[16] Σερτώριος δέ, τῶν ἐντὸς Ἴβηρος αὐτῷ ποταμοῦ πάντων ὁμοῦ τι
προστιθεμένων, πλήθει μὲν ἦν μέγας· ἐπέρρεον γὰρ ἀεὶ καὶ συνεφέροντο
πανταχόθεν πρὸς αὐτόν· ἀταξίᾳ δὲ βαρβαρικῇ καὶ θρασύτητι ταραττόμενος,
ἐπιχειρεῖν τοῖς πολεμίοις βοώντων καὶ τὴν τριβὴν δυσανασχετούντων,
ἐπειρᾶτο παραμυθεῖσθαι διὰ λόγων. ὡς δ´ ἑώρα χαλεπαίνοντας καὶ
βιαζομένους ἀκαίρως, προήκατο καὶ περιεῖδε συμπλεκομένους τοῖς πολεμίοις,
ἐν οἷς οὐ παντελῶς συντριβέντας, ἀλλὰ πληγὰς λαβόντας ἤλπιζε
πρὸς τὰ λοιπὰ κατηκόους μᾶλλον ἕξειν. ὧν δ´ εἴκαζε γενομένων, ἐπιβοηθήσας
ἀνέλαβέ τε φεύγοντας αὐτοὺς καὶ κατέστησεν ἀσφαλῶς εἰς τὸ
στρατόπεδον. βουλόμενος δὲ καὶ τὴν ἀθυμίαν ἀφελεῖν, μεθ´ ἡμέρας
ὀλίγας πάνδημον ἐκκλησίαν ἀθροίσας ἵππους εἰσήγαγε δύο, τὸν μὲν
ἀσθενῆ τελέως καὶ πρεσβύτερον ἤδη, τὸν δ´ ἕτερον εὐμεγέθη μὲν αὐτὸν
καὶ ἰσχυρόν, θαυμαστὴν δὲ πυκνότητι καὶ κάλλει τριχῶν οὐρὰν ἔχοντα.
παρειστήκει δὲ τῷ μὲν ἀσθενεῖ μέγας ἀνὴρ καὶ ῥωμαλέος, τῷ δ´ ἰσχυρῷ
μικρὸς ἕτερος καὶ τὴν ὄψιν εὐκαταφρόνητος. σημείου δὲ δοθέντος αὐτοῖς,
ὁ μὲν ἰσχυρὸς ἀμφοτέραις ταῖς χερσὶ τοῦ ἵππου τὴν κέρκον ὡς ἀπορρήξων
εἷλκε βίᾳ πρὸς αὑτόν, ὁ δ´ ἀσθενὴς τοῦ ἰσχυροῦ κατὰ μίαν τῶν τριχῶν
ἐξέτιλλεν. ἐπεὶ δ´ ὁ μὲν οὐκ ὀλίγα πράγματα μάτην ἑαυτῷ καὶ πολὺν
γέλωτα τοῖς θεωμένοις παρασχὼν ἀπεῖπεν, ὁ δ´ ἀσθενὴς ἀκαρεὶ καὶ σὺν
οὐδενὶ πόνῳ ψιλὴν τριχῶν ἀπέδειξε τὴν οὐράν, ἀναστὰς ὁ Σερτώριος
„ὁρᾶτ´“ εἶπεν „ἄνδρες σύμμαχοι τὴν ἐπιμονὴν ἀνυσιμωτέραν τῆς βίας
οὖσαν καὶ πολλὰ τῶν ἁθρόως ἀλήπτων ἐνδιδόντα τῷ κατὰ μικρόν. ἄμαχον
γὰρ τὸ ἐνδελεχές, ᾧ πᾶσαν ἐπιὼν ὁ χρόνος ἀναιρεῖ καὶ κατεργάζεται
δύναμιν, εὐμενὴς ὢν σύμμαχος τοῖς δεχομένοις λογισμῷ τὸν καιρὸν
αὐτοῦ, τοῖς δ´ ἀκαίρως ἐπειγομένοις πολεμιώτατος.“ τοιαῦτα μὲν ὁ Σερτώριος
ἑκάστοτε πλέκων παραμύθια τοῖς βαρβάροις, διεπαιδαγώγει τὸν καιρόν.
| [16] Sertorius, à qui toute l'Espagne, en deçà de l'Èbre,
s'était déjà soumise, se vit, par la jonction de Perpenna, à la
tête d'une puissante armée, et chaque jour il lui arrivait de
tous côtés de nouvelles troupes ; mais il ne voyait pas sans
inquiétude la confusion et l'audace de ces barbares, qui, impatients
de tout délai, criaient sans cesse qu'on les menât à
l'ennemi. Il essaya d'abord la voie de la persuasion; mais,
les voyant prêts à se révolter et à se porter aux dernières violences
pour le forcer à attaquer hors de propos, il les abandonna
à leur fougue, s'attendant bien qu'après avoir été, non
pas entièrement défaits, mais fort maltraités, ils seraient dans
la suite plus soumis et plus dociles. Ils furent battus comme
il l'avait prévu ; et, étant allé à leur secours, il les recueillit
dans leur fuite et les ramena en sûreté dans le camp.
Mais peu de jours après, pour leur ôter le découragement où cet
échec les avait jetés, il assemble toute l'armée, ét fait amener
deux chevaux, l'un très vieux et très faible, l'autre grand et
robuste, et remarquable surtout par la beauté de sa queue et
par l'épaisseur des crins dont elle était garnie. Prés du cheval
faible, il place un homme grand et fort, et près du cheval vigoureux
un petit homme qui n'avait aucune apparence de force.
Au signal donné, l'homme fort saisit à deux mains la
queue du cheval faible et la tire de toutes ses forces, comme
pour l'arracher, pendant que l'homme faible, prenant un à un
les crins de la queue du cheval fort, les arrache tous très facilement.
Le premier, après bien des efforts inutiles qui prêtaient
fort à rire aux spectateurs, abandonne son entreprise;
l'homme faible au contraire montre la queue de son cheval
qu'il avait, en un moment et sans aucune peine, dégarnie de
tous ses crins. Sertorius alors se levant : « Mes alliés, leur
dit-il, vous voyez que la patience a beaucoup plus de pouvoir
que la force, et que des choses qu'on ne peut surmonter
tout a la fois cèdent aisément quand on les prend
l'une après l'autre; la persévérance est invincible, c'est par
elle que le temps, attaquant les plus grandes puissances,
les détruit et les renverse : c'est un allié aussi sûr pour
ceux à qui la raison fait observer et saisir le moment favorable,
qu'elle est un ennemi dangereux pour ceux qui mettent
trop de précipitation dans les affaires."
C'est par de semblables apologues que Sertorius rassurait ses soldats
et leur enseignait à attendre les occasions.
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