| [9] Τὸ μὲν οὖν εὐτυχεῖν καὶ τοὺς φύσει μικροὺς 
συνεπικουφίζει τοῖς φρονήμασιν, ὥστε φαίνεσθαί τι μέγεθος 
περὶ αὐτοὺς καὶ ὄγκον, ἐκ πραγ(2)μάτων ὑπερεχόντων 
ἀποβλεπομένους· ὁ δ' ἀληθῶς μεγαλόφρων καὶ βέβαιος ἐν τοῖς 
σφάλμασι μᾶλλον καὶ ταῖς δυσημερίαις ἀναφέρων γίνεται 
κατάδηλος, ὥσπερ Εὐμενής. πρῶτον μὲν γὰρ ἐν Ὀρκυνίοις τῆς 
Καππαδοκίας ἡττηθεὶς ὑπ' Ἀντιγόνου διὰ προδοσίαν καὶ 
διωκόμενος, οὐ παρῆκε τὸν προδότην ἐκ τῆς φυγῆς διαπεσεῖν 
πρὸς τοὺς πολεμίους, (4) ἀλλὰ συλλαβὼν ἐκρέμασε. φεύγων δὲ 
τὴν ἐναντίαν ὁδὸν τοῖς διώκουσι μετέβαλε, καὶ λαθὼν 
παραλλάξας ὡς ἦλθεν ἐπὶ τὸν τόπον οὗ τὴν μάχην (5) συνέβη 
γενέσθαι, κατεστρατοπέδευσε, συναγαγὼν <δὲ> τοὺς νεκροὺς 
καὶ τῶν ἐν κύκλῳ κωμῶν τὰ θυρώματα κατασχίσας, ἔκαυσεν 
ἰδίᾳ μὲν ἡγεμόνας, ἰδίᾳ δὲ τοὺς πολλούς, καὶ πολυάνδρια 
χώσας ἀπῆλθεν, ὥστε καὶ τὸν Ἀντίγονον ὕστερον ἐπελθόντα 
θαυμάζειν τὸ θάρσος αὐτοῦ καὶ τὴν εὐστάθειαν.
(6) Ἔπειτα ταῖς ἀποσκευαῖς τοῦ Ἀντιγόνου περιπεσών, καὶ 
λαβεῖν ῥᾳδίως δυνάμενος πολλὰ μὲν ἐλεύθερα σώματα, 
πολλὴν δὲ θεραπείαν καὶ πλοῦτον, ἐκ πολέμων τοσούτων καὶ 
λεηλασιῶν ἠθροισμένον, ἔδεισε μὴ καταπλησθέντες ὠφελείας 
καὶ λαφύρων οἱ σὺν αὐτῷ βαρεῖς γένωνται πρὸς τὴν φυγὴν καὶ 
μαλακώτεροι τὰς πλάνας ὑπομένειν καὶ τὸν χρόνον, ἐν ᾧ 
μάλιστα τοῦ πολέμου τὰς ἐλπίδας εἶχεν, ὡς ἀποστρέψων τὸν 
Ἀντίγονον. (7) ἐπεὶ δ' ἄντικρυς χαλεπὸν ἦν ἀποτρέπειν 
Μακεδόνας χρημάτων ἐν ἐφικτῷ παρόντων, ἐκέλευσε 
θεραπεύσαντας αὑτοὺς καὶ τοῖς ἵπποις χιλὸν ἐμβα(8)λόντας, 
οὕτω βαδίζειν ἐπὶ τοὺς πολεμίους. αὐτὸς δὲ πέμπει κρύφα πρὸς 
τὸν ἐπὶ τῆς ἀποσκευῆς τῶν πολεμίων Μένανδρον, ὡς 
κηδόμενος αὐτοῦ φίλου γεγονότος καὶ συνήθους, φυλάξασθαι 
παραινῶν καὶ ἀναχωρῆσαι τὴν ταχίστην ἐκ τῶν ἐπιδρόμων καὶ 
ταπεινῶν πρὸς τὴν ἐγγὺς ὑπώρειαν, (9) ἄφιππον οὖσαν καὶ 
κυκλώσεις οὐκ ἔχουσαν. τοῦ δὲ Μενάνδρου ταχὺ 
συμφρονήσαντος τὸν κίνδυνον καὶ ἀνασκευασαμένου, 
κατασκόπους ἔπεμπεν ὁ Εὐμενὴς φανερῶς καὶ παρήγγειλε τοῖς 
στρατιώταις ὁπλίζεσθαι καὶ (10) τοὺς ἵππους ἐγχαλινοῦν, ὡς 
προσάξων τοῖς πολεμίοις. τῶν δὲ κατασκόπων ἀπαγγειλάντων, 
ὅτι παντάπασιν ὁ Μένανδρος ἄληπτος εἴη, καταπεφευγὼς εἰς 
τόπους χαλεπούς, ἄχθεσθαι προσποιούμενος ὁ Εὐμενὴς (11) 
ἀπῆγε τὴν στρατιάν. λέγεται δέ, τοῦ Μενάνδρου ταῦτα 
μαρτυρήσαντος πρὸς τὸν Ἀντίγονον, καὶ τῶν Μακεδόνων 
ἐπαινούντων τὸν Εὐμενῆ καὶ φιλανθρωπότερον διατεθέντων, 
ὅτι καὶ παῖδας αὐτῶν ἀνδραποδίσασθαι (12) καὶ γυναῖκας 
αἰσχῦναι παρόν, ἐφείσατο καὶ παρῆκεν, "ἀλλ' ἐκεῖνός γε" φάναι 
τὸν Ἀντίγονον "οὐχ ὑμῶν ὦ μακάριοι φειδόμενος παρῆκεν, ἀλλ' 
αὑτῷ φεύγοντι δεδιὼς περιθεῖναι πέδας τοσαύτας."
 | [9] XIII. La prospérité élève les âmes naturellement  faibles et petites, qui, vues 
de ce degré d'élévation  où la fortune les a placées, paraissaient avoir un  certain air 
de grandeur et de dignité ; mais l'homme  véritablement grand et ferme montre bien 
mieux  dans l'adversité la grandeur naturelle de son caractère, et tel parut Eumène. 
Trahi par un des  siens, battu et poursuivi par Antigonus, dans le  pays des Orciniens 
en Cappadoce, il ne donna pas  au traître le temps de fuir chez les ennemis; il le  fit 
arrêter et pendre sur-le-champ. Au milieu de sa fuite, il revint tout à coup sur ses pas, 
et, prenant un chemin opposé à celui des ennemis qui le  poursuivaient, il passa près 
d'eux sans être aperçu,  et arrivé sur le champ de bataille où il venait d'être  vaincu, il 
y campa, fit ramasser les corps de ceux  qui avaient péri dans le combat, construisit 
un  bûcher avec les portes des maisons de-tous les villages voisins, brûla séparément 
les corps des capitaines et ceux des soldats ; et après leur avoir élevé  des monceaux 
de terre pour tombeaux, il décampa.  Antigonus, qui revint bientôt après dans le 
même  endroit, ne pouvait assez admirer son audace et  sa fermeté. XIV. Ayant 
rencontré dans sa route les bagages  d'Antigonus, il lui était facile de faire prisonniers  
un très grand nombre d'hommes libres et d'esclaves, de s'emparer de toutes les 
richesses que  ce prince avait amassées dans tant de guerres et de  pillages; s'il n'eût 
pas craint que ses soldats, appesantis dans leur fuite par ce butin immense, n'eussent 
plus la force de soutenir des courses continuelles, ni la patience d'attendre que le 
temps, dont  il espérait le plus pour le succès de cette guerre  obligeât Antigonus de 
porter ailleurs ses pas. Mais  comme il était presque impossible d'empêcher les  
Macédoniens de se jeter sur une proie qu'ils avaient  sous la main, il leur ordonna de 
prendre leur repas,  de faire repaître leurs chevaux et de marcher ensuite  à l'ennemi. 
Cependant il fit dire secrètement à Ménandre, qui était chargé de la conduite du 
bagage,  qu'étant depuis longtemps son ami et lui voulant  toujours du bien, il 
l'avertissait de pourvoir à sa sûreté, de quitter au plus tôt la plaine, où il serait 
facilement enlevé, et de se retirer au pied de la montagne, qui n'était pas accessible à 
la cavalerie, où il  ne pourrait être enveloppé. Ménandre ayant senti  dans quel 
danger il était, gagna sur-le-champ la  montagne. Alors Eumène fit partir 
ouvertement  ses coureurs pour battre la plaine, et donna l'ordre de brider les 
chevaux, comme devant les mener  tout de suite à l'ennemi. Dans ce moment les 
coureurs étant venus rapporter que Ménandre avait  gagné des lieux très difficiles où 
il ne pouvait être  forcé, Eumène, affectant le plus grand chagrin, fit  continuer la 
marche. Lorsque Ménandre raconta ce  trait à Antigonus, tous les Macédoniens qui 
étaient  présents louèrent fort Eumène, et témoignèrent  de l'affection pour un 
général qui, pouvant réduire  leurs enfants à l'esclavage et déshonorer leurs femmes, 
les avait épargnés et avait favorisé leur fuite.  "Mes amis, leur dit Antigonus, ce n'est 
pas par intérêt pour nous qu'il les a traités ainsi ; c'est qu'il a craint de se donner des 
entraves qui pouvaient l'arrêter dans sa retraite." 
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