[12] ὁ δ' οὖν Νικίας, τῶν Αἰγεστέων πρέσβεων καὶ
Λεοντίνων παραγενομένων καὶ πειθόντων τοὺς Ἀθηναίους
στρατεύειν ἐπὶ Σικελίαν, ἀνθιστάμενος ἡττᾶτο τῆς βουλῆς
Ἀλκιβιάδου καὶ φιλοτιμίας, πρὶν ὅλως ἐκκλησίαν γενέσθαι,
κατασχόντος ἤδη πλῆθος ἐλπίσι καὶ λόγοις προδιεφθαρμένον,
ὥστε καὶ νέους ἐν παλαίστραις καὶ γέροντας ἐν ἐργαστηρίοις
καὶ ἡμικυκλίοις συγκαθεζομένους ὑπογράφειν τὸ σχῆμα τῆς
Σικελίας, καὶ τὴν φύσιν τῆς περὶ αὐτὴν θαλάσσης, καὶ λιμένας
καὶ τόπους οἷς τέτραπται πρὸς Λιβύην ἡ νῆσος. (2) οὐ γὰρ
ἆθλον ἐποιοῦντο τοῦ πολέμου Σικελίαν, ἀλλ' ὁρμητήριον, ὡς
ἀπ' αὐτῆς διαγωνισόμενοι πρὸς Καρχηδονίους καὶ σχήσοντες
ἅμα Λιβύην καὶ τὴν ἐντὸς Ἡρακλείων στηλῶν θάλασσαν. ὡς
οὖν ὥρμηντο πρὸς ταῦτα, ὁ Νικίας ἐναντιούμενος οὔτε
πολλοὺς οὔτε δυνατοὺς εἶχε συναγωνιστάς. οἱ γὰρ εὔποροι
δεδιότες μὴ δοκῶσι τὰς λειτουργίας καὶ τριηραρχίας
ἀποδιδράσκειν, (3) παρὰ γνώμην ἡσύχαζον· ὁ δ' οὐκ ἔκαμνεν
οὐδ' ἀπηγόρευεν, ἀλλὰ καὶ μετὰ τὸ ψηφίσασθαι τὸν πόλεμον
Ἀθηναίους καὶ στρατηγὸν ἑλέσθαι πρῶτον ἐκεῖνον μετ'
Ἀλκιβιάδου καὶ Λαμάχου, πάλιν ἐκκλησίας γενομένης,
ἀναστὰς ἀπέτρεπε καὶ διεμαρτύρετο, καὶ τελευτῶν διέβαλε τὸν
Ἀλκιβιάδην ἰδίων ἕνεκα κερδῶν καὶ φιλοτιμίας τὴν πόλιν εἰς
χαλεπὸν ἐξωθεῖν καὶ διαπόντιον κίνδυνον. (4) ἔπραξε δ' οὐδὲν
μᾶλλον, ἀλλ' ὑπὸ ἐμπειρίας δόξας ἐπιτηδειότερος εἶναι, καὶ
πολλὴν ἀσφάλειαν ἕξειν πρὸς τὴν Ἀλκιβιάδου τόλμαν καὶ τὴν
Λαμάχου τραχύτητα τῆς ἐκείνου συγκεραννυμένης εὐλαβείας,
βεβαιοτέραν ἐποίησε τὴν χειροτονίαν. ἀναστὰς γὰρ ὁ μάλιστα
τῶν δημαγωγῶν ἐπὶ τὸν πόλεμον παροξύνων τοὺς Ἀθηναίους,
Δημόστρατος, ἔφη τὸν Νικίαν προφάσεις λέγοντα παύσειν· καὶ
ψήφισμα γράψας ὅπως αὐτοκράτορες ὦσιν οἱ στρατηγοὶ
κἀνταῦθα κἀκεῖ βουλευόμενοι καὶ πράττοντες, ἔπεισε τὸν
δῆμον ψηφίσασθαι.
| [12] XVII. Cependant les ambassadeurs d'Égeste et de Léontium
étant venus à'Athènes pour engager les Athéniens à porter la guerre en Sicile, Nicias
s'y opposa de tout son pouvoir; mais il fut vaincu par l'adresse et l'ambition
d'Alcibiade, qui, même avant qu'on eût tenu aucune assemblée, avait su gagner
et corrompre la multitude, par les espérances dont ses discours l'avaient remplie.
Déjà l'on ne voyait plus que jeunes gens dans les gymnases, que vieillards dans les
ateliers ou dans les lieux d'assemblée, tracer le plan de la Sicile, et disserter sur la
qualité de la mer qui l'environne, sur la bonté de ses ports, sur celles de ses côtes qui
regardent l'Afrique. Peu contents d'envisager la Sicile comme le prix de cette guerre,
ils voulaient en faire une place d'armes, pour aller de là soumettre Carthage,
conquérir l'Afrique entière, et se rendre maîtres de la mer qui s'étend jusqu'aux
colonnes d'Hercule. Nicias, qui combattait un projet saisi avec tant d'ardeur, ne fut
secondé ni par le peuple ni par la noblesse. Les riches, qui ne l'approuvaient pas,
mais qui craignaient, en s'y opposant, qu'on ne les soupçonnât de vouloir éviter le
service et les frais de l'armement des galères, gardaient le silence, et n'osaient dire
leur avis. Cependant Nicias, sans se décourager, combattait toujours ce projet; et
après même que les Athéniens eurent par un décret ordonné la guerre, et qu'ils
l'eurent nommé le premier général avec Alcibiade et Lamachus, il se leva dans
l'assemblée, fit de nouveaux efforts pour détourner le peuple de cette expédition,
protesta contre le décret, et finit par reprocher à Alcibiade que pour son intérêt
particulier, et pour satisfaire son ambition, il jetait la république dans une guerre
d'outre-mer qui l'exposerait aux plus grands dangers. Mais tout fut inutile; son
expérience connue le faisant juger plus capable d'assurer le succès de cette entreprise,
par le tempérament que sa prudence apporterait à l'audace d'Alcibiade et à la
douceur de Lamachus, son élection n'en fut que plus hautement confirmée.
D'ailleurs un des orateurs du peuple, nommé Démostrate, celui qui excitait le plus les
Athéniens à cette guerre, s'étant levé, dit qu'il allait faire cesser toutes les excuses de
Nicias. Il proposa donc et fit passer un décret qui donnait aux généraux un plein
pouvoir de conseiller et de faire, soit à Athènes, soit en Sicile, tout ce qu'ils jugeraient
convenable.
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