| [30] ῎Ηδη δὲ νυκτὸς οὔσης βαθείας ἧκον εἰς τὸ τοῦ Σύλλα 
στρατόπεδον παρὰ τοῦ Κράσσου δεῖπνον αὐτῷ καὶ τοῖς 
στρατιώταις μετιόντες· ὡς γὰρ ἐνίκησε τοὺς πολεμίους, εἰς 
῎Αντεμναν καταδιώξαντες ἐκεῖ κατεστρατοπέδευσαν. ταῦτ’ οὖν 
πυθόμενος ὁ Σύλλας, καὶ ὅτι τῶν πολεμίων οἱ πλεῖστοι 
διολώλασιν, ἧκεν εἰς ῎Αντεμναν ἅμ’ ἡμέρᾳ, καὶ τρισχιλίων 
ἐπικηρυκευσαμένων πρὸς αὐτὸν ὑπέσχετο δώσειν τὴν 
ἀσφάλειαν, εἰ κακόν τι τοὺς ἄλλους ἐργασάμενοι πολεμίους 
ἔλθοιεν πρὸς αὐτόν. οἱ δὲ πιστεύσαντες ἐπέθεντο τοῖς λοιποῖς, 
καὶ πολλοὶ κατεκόπησαν ὑπ’ ἀλλήλων. οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ 
τούτους καὶ τῶν ἄλλων τοὺς περιγενομένους εἰς ἑξακισχιλίους 
ἀθροίσας παρὰ τὸν ἱππόδρομον, ἐκάλει τὴν σύγκλητον εἰς τὸ 
τῆς ᾿Ενυοῦς ἱερόν. ἅμα δ’ αὐτός τε λέγειν ἐνήρχετο καὶ 
κατέκοπτον οἱ τεταγμένοι τοὺς ἑξακισχιλίους. κραυγῆς δέ, ὡς 
εἰκός, ἐν χωρίῳ μικρῷ τοσούτων σφαττομένων φερομένης καὶ 
τῶν συγκλητικῶν ἐκπλαγέντων, ὥσπερ ἐτύγχανε λέγων 
ἀτρέπτῳ καὶ καθεστηκότι τῷ προσώπῳ προσέχειν ἐκέλευσεν 
αὐτοὺς τῷ λόγῳ, τὰ δ’ ἔξω γινόμενα μὴ πολυπραγμονεῖν· 
νουθετεῖσθαι γὰρ αὐτοῦ κελεύσαντος ἐνίους τῶν πονηρῶν.
Τοῦτο καὶ τῷ βραδυτάτῳ ῾Ρωμαίων νοῆσαι παρέστησεν ὡς 
ἀλλαγὴ τὸ χρῆμα τυραννίδος, οὐκ ἀπαλλαγὴ γέγονε. Μάριος 
μὲν οὖν ἀπ’ ἀρχῆς χαλεπὸς ὢν ἐπέτεινεν, οὐ μετέβαλε τῇ 
ἐξουσίᾳ τὴν φύσιν· Σύλλας δὲ μετρίως τὰ πρῶτα καὶ πολιτικῶς 
ὁμιλήσας τῇ τύχῃ καὶ δόξαν ἀριστοκρατικοῦ καὶ δημωφελοῦς 
ἡγεμόνος παρασχών, ἔτι δὲ καὶ φιλόγελως ἐκ νέου γενόμενος 
καὶ πρὸς οἶκτον ὑγρός, ὥστε ῥᾳδίως ἐπιδακρύειν, εἰκότως 
προσετρίψατο ταῖς μεγάλαις ἐξουσίαις διαβολὴν ὡς τὰ ἤθη 
μένειν οὐκ ἐώσαις ἐπὶ τῶν ἐξ ἀρχῆς τρόπων, ἀλλ’ ἔμπληκτα 
καὶ χαῦνα καὶ ἀπάνθρωπα ποιούσαις. τοῦτο μὲν οὖν εἴτε 
κίνησίς ἐστι καὶ μεταβολὴ φύσεως ὑπὸ τύχης, εἴτε μᾶλλον 
ὑποκειμένης ἀποκάλυψις ἐν ἐξουσίᾳ κακίας. ἑτέρα τις ἂν 
διορίσειε πραγματεία.
 | [30] XXXIX. Mais, au milieu de la nuit, il arriva au  camp de Sylla 
des courriers envoyés par Crassus,  qui venaient demander à souper pour lui et pour  
ses soldats. Il lui faisait dire en même temps  qu'après avoir vaincu les ennemis, il les 
avait  poursuivis jusqu'à Antemna, et qu'il était  campé devant cette ville. Sylla ayant 
appris en  même temps que le plus grand nombre des ennemis avait péri, partit le 
lendemain pour Antemna  à la pointe du jour. En chemin, il reçut des hérauts de la 
part de trois mille des ennemis qui se  rendaient à lui, et demandaient grâce. Sylla la  
leur promit, à condition qu'avant de venir le joindre, ils feraient aux ennemis quelque 
mal considérable. Ces trois mille hommes, comptant sur sa  parole, se jetèrent sur 
leurs camarades, dont  plusieurs se tuèrent les uns les autres. Mais Sylla  ayant 
rassemblé tous ceux qui étaient restés de ces  trois mille hommes et des autres, 
jusqu'au nombre de six mille, les fit enfermer dans l'Hippodrome, et assembla le 
sénat dans le temple  de Bellone. Il commençait à parler aux sénateurs,  lorsque des 
soldats qui avaient reçu ses ordres,  tombant sur ces six mille prisonniers, les 
massacrèrent. Les cris de tant de malheureux qu'on  égorgeait à la fois dans un si 
petit espace devaient  s'entendre au loin; les sénateurs en furent effrayés;  et Sylla, 
continuant à leur parler avec le même  sang-froid et le même air de visage, leur dit de  
n'être attentifs qu'à son discours, et de ne pas  s'occuper de ce qui se passait au 
dehors; que c'étaient quelques mauvais sujets qu'il faisait châtier.  Ces paroles firent 
comprendre aux plus stupides  des Romains qu'ils n'étaient pas affranchis de la  
tyrannie, et qu'ils n'avaient fait que changer de  tyran. Marius lui-même, qui dès le 
commencement s'était montré dur et cruel, n'avait fait que  roidir son naturel; le 
pouvoir n'en avait pas  changé le fond. Au contraire Sylla, qui d'abord,  usant de sa 
fortune en citoyen modéré, avait fait  croire qu'on aurait en lui un chef favorable à la  
noblesse, et protecteur du peuple; qui même, dès  sa jeunesse, avait aimé la 
plaisanterie, et s'était  montré sensible à la pitié jusqu'à verser facilement des larmes, 
donna lieu, par ses cruautés,  de reprocher aux grandes fortunes qu'elles changent les 
moeurs des hommes, qu'elles les rendent  fiers, insolents et cruels. Mais est-ce un 
changement réel que la fortune produise dans le caractère, ou plutôt n'est-ce que le 
développement  qu'une grande autorité donne à la méchanceté  cachée au fond du 
coeur? C'est une question à traiter dans une autre sorte d'ouvrage. 
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