[15] (1) Ἦν μὲν οὖν καὶ ταῦτα παρορμητικὰ πρὸς γάμον· λέγω δὲ τὰς πομπὰς
τῶν παρθένων καὶ τὰς ἀποδύσεις καὶ τοὺς ἀγῶνας ἐν ὄψει τῶν νέων, ἀγομένων οὐ
γεωμετρικαῖς, ἀλλ´ ἐρωτικαῖς, ὥς φησιν ὁ Πλάτων, ἀνάγκαις· οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ
ἀτιμίαν τινὰ προσέθηκε τοῖς ἀγάμοις. (2) εἴργοντο γὰρ ἐν ταῖς γυμνοπαιδίαις τῆς
θέας· τοῦ δὲ χειμῶνος οἱ μὲν ἄρχοντες αὐτοὺς ἐκέλευον ἐν κύκλῳ γυμνοὺς περιϊέναι
τὴν ἀγοράν, οἱ δὲ περιϊόντες ᾖδον εἰς αὑτοὺς ᾠδήν τινα πεποιημένην, ὡς δίκαια
πάσχοιεν, ὅτι τοῖς νόμοις ἀπειθοῦσι· (3) τιμῆς δὲ καὶ θεραπείας ἣν νέοι πρεσβυτέροις
παρεῖχον, ἐστέρηντο. ὅθεν καὶ τὸ πρὸς Δερκυλλίδαν ῥηθὲν οὐδεὶς ἐμέμψατο, καίπερ
εὐδόκιμον ὄντα στρατηγόν. ἐπιόντι γὰρ αὐτῷ τῶν νεωτέρων τις ἕδρας οὐχ ὑπεῖξεν,
εἰπών, "Οὐδὲ γὰρ ἐμοὶ σὺ τὸν ὑπείξοντα γεγέννηκας." (4) Ἐγάμουν δὲ δι´ ἁρπαγῆς, οὐ
μικρὰς οὐδὲ ἀώρους πρὸς γάμον, ἀλλὰ καὶ ἀκμαζούσας καὶ πεπείρους. (6) τὴν δὲ
ἁρπασθεῖσαν ἡ νυμφεύτρια καλουμένη παραλαβοῦσα, τὴν μὲν κεφαλὴν ἐν χρῷ
περιέκειρεν, ἱματίῳ δὲ ἀνδρείῳ καὶ ὑποδήμασιν ἐνσκευάσασα κατέκλινεν ἐπὶ στιβάδα
μόνην ἄνευ φωτός. ὁ δὲ νυμφίος οὐ μεθύων οὐδὲ θρυπτόμενος, ἀλλὰ νήφων, ὥσπερ
ἀεί, δεδειπνηκὼς ἐν τοῖς φιδιτίοις, παρεισελθὼν ἔλυε τὴν ζώνην καὶ μετήνεγκεν
ἀράμενος ἐπὶ τὴν κλίνην. (7) συνδιατρίψας δὲ χρόνον οὐ πολὺν ἀπῄει κοσμίως οὗπερ
εἰώθει τὸ πρότερον, καθευδήσων μετὰ τῶν ἄλλων νέων. (8) καὶ τὸ λοιπὸν οὕτως ἔπραττε,
τοῖς μὲν ἡλικιώταις συνδιημερεύων καὶ συναναπαυόμενος, πρὸς δὲ τὴν νύμφην κρύφα
μετ´ εὐλαβείας φοιτῶν, αἰσχυνόμενος καὶ δεδοικὼς μή τις αἴσθοιτο τῶν ἔνδον, ἅμα
καὶ τῆς νύμφης ἐπιτεχνωμένης καὶ συνευπορούσης ὅπως ἂν ἐν καιρῷ καὶ λανθάνοντες
ἀλλήλοις συμπορεύοιντο. (9) καὶ τοῦτο ἔπραττον οὐκ ὀλίγον χρόνον, ἀλλ´ ὥστε καὶ
παῖδας γενέσθαι ἐνίοις πρὶν ἐς ἡμέραν θεάσασθαι τὰς ἑαυτῶν γυναῖκας. (10) ἡ δὲ
τοιαύτη σύνοδος οὐ μόνον ἐγκρατείας καὶ σωφροσύνης ἄσκησις ἦν, ἀλλὰ τοῖς τε
σώμασι γονίμους καὶ τῷ φιλεῖν ἀεὶ καινοὺς καὶ προσφάτους ἦγεν ἐπὶ τὴν κοινωνίαν,
οὐ διακορεῖς οὐδ´ ἐξιτήλους ταῖς ἀνέδην κοινωνίαις, ἀλλ´ ἀεί τι λείψανον καὶ
ὑπέκκαυμα πόθου καὶ χάριτος ἐναπολείποντας ἀλλήλοις. (11) Τοσαύτην δὲ τοῖς γάμοις
ἐπιστήσας αἰδῶ καὶ τάξιν, οὐδὲν ἧττον ἐξέβαλε τὴν κενὴν καὶ γυναικώδη
ζηλοτυπίαν, ἐν καλῷ καταστήσας ὕβριν μὲν καὶ ἀναξίαν πᾶσαν εἴργειν ἀπὸ τοῦ
γάμου, παίδων δὲ καὶ τεκνώσεως κοινωνεῖν τοῖς ἀξίοις, καταγελῶντας τῶν ὡς ἄμικτα
καὶ ἀκοινώνητα ταῦτα μετιόντων σφαγαῖς καὶ πολέμοις. (12) ἐξῆν μὲν γὰρ ἀνδρὶ
πρεσβυτέρῳ νέας γυναικός, εἰ δή τινα τῶν καλῶν καὶ ἀγαθῶν ἀσπάσαιτο νέων καὶ
δοκιμάσειεν, εἰσαγαγεῖν παρ´ αὐτὴν καὶ πλήσαντα γενναίου σπέρματος ἴδιον αὑτοῖς
ποιήσασθαι τὸ γεννηθέν. (13) ἐξῆν δὲ πάλιν ἀνδρὶ χρηστῷ, τῶν εὐτέκνων τινὰ καὶ
σωφρόνων θαυμάσαντι γυναικῶν ἑτέρῳ γεγαμημένην, πεῖσαι τὸν ἄνδρα συνελθεῖν,
ὥσπερ ἐν χώρᾳ καλλικάρπῳ : φυτεύοντα καὶ ποιούμενον παῖδας ἀγαθούς, ἀγαθῶν
ὁμαίμους καὶ συγγενεῖς ἐσομένους. (14) πρῶτον μὲν γὰρ οὐκ ἰδίους ἡγεῖτο τῶν πατέρων
τοὺς παῖδας, ἀλλὰ κοινοὺς τῆς πόλεως ὁ Λυκοῦργος, ὅθεν οὐκ ἐκ τῶν τυχόντων, ἀλλ´
ἐκ τῶν ἀρίστων ἐβούλετο γεγονότας εἶναι τοὺς πολίτας. (15) ἔπειτα πολλὴν ἀβελτερίαν
καὶ τῦφον ἐνεώρα τοῖς περὶ ταῦτα τῶν ἄλλων νομοθετήμασιν, οἳ κύνας μὲν καὶ
ἵππους ὑπὸ τοῖς κρατίστοις τῶν ὀχείων βιβάζουσι χάριτι πείθοντες ἢ μισθῷ τοὺς
κυρίους, τὰς δὲ γυναῖκας ἐγκλεισάμενοι φρουροῦσιν, ἐξ αὐτῶν μόνων τίκτειν
ἀξιοῦντες, κἂν ἄφρονες ὦσι, κἂν παρήλικες, κἂν νοσώδεις, ὡς οὐχὶ πρώτοις τοῖς
κεκτημένοις καὶ τρέφουσι τῶν παίδων γινομένων πονηρῶν, ἐὰν ἐκ πονηρῶν γένωνται,
καὶ τοὐναντίον χρηστῶν, ἂν τοιαύτης τύχωσι γενέσεως. (16) ταῦτα δὲ οὕτως πραττόμενα
φυσικῶς καὶ πολιτικῶς τότε τοσοῦτον ἀπεῖχε τῆς ὕστερον λεγομένης γενέσθαι περὶ
τὰς γυναῖκας εὐχερείας ὥστε ὅλως ἄπιστον εἶναι τὸ τῆς μοιχείας παρ´ αὐτοῖς. (17) καὶ
λόγος ἀπομνημονεύεται Γεράδα τινὸς Σπαρτιάτου τῶν σφόδρα παλαιῶν, ὃς ἐρωτηθεὶς
ὑπὸ ξένου τί πάσχουσιν οἱ μοιχοὶ παρ´ αὐτοῖς, εἶπεν· "Ὦ ξένε, οὐδεὶς γίνεται
μοιχὸς παρ´ ἡμῖν." ἐκείνου δὲ ὑπολαβόντος, "Ἐὰν οὖν γένηται;" "Ταῦρον," ἔφη ὁ
Γεράδας, "ἐκτίνει μέγαν, ὃς ὑπερκύψας τὸ Ταΰγετον ἀπὸ τοῦ Εὐρώτα πίεται."
(18) θαυμάσαντος δ´ ἐκείνου καὶ φήσαντος· "Πῶς δὲ ἂν γένοιτο βοῦς τηλικοῦτος;"
γελάσας ὁ Γεράδας, "Πῶς δ´ ἄν," ἔφη, "ἐν Σπάρτῃ μοιχὸς γένοιτο;" ταῦτα μὲν οὖν
ἱστόρηται περὶ τῶν γάμων.
| [15] (1) Voici ce qui excitait encore au mariage: les processions des jeunes filles, leur
déshabillement et leurs combats sous les yeux des jeunes gens, qui, selon le mot de Platon,
cédaient à des contraintes, non géométriques, mais érotiques. Lycurgue a même imprimé une
note d’infamie aux célibataires. (2) On les écartait du spectacle des gymnopédies; et, l’hiver,
les magistrats leur faisaient faire nus le tour de l’agora, en chantant une chanson composée
contre eux, où il était dit qu’ils subissaient un juste châtiment, parce qu’ils désobéissaient aux
lois. (3) Ils étaient en outre privés des témoignages de considération et de déférence que
donnaient les jeunes gens aux personnes d’âge. Aussi nul ne désapprouva-t-il le mot dit à
Dercyllidas, bien que ce fût un général en vue. À son entrée dans une compagnie, un jeune
homme ne lui céda pas son siège, et se justifia en disant: "C’est que tu n’as pas d’enfant pour
me céder un jour le sien!" (4) Les mariages se faisaient par enlèvement, et l’on n’enlevait pas
des filles encore petites et qui n’étaient pas en âge de se marier; on les prenait dans la fleur de
leur beauté et nubiles. (5) La jeune fille une fois enlevée, la marieuse, comme on disait, la
prenait, lui rasait la tête jusqu’à la peau, lui mettait un vêtement d’homme et des chaussures
assorties, et la faisait coucher sur une simple paillasse, sans lumière. (6) Le marié, qui n’était
pas ivre, ni énervé, ayant, comme toujours, dîné sobrement au repas public, entrait, dénouait la
ceinture de sa femme, et la prenait dans ses bras pour la porter sur le lit. (7) Il ne passait que
peu de temps en sa compagnie et revenait sagement à sa caserne, où il devait dormir avec les
autres jeunes gens. (8) Jusqu’à nouvel ordre, il faisait de même, passant la journée avec ses
camarades et se reposant avec eux; il n’allait trouver la mariée que furtivement et en prenant
mille précautions, fort intimidé et craignant de découvrir son manège à quelqu’un de la maison.
La jeune femme, de son côté, s’ingéniait pour se ménager, aux moments favorables, des
entrevues secrètes avec lui; et ils s’accordaient à cette fin. (9) Cette période se prolongeait tant
qu’il naquit des enfants à quelques Spartiates avant qu’ils n’eussent vu leurs femmes en plein
jour. (10) Les rendez-vous ainsi compris n’étaient pas seulement des exercices de tempérance
et de retenue; ils développaient la faculté génératrice, et les conjoints, quand ils se retrouvaient,
étaient toujours animés d’un amour frais et nouveau, loin de ressentir la satiété et le dégoût
qu’apportent des rapprochements continuels; en se séparant au contraire, ils se laissaient
toujours l’un à l’autre un reste d’ardeur, une flamme mal éteinte, d’où renaissaient le désir et la
tendresse. (11) Ayant établi dans les mariages une retenue si grande et une si belle discipline, il
ne travailla pas moins à en bannir la jalousie frivole et féminine; car il jugeait bon d’en écarter
tout excès et tout désordre, mais aussi d’associer ceux qui le méritaient à la procréation des
enfants. Il se moquait des gens qui, voyant dans cette fonction un privilège exclusif et
incommunicable, vengent, par des massacres et des guerres, les atteintes qu’on y porte. (12) Il
était donc permis au mari âgé d’une jeune femme, s’il s’attachait à un jeune homme bien né et
appréciait ses qualités, de l’introduire auprès d’elle pour déposer en son sein un noble germe;
et l’enfant qui venait au monde appartenait au ménage. (13) Il était encore permis à un homme
de bien, s’il avait admiré une femme propre à avoir de beaux enfants et sage, mariée à un autre,
de décider le mari à tolérer des relations entre eux; c’était là ensemencer en terrain fertile pour
produire des enfants bien doués, apparentés et unis par le sang à d’honnêtes gens. (14) C’est
que d’abord Lycurgue ne pensait pas que les enfants fussent en particulier à leurs parents; il les
regardait comme communs à tout l’État; aussi voulait-il que les citoyens fussent issus, non des
premiers venus, mais des meilleurs. (15) Ensuite il voyait beaucoup de sottise et de vanité dans
les institutions conjugales des autres législateurs. Car, s’il s’agit de la reproduction des chiens
ou des chevaux, on a recours aux meilleurs étalons, que l’on se fait prêter par leurs maîtres, soit
à titre gracieux, soit à prix d’argent. Les femmes, on les tient sous clef, et leurs maris veulent
qu’elles n’aient d’enfants que d’eux seuls, même s’ils sont insensés, hors d’âge, maladifs.
Comme si ce n’était pas d’abord au préjudice des parents et des nourriciers que les enfants
fussent méchants! Or ils le sont, s’ils naissent de méchantes gens; au contraire, ils sont bons, si
leur naissance les y dispose. (16) Les pratiques du temps de Lycurgue, si conformes à la nature
et au bien de l’État, étaient tellement éloignées de la trop grande facilité qui, dit-on, s’établit
plus tard chez les femmes que, dans le pays, l’adultère était absolument inconnu. (17) On cite
un mot d’un certain Géradas, Spartiate du vieux temps, à qui un étranger demandait quelle peine
subissaient chez lui les adultères. Il répondit: "Étranger, il n’y a pas d’adultère chez nous! --
Mais enfin, reprit l’autre, s’il y en a un? -- Il paie un grand taureau, qui, en se penchant sur le
Taygète, peut boire dans l’Eurotas!" (18) L’étranger surpris demanda: "Et comment pourrait-il
y avoir un taureau de cette taille?" Géradas se mit à rire et répliqua: "Et comment pourrait-il y
avoir un adultère à Sparte?" Voilà donc ce que les historiens rapportent du mariage à Sparte.
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