[14] ΟΥΑΛΕΡΙΑ ΚΑΙ ΚΛΟΙΛΙΑ
Ταρκύνιον Σούπερβον, ἕβδομον ἀπὸ Ῥωμύλου βασιλεύοντα
Ῥωμαίων, ἐξήλασεν ὕβρις καὶ ἀρετὴ Λουκρητίας,
γυναικὸς ἀνδρὶ γεγαμημένης λαμπρῷ καὶ κατὰ
γένος προσήκοντι τοῖς βασιλεῦσιν. ἐβιάσθη μὲν γὰρ ὑφ´
ἑνὸς τῶν Ταρκυνίου παίδων ἐπιξενωθέντος αὐτῇ· φράσασα
δὲ τοῖς φίλοις καὶ οἰκείοις τὸ πάθος εὐθὺς ἀπέσφαξεν
ἑαυτήν. ἐκπεσὼν δὲ τῆς ἀρχῆς ὁ Ταρκύνιος
ἄλλους τε πολλοὺς ἐπολέμησε πολέμους, πειρώμενος ἀναλαβεῖν
τὴν ἡγεμονίαν, καὶ τέλος ἄρχοντα Τυρρηνῶν
Πορσίναν ἔπεισεν ἐπὶ τὴν Ῥώμην στρατεῦσαι μετὰ
πολλῆς δυνάμεως. ἅμα δὲ τῷ πολέμῳ καὶ λιμοῦ συνεπιτιθεμένου
τοῖς Ῥωμαίοις, πυνθανόμενοι τὸν Πορσίναν
οὐ πολεμικὸν εἶναι μόνον, ἀλλὰ καὶ δίκαιον ἄνδρα καὶ
χρηστόν, ἐβούλοντο χρῆσθαι τούτῳ δικαστῇ πρὸς τὸν
Ταρκύνιον. ἀπαυθαδισαμένου δὲ τοῦ Ταρκυνίου καὶ τὸν
Πορσίναν, εἰ μὴ μενεῖ σύμμαχος βέβαιος, οὐδὲ κριτὴν
δίκαιον ἔσεσθαι φάσκοντος, ἀφεὶς ἐκεῖνον ὁ Πορσίνας
ἔπραττεν, ὅπως φίλος ἄπεισι Ῥωμαίων, τῆς τε χώρας
ὅσην ἀπετέτμηντο Τυρρηνῶν καὶ τοὺς αἰχμαλώτους κομισάμενος.
ἐπὶ τούτοις ὁμήρων αὐτῷ δοθέντων δέκα
μὲν ἀρρένων παίδων δέκα δὲ θηλειῶν (ἐν αἷς ἦν ἡ
Ποπλικόλα τοῦ ὑπάτου θυγάτηρ Οὐαλερία), πᾶσαν
εὐθὺς ἀνῆκε τὴν πρὸς τὸν πόλεμον παρασκευήν, καίπερ
οὔπω τέλος ἐχούσης τῆς ὁμολογίας. αἱ δὲ παρθένοι
κατέβησαν μὲν ἐπὶ τὸν ποταμὸν ὡς λουσόμεναι μικρὸν
ἀπωτέρω τοῦ στρατοπέδου· μιᾶς δ´ αὐτῶν ὄνομα Κλοιλίας
προτρεψαμένης ἀναδησάμεναι περὶ τὰς κεφαλὰς
τοὺς χιτωνίσκους παρεβάλοντο πρὸς ῥεῦμα πολὺ καὶ
δίνας βαθείας νέουσαι καὶ διεπέρασαν ἀλλήλων ἐχόμεναι
πολυπόνως καὶ μόλις. εἰσὶ δ´ οἱ λέγοντες ἵππου
τὴν Κλοιλίαν εὐπορήσασαν αὐτὴν μὲν ἐπιβῆναι καὶ διεξελαύνειν
ἠρέμα, ταῖς δ´ ἄλλαις ὑφηγεῖσθαι παραθαρσύνουσαν
νηχομένας καὶ παραβοηθοῦσαν. ᾧ δὲ τεκμηρίῳ
χρῶνται, μετ´ ὀλίγον ἐροῦμεν. ἐπεὶ δὲ σωθείσας εἶδον
οἱ Ῥωμαῖοι, τὴν μὲν ἀρετὴν καὶ τὴν τόλμαν ἐθαύμασαν,
τὴν δὲ κομιδὴν οὐκ ἠγάπησαν οὐδ´ ὑπέμειναν ἐν πίστει
χείρονες ἀνδρὸς ἑνὸς γενέσθαι. πάλιν οὖν τὰς κόρας
ἐκέλευσαν ἀπιέναι καὶ συνέπεμψαν αὐταῖς ἀγωγούς, οἷς
διαβᾶσι τὸν ποταμὸν ἐνέδραν ὑφεὶς ὁ Ταρκύνιος ὀλίγον
ἐδέησεν ἐγκρατὴς γενέσθαι τῶν παρθένων. ἡ μὲν οὖν τοῦ
ὑπάτου Ποπλικόλα θυγάτηρ Οὐαλερία μετὰ τριῶν προεξέφυγεν
οἰκετῶν εἰς τὸ τοῦ Πορσίνα στρατόπεδον, τὰς
δ´ ἄλλας ὁ τοῦ Πορσίνα υἱὸς Ἄρρους ταχὺ προσβοηθήσας
ἐξείλετο τῶν πολεμίων. ἐπεὶ δ´ ἤχθησαν, ἰδὼν
αὐτὰς ὁ Πορσίνας ἐκέλευσεν εἰπεῖν, ἥτις ἐστὶν ἡ προτρεψαμένη
καὶ κατάρξασα τοῦ βουλεύματος. αἱ μὲν οὖν
ἄλλαι φοβηθεῖσαι περὶ τῆς Κλοιλίας ἐσιώπησαν· αὐτῆς
δὲ τῆς Κλοιλίας εἰπούσης ἑαυτήν, ἀγασθεὶς ὁ Πορσίνας
ἐκέλευσεν ἵππον ἀχθῆναι κεκοσμημένον εὐπρεπῶς, καὶ
τῇ Κλοιλίᾳ δωρησάμενος ἀπέπεμψεν εὐμενῶς καὶ φιλανθρώπως
πάσας. τοῦτο ποιοῦνται σημεῖον οἱ πολλοὶ τοῦ
τὴν Κλοιλίαν ἵππῳ διεξελάσαι τὸν ποταμόν· οἱ δ´ οὔ
φασιν, ἀλλὰ τὴν ῥώμην θαυμάσαντα καὶ τὴν τόλμαν
αὐτῆς ὡς κρείττονα γυναικὸς ἀξιῶσαι δωρεᾶς ἀνδρὶ
πολεμιστῇ πρεπούσης. ἀνέκειτο γοῦν ἔφιππος εἰκὼν γυναικὸς
ἐπὶ τῆς ὁδοῦ τῆς ἱερᾶς λεγομένης, ἣν οἱ μὲν τῆς
Κλοιλίας οἱ δὲ τῆς Οὐαλερίας λέγουσιν εἶναι.
| [14] VALÉRIE ET CLELIE.
Tarquin le Superbe, septième roi de Rome depuis Romulus,
fut chassé à la suite de l'affront subi par la vertueuse
Lucrèce, femme d'un personnage considérable qui était parent
de la famille royale. Un des fils de ce Tarquin, ayant
été reçu chez elle en qualité d'hôte, s'était porté contre elle
aux dernières violences. Lucrèce, après avoir annoncé de vive
voix cet outrage à ses amis et à ses parents, se poignarda
aussitôt elle-même. Déchu de la royauté à cette occasion, Tarquin
entreprit guerres sur guerres pour reconquérir son
trône. Entre autres tentatives il finit par déterminer Porsenna,
roi d'Etrurie, à marcher contre Rome avec une armée
considérable. En même temps que cette guerre, la famine
vint encore fondre sur les Romains. Comme ils eurent appris
que Porsenna était non seulement un prince guerrier, mais
encore un monarque plein d'humanité et de justice, ils voulurent
le faire juge de leurs différends avec Tarquin. Ce dernier
s'y refusa avec hauteur, répétant que si Porsenna ne
restait pas pour lui un allié fidèle, il ne pourrait pas, non
plus, être un arbitre équitable. Porsenna, dès lors, se détacha
de lui, et prit l'engagement d'évacuer le territoire des
Romains à titre d'allié quand on lui aurait rendu la portion
de pays enlevée aux Toscans, ainsi que les prisonniers de
guerre. A cette occasion il lui fut donné pour otages dix
jeunes garçons et dix jeunes filles, et au nombre de ces dernières,
Valérie, fille du consul Publicola. Le monarque
étrurien fit interrompre aussitôt tous les préparatifs de
guerre commencés, sans attendre que chacun des articles de
la capitulation fût entièrement exécuté. Les jeunes Romaines
qui étaient dans son camp descendirent le long du fleuve,
comme pour se baigner, et s'éloignèrent un peu. Puis à la
sollicitation de l'une d'elles, qui s'appelait Clélie, elles attachèrent
leurs tuniques autour de leur tête, et remontèrent
le courant, qui était fort rapide. Elles traversèrent ainsi à
la nage des gouffres profonds, en se tenant les unes les autres,
avec une peine et des fatigues incroyables. Il y en a qui disent
que Clélie ayant eu le bonheur de rencontrer un cheval,
monta dessus, et lui fit passer doucement le fleuve, pendant
que les autres la suivaient à la nage, enhardies et soutenues
par elles en dépit de tout. Sur quelles preuves s'appuient-ils?
Nous le dirons un peu plus loin. Quand les Romains
les virent revenues saines et sauves, tout en admirant leur
énergie et leur audace ils désapprouvèrent ce retour, et ne
supportèrent pas la pensée d'être inférieurs en bonne foi à
un seul homme. Ils intimèrent donc aux jeunes filles l'ordre
de repartir, et les renvoyèrent avec une escorte. Au moment
où on leur faisait repasser le fleuve, Tarquin, qui avait dressé
une embuscade, faillit s'emparer de ces jeunes filles. Mais
Valérie, la fille du consul Publicola, put s'enfuir avec trois
de ses serviteurs jusqu'au camp de Porsenna; et le fils de
ce prince, Aruns, venu promptement au secours des autres
Romaines, les enleva des mains de leurs ennemis. Quand
elles eurent été conduites devant le monarque, celui-ci, en
les voyant, les somma de lui dire laquelle avait été l'instigatrice
de ce coup hardi et en avait commencé l'exécution.
Toutes les autres, tremblant pour Clélie, gardaient le silence;
mais elle se dénonça spontanément. Pénétré d'admiration,
Porsenna fit amener un cheval richement caparaçonné,
l'offrit en présent à Clélie, et il les renvoya toutes
avec beaucoup de bienveillance et de courtoisie. Cette circonstance
sert d'argument à plusieurs, pour établir que Clélie
avait traversé le fleuve à cheval. D'autres disent qu'il
n'en est rien; que, seulement, Porsenna ayant admiré dans
la jeune fille une énergie et une audace au-dessus de son
sexe, la jugea digne d'un présent qui convient à un guerrier.
Aussi, remarquait-on sur la voie sacrée une statue
équestre de femme, représentant Clélie selon les uns, et selon
les autres, Valérie.
|