[6] (1) Ὡς δ´ οὖν ἐν ἡλικίᾳ γενόμενος τοῖς ἐπιτρόποις ἤρξατο
δικάζεσθαι καὶ λογογραφεῖν ἐπ´ αὐτούς, πολλὰς διαδύσεις
καὶ παλινδικίας εὑρίσκοντας, ἐγγυμνασάμενος κατὰ
τὸν Θουκυδίδην ταῖς μελέταις οὐκ ἀκινδύνως
οὐδ´ ἀργῶς, κατευτυχήσας ἐκπρᾶξαι μὲν οὐδὲ πολλοστὸν
ἠδυνήθη μέρος τῶν πατρῴων, τόλμαν δὲ πρὸς
τὸ λέγειν καὶ συνήθειαν ἱκανὴν λαβών, καὶ γευσάμενος
τῆς περὶ τοὺς ἀγῶνας φιλοτιμίας καὶ δυνάμεως, ἐνεχείρησεν
εἰς μέσον παριέναι καὶ τὰ κοινὰ πράττειν, (2) καὶ καθάπερ
Λαομέδοντα τὸν Ὀρχομένιον λέγουσι καχεξίαν τινὰ
σπληνὸς ἀμυνόμενον δρόμοις μακροῖς χρῆσθαι τῶν ἰατρῶν
κελευσάντων, εἶθ´ οὕτως διαπονήσαντα τὴν ἕξιν
ἐπιθέσθαι τοῖς στεφανίταις ἀγῶσι καὶ τῶν ἄκρων γενέσθαι
δολιχοδρόμων, οὕτως τῷ Δημοσθένει συνέβη τὸ
πρῶτον ἐπανορθώσεως ἕνεκα τῶν ἰδίων ἀποδύντι πρὸς
τὸ λέγειν, ἐκ δὲ τούτου κτησαμένῳ δεινότητα καὶ δύναμιν,
ἐν τοῖς πολιτικοῖς ἤδη καθάπερ στεφανίταις ἀγῶσι
πρωτεύειν τῶν ἀπὸ τοῦ βήματος ἀγωνιζομένων πολιτῶν.
(3) καίτοι τό γε πρῶτον ἐντυγχάνων τῷ δήμῳ θορύβοις περιέπιπτε
καὶ κατεγελᾶτο δι´ ἀήθειαν, τοῦ λόγου συγκεχύσθαι
ταῖς περιόδοις καὶ βεβασανίσθαι τοῖς ἐνθυμήμασι
πικρῶς ἄγαν καὶ κατακόρως δοκοῦντος. (4) ἦν δέ τις ὡς
ἔοικε καὶ φωνῆς ἀσθένεια καὶ γλώττης ἀσάφεια καὶ
πνεύματος κολοβότης, ἐπιταράττουσα τὸν νοῦν τῶν λεγομένων
τῷ διασπᾶσθαι τὰς περιόδους. (5) τέλος δ´ ἀποστάντα
τοῦ δήμου καὶ ῥεμβόμενον ἐν Πειραιεῖ δι´ ἀθυμίαν Εὔνομος
ὁ Θριάσιος ἤδη πάνυ γέρων θεασάμενος ἐπετίμησεν,
ὅτι τὸν λόγον ἔχων ὁμοιότατον τῷ Περικλέους, προδίδωσιν
ὑπ´ ἀτολμίας καὶ μαλακίας ἑαυτόν, οὔτε τοὺς ὄχλους
ὑφιστάμενος εὐθαρσῶς, οὔτε τὸ σῶμα πρὸς τοὺς ἀγῶνας
ἐξαρτυόμενος, ἀλλὰ τρυφῇ περιορῶν μαραινόμενον.
| [6] (1) Dès que l'âge lui permit de plaider, il attaqua ses tuteurs en justice
et composa lui-même ses plaidoyers. Mais les accusés faisaient tant par leurs
chicanes, qu'ils obtenaient chaque jour de nouveaux délais. Démosthène, qui
s'exerçait, dans cet intervalle, à méditer les ouvrages de Thucydide, gagna
enfin son procès, non sans beaucoup de peine et de danger; et encore ne put-il
retirer des mains de ses tuteurs qu'une très petite portion de son patrimoine.
Mais cette affaire lui procura l'avantage d’avoir acquis l'habitude et la
hardiesse de parler en public; et ce premier essai de 1'honneur et du crédit que
procurait l'éloquence lui donna le désir de se produire dans les assemblées et
de s'occuper des affaires publiques. (2) On rapporte que Laomédon d'Orchomène,
pour se guérir d'une maladie de la rate, s'exerça, par l'avis de ses médecins, à
faire de très longues courses, et que, rétabli par cet exercice violent, il alla
disputer les couronnes dans les jeux, et devint un des plus forts athlètes dans
la course du double stade. II en fut de même de Démosthène. II commença de
plaider pour ses propres affaires; et après avoir acquis, dans ce premier
exercice, de l'habileté et de la force dans l'art de la parole, il se jeta dans
les affaires politiques pour y disputer les prix comme dans les jeux, et
surpassa bientôt tous ceux de ses concitoyens qui se distinguaient le plus dans
la tribune. (3) Cependant la première fois qu'il parla devant le peuple, le
bruit fut si grand qu'il ne put se faire écouter; on se moqua même de la
singularité de son style, dans lequel la longueur des périodes jetait de
l'obscurité, et qu'il avait surchargé d'enthymèmes jusqu'à la satiété. (4) Il
avait d'ailleurs la voix faible, la prononciation pénible et la respiration si
courte, que la nécessité où il était de couper ses périodes pour reprendre
haleine en rendait le sens difficile à saisir. (5) II renonça donc aux
assemblées du peuple. Un jour qu’il se promenait sur le Pirée, triste et
découragé, Eunomos de Thria, homme d'un âge fort avancé, le voyant dans cet
état, le réprimanda vivement de ce qu'avec un talent pour la parole égal à celui
de Périclès, il s'abandonnait ainsi lui-même par mollesse et par timidité; que,
faute de courage pour braver le tumulte de la populace et de force pour
s'exercer aux combats de la tribune, il languissait dans l'inaction.
|