux te servir de nous pour les circonvenir
parceque tu désespères de les persuader, ne compte
pas nous abuser une seconde fois; et de leur côté, ils ne seront
pas inspirés assez malheureusement pour sacrifier au
salut de quelques enfants et de quelques femmes la conservation
de l'indépendance nationale. Non : ce ne saurait
être pour eux un malheur aussi grand de nous perdre,
puisque déjà ils ne nous ont plus, que ce ne sera un grand
avantage de délivrer leurs concitoyens de ta cruauté et de
tes insolences.» Pendant que Mégisto parlait ainsi, Aristotime,
qui ne se contenait plus, ordonna d'apporter l'enfant
de cette courageuse femme pour le faire périr sous les
yeux de sa mère. Comme les satellites le cherchaient au
milieu des autres qui jouaient et luttaient ensemble, elle
l'appela elle-même par son nom : Viens ici, cher enfant,
lui dit-elle, sois dérobé, avant de la sentir et de la
comprendre, à une odieuse tyrannie. Il me serait plus pénible
de te savoir réduit sous un indigne esclavage que
d'être témoin de ton trépas. Aristotime avait tiré son
glaive contre elle; déjà il s'élançait avec fureur, quand un
de ses familiers, nommé Cylon, qui semblait lui ètre dévoué,
mais qui le détestait et qui faisait partie de la conjuration
organisée par Hellanicus, retint le tyran et lui détourna
le bras. Cylon lui dit, en donnant à ses paroles l'accent
de la prière, que ce serait agir comme un lâche, comme
une femme, et non comme un souverain ni comme un
homme qui sait conduire les affaires. Bref, il fit si bien que
recouvrant à grand'peine sa raison, Aristotime se retira.
Cependant un prodige remarquable lui apparut. Il était
midi, et il se reposait avec sa femme pendant qu'on faisait
les préparatifs du repas. On vit planer dans les airs un aigle
qui tournoyait au-dessus de la maison, et qui, comme de
dessein prémédité et avec intention, laissa tomber une
pierre énorme précisément sur la partie du toit où était la
chambre occupée en ce moment par Aristotime. En même
temps qu'il se produisait ainsi d'en haut un grand bruit, les
domestiques s'étaient mis à crier du dehors à la vue de l'oiseau.
Aristotime effrayé se fit conter ce qui se passait; et
mandant le devin qu'il consultait habituellement sur la place
publique, il le questionna, plein de trouble, au sujet de ce
prodige. Le devin l'engagea à être calme, l'assurant que
Jupiter avait voulu l'éveiller et le secourir. Mais à ceux des
citoyens à qui il se fiait ce même devin annonça qu'avant
peu le châtiment suspendu sur la tête du Tyran ne manquerait
pas d'écraser celui-ci. Hellanicus, avec les autres conjurés,
en conclut qu'il n'y avait pas de temps à perdre. Il
crut voir un de ses fils (tous les deux étaient morts), se présenter
et lui dire : «Que faites vous, mon père! Vous dormez,
et demain il faudra que vous commandiez les troupes de
la ville.» Cette apparition le remplit d'une heureuse confiance,
et il réunit ses compagnons. Cependant Aristotime,
qui avait appris que Cratère venait à son secours avec des
forces considérables et qu'il était campé à Olympie, se trouva
tellement rassuré que sans aucun de ses satellites il s'avança
sur la place publique, en compagnie de Cylon. Hellanicus
vit que le moment était propice. Au lieu de donner le signal
dont il était convenu avec ceux qui devaient agir, il leva ses
deux mains en l'air, et en même temps il s'écria d'une voix
éclatante : «Pourquoi tarder, braves amis? Quel beau
théâtre pour combattre, que celui qui s'offre à vous au milieu
de la Patrie!» Le premier de tous Cylon, ayant tiré
son épée, en frappe un de ceux qui étaient venus suivre le
Tyran. Après lui Thrasybule et Lampis courent droit sur
Aristotime. Il n'a que le temps de se réfugier dans le temple
de Jupiter, mais il y est tué. On traîne son corps sur la
place publique. Les conjurés appelèrent les citoyens à la liberté.
Ceux-ci ne devancèrent pas en grand nombre leurs
propres femmes, tant elles mirent de hâte à venir, poussant
des cris de joie frénétiques. Elles se répandirent autour des
hommes qui avaient consommé cette exécution, et leur ceignirent
la tête de couronnes. La multitude se porta ensuite
vers la demeure du Tyran. Sa femme, après s'être enfermée
dans son appartement, s'y était pendue. Restaient leurs
deux filles, encore vierges, d'une beauté remarquable et
déjà en âge d'être mariées. On s'empara d'elles; on les
traîna hors du palais pour les faire périr sans rémission, et
l'on se proposait de les accabler d'abord de mauvais traitements
et des derniers outrages. Mais Megisto était accourue
avec ses autres compagnes. Elle s'écria que la conduite
des hommes serait indigne si, prétendant représenter la démocratie,
ils osaient commettre des brutalités semblables à
celles des tyrans. Le plus grand nombre obéit à l'ascendant
de cette héroïne, qui accompagnait de ses larmes un langage
si hardi. Il fut décidé que l'on épargnerait tout affront
aux jeunes princesses, et qu'on leur permettrait de se donner
elles-mêmes la mort. On revint donc au palais, et il leur
fut signifié qu'elles eussent sur l'heure à quitter la vie.
Myro, l'aînée, détache sa ceinture, en forme un lacet, et
après avoir embrassé sa soeur, elle l'engage à la considérer
attentivement et à exécuter ensuite ce qu'elle l'aura vue faire :
C'est, dit-elle, afin que nous ne mourions pas honteusement
et d'une manière indigne de nous.» Mais la plus
jeune lui demanda la permission de se tuer la première, et
saisit à son tour la ceinture : «Je n'ai jamais refusé rien à
tes prières, dit Myro : reçois donc cette nouvelle marque
de ma tendresse. Moi, j'aurai du courage, et je souffrirai
un supplice plus pénible que la mort même en te voyant,
ô ma soeur chérie! expirer avant moi.» En même temps
elle lui montra comment il fallait se mettre le lacet autour
du cou. Quand elle la vit morte, elle la détacha et la recouvrit
avec soin. Pour ce qui était d'elle-même, elle pria
Megisto de lui rendre un semblable service et de ne pas
souffrir qu'après sa mort elle fût exposée d'une manière honteuse.
Aussi, parmi les assistants ne se trouva-t-il personne
qui fût assez dur, ou assez ennemi du Tyran, pour voir sans
verser des larmes, sans être touché de compassion, l'héroïsme
de ces deux jeunes filles.
Dans les milliers d'actes courageux accomplis en commun
par des femmes, ceux que nous venons de citer suffisent.
Nous passons maintenant aux actions individuelles; et à mesure
qu'elles se présenteront, nous les reproduirons sans
suite, parce que nous ne croyons pas que l'ordre chronologique
soit nécessaire en ces sortes de récits.
|