[14] Ἔκ τε δὴ τούτων θαυμαζόμενος ἠγαπᾶτο παρὰ τοῖς βαρβάροις ὁ
Σερτώροις, καὶ ὅτι Ῥωμαϊκοῖς ὁπλισμοῖς καὶ τάξεσι καὶ συνθήμασιν
ἀφαιρῶν τὸ μανικὸν καὶ θηριῶδες αὐτῶν τῆς ἀλκῆς ἀντὶ λῃστηρίου
μεγάλου στρατὸν ἐποιεῖτο τὴν δύναμιν. ἔτι δ´ ἀργύρῳ χρώμενος ἀφειδῶς
καὶ χρυσῷ κράνη τε κατεκόσμει καὶ θυρεοὺς αὐτῶν διεποίκιλλε, καὶ
χλαμύσιν ἀνθιναῖς καὶ χιτῶσι χρῆσθαι διδάσκων, καὶ χορηγῶν εἰς
ταῦτα καὶ συμφιλοκαλῶν, ἐδημαγώγει. μάλιστα δ´ εἷλεν αὐτοὺς τὰ τῶν
παίδων· τοὺς γὰρ εὐγενεστάτους ἀπὸ τῶν ἐθνῶν συναγαγὼν εἰς Ὄσκαν
πόλιν μεγάλην, διδασκάλους ἐπιστήσας Ἑλληνικῶν τε καὶ Ῥωμαϊκῶν
μαθημάτων, ἔργῳ μὲν ἐξωμηρεύσατο, λόγῳ δ´ ἐπαίδευεν, ὡς ἀνδράσι
γενομένοις πολιτείας τε μεταδώσων καὶ ἀρχῆς. οἱ δὲ πατέρες ἥδοντο
θαυμαστῶς, τοὺς παῖδας ἐν περιπορφύροις ὁρῶντες μάλα κοσμίως φοιτῶντας
εἰς τὰ διδασκαλεῖα, καὶ τὸν Σερτώριον ὑπὲρ αὐτῶν μισθοὺς τελοῦντα,
καὶ πολλάκις ἀποδείξεις λαμβάνοντα, καὶ γέρα τοῖς ἀξίοις νέμοντα,
καὶ τὰ χρυσᾶ περιδέραια δωρούμενον ἃ Ῥωμαῖοι βούλλας καλοῦσιν.
ἔθους δ´ ὄντος Ἰβηρικοῦ τοὺς περὶ τὸν ἄρχοντα τεταγμένους συναποθνῄσκειν
αὐτῷ πεσόντι, καὶ τοῦτο τῶν ἐκεῖ βαρβάρων κατάσπεισιν ὀνομαζόντων,
τοῖς μὲν ἄλλοις ἡγεμόσιν ὀλίγοι τῶν ὑπασπιστῶν καὶ τῶν ἑταίρων,
Σερτωρίῳ δὲ πολλαὶ μυριάδες ἀνθρώπων κατεσπεικότων ἑαυτοὺς
ἠκολούθουν. λέγεται δὲ πρός τινι πόλει τροπῆς γενομένης καὶ τῶν πολεμίων
ἐπικειμένων, τοὺς Ἴβηρας ἀμελήσαντας αὑτῶν τὸν Σερτώριον
σῴζειν καὶ τοῖς ὤμοις ἐπαραμένους ἄλλους ὑπὲρ ἄλλων ἀνακουφίσαι πρὸς
τὰ τείχη, γενομένου δ´ ἐν ἀσφαλεῖ τοῦ ἄρχοντος, οὕτω τραπέσθαι πρὸς
φυγὴν ἕκαστον αὐτῶν.
| [14] Ces exploits concilièrent à Sertorius l'admiration et
l'amitié des barbares; ils étaient ravis surtout qu'il leur eût
ôté leur manière sauvage et brutale de combattre, et qu'en
leur faisant adopter l'armure et l'ordonnance romaines, en
les accoutumant à prendre le mot du combat, il eût fait d'une
multitude de brigands un corps de troupes bien discipliné;
il leur prodiguait d'ailleurs l'or et l'argent pour orner leurs
boucliers et leurs casques; il les invitait à se faire des tuniques
et des manteaux brodés, leur fournissait tout ce qui
leur était nécessaire pour cela, les piquait même d'émulation
par son exemple, et leur inspirait ainsi le plus vif intérêt pour
sa personne. Mais rien ne gagna tant leur affection que ce
qu'il fit pour leurs enfants. Dans toutes les nations soumises
à son autorité, il prit ceux des premières familles, qu'il rassembla
dans Oscs, ville considérable du pays, et leur donna
des maîtres pour les instruire dans les lettres grecques et
romaines. C'était réellement autant d'otages qu'il se donnait
de la fidélité de ces peuples; mais il ne montrait que le désir
de les former, de les rendre capables, dans un âge plus
avancé, d'être employés aux affaires et élevés aux charges.
Les pères étaient ravis de voir leurs enfants, vêtus de robes
brodées de pourpre, se rendre aux écoles avec décence, et
Sertorius payer toute la dépense de leur éducation, les examiner
souvent lui-même, distribuer des récompenses à ceux
qui se distinguaient, et leur donner de ces ornements d'or
que les Romains suspendent au cou de leurs enfants, et qu'ils
appellent bulles.
C'était un usage en Espagne, que le général fût entouré d'un certain
nombre de guerriers qui se dévouaient à mourir avec lui s'il venait
à être tué; chez les barbares, ce dévouement s'appelait "libation".
Les autres généraux avaient peu de ces écuyers ou compagnons d'armes
qui se consacrassent à mourir avec eux; Sertorius était suivi
de plusieurs milliers de soldats qui avaient fait pour lui ce
généreux dévouement. Un jour que son armée fut mise en
déroute près d'une ville d'Espagne, les soldats espagnols,
quoique poursuivis de près par les ennemis, oubliant le soin
de leur propre conservation, ne pensèrent qu'à sauver Sertorius,
et, l'enlevant sur leurs épaules, ils se le passèrent de
l'un à l'autre jusqu'aux murailles de la ville, et ne songèrent
à se sauver eux-mêmes que lorsqu'il fut en sûreté.
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