[3] Ταῦτα δὲ καὶ Κάτωνι τῷ νέῳ συνέβη. καὶ γὰρ οὗτος οὐ
πιθανὸν ἔσχεν οὐδὲ προσφιλὲς ὄχλῳ τὸ ἦθος, οὐδ' ἤνθησεν ἐν
τῇ πολιτείᾳ πρὸς (2) χάριν. ἀλλ' ὁ μὲν Κικέρων φησὶν αὐτὸν
ὥσπερ ἐν τῇ Πλάτωνος πολιτείᾳ καὶ οὐκ ἐν τῇ Ῥωμύλου
πολιτευόμενον ὑποστάθμῃ τῆς ὑπατείας ἐκπεσεῖν· ἐμοὶ δὲ
ταὐτὸ δοκεῖ παθεῖν τοῖς μὴ καθ' ὥραν ἐκφανεῖσι καρποῖς. (3) ὡς
γὰρ ἐκείνους ἡδέως ὁρῶντες καὶ θαυμάζοντες οὐ χρῶνται,
οὕτως ἡ Κάτωνος ἀρχαιοτροπία, διὰ χρόνων πολλῶν
ἐπιγενομένη βίοις διεφθορόσι καὶ πονηροῖς ἔθεσι, δόξαν μὲν
εἶχε μεγάλην καὶ κλέος, οὐκ ἐνήρμοσε δὲ ταῖς χρείαις διὰ βάρος
καὶ μέγεθος τῆς ἀρετῆς ἀσύμμετρον τοῖς καθεστῶσι (4) καιροῖς.
καὶ γὰρ αὐτὸς οὐ κεκλιμένης μὲν ἤδη τῆς πατρίδος, ὥσπερ ὁ
Φωκίων, πολὺν δὲ χειμῶνα καὶ σάλον ἐχούσης, ὅσον ἱστίων καὶ
κάλων ἐπιλαβέσθαι καὶ παραστῆναι τοῖς πλέον δυναμένοις
πολιτευσάμενος, οἰάκων δὲ καὶ κυβερνήσεως ἀπωσθείς, ὅμως
μέγαν ἀγῶνα τῇ τύχῃ περιέστησεν. εἷλε μὲν γὰρ καὶ
κατέβαλε τὴν πολιτείαν δι' ἄλλους, μόλις δὲ καὶ βραδέως καὶ
χρόνῳ πολλῷ καὶ παρὰ μικρὸν ἐλθοῦσαν περιγενέσθαι (6) διὰ
Κάτωνα καὶ τὴν Κάτωνος ἀρετήν. ᾗ παραβάλλομεν τὴν
Φωκίωνος (7) οὐ κατὰ κοινὰς ὁμοιότητας, ὡς ἀγαθῶν καὶ
πολιτικῶν ἀνδρῶν· ἔστι γὰρ ἀμέλει καὶ ἀνδρίας διαφορὰ πρὸς
ἀνδρίαν, ὡς τῆς Ἀλκιβιάδου πρὸς τὴν Ἐπαμεινώνδου, καὶ
φρονήσεως πρὸς φρόνησιν, ὡς τῆς Θεμιστοκλέους πρὸς τὴν
Ἀριστείδου, καὶ δικαιοσύνης πρὸς δικαιοσύνην, ὡς (8) τῆς Νομᾶ
πρὸς τὴν Ἀγησιλάου. τούτων δὲ τῶν ἀνδρῶν αἱ ἀρεταὶ μέχρι
τῶν τελευταίων καὶ ἀτόμων διαφορῶν ἕνα χαρακτῆρα καὶ
μορφὴν καὶ χρῶμα κοινὸν ἤθους ἐγκεκραμένον ἐκφέρουσιν,
ὥσπερ ἴσῳ μέτρῳ μεμειγμένου πρὸς τὸ αὐστηρὸν τοῦ
φιλανθρώπου, καὶ πρὸς τὸ ἀσφαλὲς τοῦ ἀνδρείου, καὶ τῆς ὑπὲρ
ἄλλων μὲν κηδεμονίας, ὑπὲρ αὐτῶν δ' ἀφοβίας, καὶ πρὸς μὲν τὸ
αἰσχρὸν εὐλαβείας, πρὸς δὲ τὸ δίκαιον εὐτονίας
συνηρμο(9)σμένης ὁμοίως· ὥστε λεπτοῦ πάνυ λόγου δεῖσθαι
καθάπερ ὀργάνου πρὸς διάκρισιν καὶ ἀνεύρεσιν τῶν
διαφερόντων.
| [3] IV.
Une extrême sévérité faisait le caractère de Caton le jeune : ses moeurs n'avaient rien de
cette douceur, de cette persuasion qui seule attache le peuple; et, faute de
condescendance, il n'eut aucun crédit dans la république. Cicéron dit de lui que pour
avoir voulu gouverner comme s'il eût vécu dans la république de Platon, et non dans
la lie du peuple de Romulus, il ne put obtenir le consulat. Il en fut de lui, ce me
semble, comme des fruits qui viennent hors de saison : on les voit avec plaisir, on les
admire, mais ils ne sont bons à rien. De même les moeurs antiques de Caton,
paraissant tout à coup dans Rome après une interruption de plusieurs siècles, au
milieu de la dépravation et de la perversité de son temps, lui acquirent d'abord
beaucoup de considération et de gloire; mais l'élévation et l'austérité de sa vertu ne se
trouvant pas en harmonie avec le ton de son siècle, elles furent inutiles à la
république. Lorsque Caton entra dans l'administration des affaires, sa patrie était,
non comme celle de Phocion, sur le penchant de sa ruine, mais seulement battue de
la tempête, et dans une agitation violente. Caton même ne se mêla qu'en second du
gouvernement; il ne fit que diriger les voiles et les cordages, pour aider ceux qui
avaient plus d'autorité que lui. Repoussé du gouvernail et de la conduite du
vaisseau, il eut néanmoins un long combat à soutenir contre la fortune. Elle finit par
renverser et détruire la république, mais par d'autres mains; encore ne fut-ce que
lentement, par de longs et pénibles efforts; et peu s'en fallut que Rome, soutenue par
Caton et par sa vertu, ne triomphât de la fortune. Au reste, quand nous comparons la
vertu de Caton avec celle de Phocion, ce n'est pas d'après ces ressemblances
communes, qui firent de l'un et de l'autre des hommes de bien et de sages politiques.
Il y a sans doute de la différence de valeur à valeur, comme de la valeur d'Alcibiade à
celle d'Épaminondas; il y en a de prudence à prudence : par exemple, de la prudence
de Thémistocle à celle d'Aristide de justice à justice, comme entre Numa et Agésilas.
Mais les vertus de Caton et de Phocion, jusque dans les plus légères et les plus
imperceptibles différences, ont un même caractère, une même forme, une même
couleur, profondément empreinte dans leurs moeurs; la douceur y est mêlée dans
une égale mesure avec l'austérité, la prévoyance avec la valeur, la vigilance pour les
autres avec l'intrépidité pour soi-même; la fuite des choses honteuses, et le zèle pour
la justice, y sont tellement unis ensemble, que le jugement le plus subtil, tel qu'un
instrument très fin, pourrait à peine les distinguer et y saisir la moindre différence.
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