[2] λέγεται δὲ ὁ Λυσάνδρου πατὴρ Ἀριστόκλειτος οἰκίας μὲν
οὐ γενέσθαι βασιλικῆς, ἄλλως δὲ γένους εἶναι τοῦ τῶν
Ἡρακλειδῶν. ἐτράφη δὲ ὁ Λύσανδρος ἐν πενίᾳ, καὶ παρέσχεν
ἑαυτὸν εὔτακτον, ὡς εἴ τις ἄλλος, πρὸς τοὺς ἐθισμοὺς καὶ
ἀνδρώδη καὶ κρείττονα πάσης ἡδονῆς, πλὴν εἴ τινα τιμωμένοις
καὶ κατορθοῦσιν αἱ καλαὶ πράξεις ἐπιφέρουσι. ταύτης δὲ οὐκ
αἰσχρόν ἐστιν ἡττᾶσθαι τοὺς νέους ἐν Σπάρτῃ. (2) βούλονται
γὰρ εὐθὺς ἐξ ἀρχῆς πάσχειν τι τοὺς παῖδας αὐτῶν πρὸς δόξαν,
ἀλγυνομένους τε τοῖς ψόγοις καὶ μεγαλυνομένους ὑπὸ τῶν
ἐπαίνων· ὁ δὲ ἀπαθὴς καὶ ἀκίνητος ἐν τούτοις ὡς ἀφιλότιμος
πρὸς ἀρετὴν καὶ ἀργὸς καταφρονεῖται. τὸ μὲν οὖν φιλότιμον
αὐτῷ καὶ φιλόνεικον ἐκ τῆς Λακωνικῆς παρέμεινε παιδείας
ἐγγενόμενον, καὶ οὐδέν τι μέγα χρὴ τὴν φύσιν ἐν τούτοις
αἰτιᾶσθαι· (3) θεραπευτικὸς δὲ τῶν δυνατῶν μᾶλλον ἢ κατὰ
Σπαρτιάτην φύσει δοκεῖ γενέσθαι, καὶ βάρος ἐξουσίας διὰ
χρείαν ἐνεγκεῖν εὔκολος· ὃ πολιτικῆς δεινότητος οὐ μικρὸν
ἔνιοι πολοῦνται μέρος. Ἀριστοτέλης δὲ τὰς μεγάλας φύσεις
ἀποφαίνων μελαγχολικάς, ὡς τὴν Σωκράτους καὶ Πλάτωνος
καὶ Ἡρακλέους, ἱστορεῖ καὶ Λύσανδρον οὐκ εὐθύς, ἀλλὰ
πρεσβύτερον ὄντα τῇ μελαγχολίᾳ περιπεσεῖν. (4) ἴδιον δὲ αὐτοῦ
μάλιστα τὸ καλῶς πενίαν φέροντα, καὶ μηδαμοῦ κρατηθέντα
μηδὲ διαφθαρέντα χρήμασιν αὐτόν, ἐμπλῆσαι τὴν πατρίδα
πλούτου καὶ φιλοπλουτίας καὶ παῦσαι θαυμαζομένην ἐπὶ τῷ
μὴ θαυμάζειν πλοῦτον, εἰσάγοντα χρυσίου καὶ ἀργυρίου
πλῆθος μετὰ τὸν Ἀττικὸν πόλεμον, ἑαυτῷ δὲ μηδεμίαν
δραχμὴν ὑπολειπόμενον. (5) Διονυσίου δὲ τοῦ τυράννου
πέμψαντος αὐτοῦ ταῖς θυγατράσι πολυτελῆ χιτώνια τῶν
Σικελῶν, οὐκ ἔλαβεν, εἰπὼν φοβεῖσθαι μὴ διὰ ταῦτα μᾶλλον
αἰσχραὶ φανῶσιν. ἀλλ' ὀλίγον ὕστερον πρὸς τὸν αὐτὸν
τύραννον ἐκ τῆς αὐτῆς πόλεως ἀποσταλεὶς πρεσβευτής,
προσπέμψαντος αὐτῷ δύο στολὰς ἐκείνου καὶ κελεύσαντος ἣν
βούλεται τούτων ἑλόμενον τῇ θυγατρὶ κομίζειν, αὐτὴν ἐκείνην
ἔφη βέλτιον αἱρήσεσθαι, καὶ λαβὼν ἀμφοτέρας ἀπῆλθεν.
| [2] II. Aristoclite, père de Lysandre, était, dit-on, de la race des Héraclides,
mais non de la branche qui régnait à Sparte;
Lysandre, élevé dans une maison pauvre, se montra, autant qu'aucun autre
Spartiate, fidèle observateur des coutumes de sa patrie. Son courage mâle, à
l'épreuve de toutes les voluptés, ne connut d'autre plaisir que celui que donne
l'estime publique, qui est le prix des belles actions. A Lacédémone, les jeunes gens
se laissent dominer sans honte par cette volupté; les Spartiates veulent que leurs
enfants soient, dès le plus bas âge, sensibles à la gloire, et qu'humiliés par les
reproches, ils soient vivement excités par la louange. Celui qu'on voit insensible et
immobile à ce double aiguillon est méprisé comme un coeur lâche, et sans émulation
pour la vertu. Ce fut donc à l'éducation de Sparte que Lysandre dut son ambition et
sa passion pour la gloire, car il ne faut pas en accuser la nature; ce qu'il tenait d'elle,
c'était ce penchant à flatter les grands beaucoup plus qu'il ne convenait à un
Spartiate, cette facilité à supporter, pour ses intérêts, le poids de leur orgueil:
qualités, au reste, que bien des gens regardent comme une grande partie de la science
politique. Aristote, qui prétend que les hommes à grand caractère sont
ordinairement mélancoliques comme l'avaient été Socrate, Platon et Hercule,
rapporte que Lysandre, en approchant de la vieillesse, tomba dans la mélancolie.
Une particularité de son caractère, c'est qu'ayant toujours souffert avec courage la
pauvreté, et ne s'étant jamais laissé vaincre ni corrompre par l'argent, il remplit sa
patrie de richesses, il en fit naître le désir; et en apportant aux Spartiates, après la
guerre d'Athènes des sommes considérables d'or et d'argent, il priva Lacédémone de
ce sentiment d'admiration qu'inspirait aux autres peuples le mépris que cette ville
avait toujours eu pour les richesses; mais il n'en retint pas pour lui une seule
drachme ; et tel était son désintéressement, que Denys le tyran ayant envoyé aux
filles de Lysandre des robes de Sicile très-riches, il les refusa, en disant qu'il craignait
que ces belles robes ne fissent paraître ses filles plus laides qu'elles n'étaient.
Cependant, peu de temps après, lorsque les Spartiates le députèrent vers ce même
Denys, le tyran lui ayant envoyé deux robes, en le priant de choisir celle qu'il
voudrait pour la porter à sa fille, il répondit que sa fille choisirait mieux que lui, et il
les prit toutes deux.
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