| [8] Ταύτην τὴν μάχην Εὐμενὴς ἡμέραις δέκα σχεδόν τι μετὰ 
τὴν προτέραν ἐνίκησε, καὶ δόξῃ μὲν ἤρθη μέγας ἀπ' αὐτῆς, ὡς 
τὰ μὲν σοφίᾳ τὰ δ' ἀνδρείᾳ κατειργασμένος, φθόνον δὲ πολὺν 
ἔσχε καὶ μῖσος ὁμαλῶς παρά τε τοῖς συμμάχοις καὶ τοῖς 
πολεμίοις, ὡς ἔπηλυς ἀνὴρ καὶ ξένος ὅπλοις καὶ χερσὶ ταῖς τῶν 
Μακεδόνων τὸν πρῶτον αὐτῶν καὶ (2) δοκιμώτατον ἀνῃρηκώς. 
ἀλλ' εἰ μὲν ἔφθη Περδίκκας πυθόμενος τὴν (3) Κρατεροῦ 
τελευτήν, οὐκ ἂν ἄλλος ἐπρώτευσε Μακεδόνων· νυνὶ δ' 
ἀνῃρημένου Περδίκκου κατὰ στάσιν ἐν Αἰγύπτῳ δυσὶν ἡμέραις 
πρότερον, ἧκεν οὗτος ὁ περὶ τῆς μάχης λόγος εἰς τὸ 
στρατόπεδον, καὶ πρὸς ὀργὴν (4) εὐθὺς οἱ Μακεδόνες θάνατον 
τοῦ Εὐμενοῦς κατέγνωσαν. ἀπεδείχθη δὲ τοῦ πολέμου τοῦ πρὸς 
αὐτὸν Ἀντίγονος μετ' Ἀντιπάτρου στρατηγός.
(5) Ἐπεὶ δ' Εὐμενὴς τοῖς βασιλικοῖς ἱπποφορβίοις περὶ τὴν 
Ἴδην νεμομένοις ἐπιτυχὼν καὶ λαβὼν ἵππους ὅσων ἔχρῃζε τοῖς 
ἐπιμεληταῖς τὴν γραφὴν ἔπεμψε, λέγεται γελάσαι τὸν 
Ἀντίπατρον καὶ εἰπεῖν, ὅτι θαυμάζει τὸν Εὐμενῆ τῆς προνοίας, 
ἐλπίζοντα λόγον αὐτοῖς ἀποδώσειν τῶν βασιλικῶν ἢ λήψεσθαι 
παρ' αὐτῶν.
(6) Περὶ δὲ τὰς Σάρδεις ἐβούλετο μὲν ἱπποκρατῶν ὁ 
Εὐμενὴς τοῖς Λυδῶν ἐναγωνίσασθαι πεδίοις, ἅμα καὶ τῇ 
Κλεοπάτρᾳ τὴν δύναμιν ἐπιδεῖξαι (7) φιλοτιμούμενος· αὐτῆς δ' 
ἐκείνης δεηθείσης (ἐφοβεῖτο γὰρ αἰτίαν τινὰ λαβεῖν ὑπὸ τῶν 
περὶ τὸν Ἀντίπατρον), ἐξήλασεν εἰς τὴν ἄνω Φρυγίαν καὶ (8) 
διεχείμαζεν ἐν Κελαιναῖς· ὅπου τῶν μὲν περὶ τὸν Ἀλκέταν καὶ 
Πολέμωνα καὶ Δόκιμον ὑπὲρ ἡγεμονίας διαφιλοτιμουμένων 
πρὸς αὐτόν, "τοῦτ' (9) ἦν" ἔφη "τὸ λεγόμενον, ὀλέθρου δ' οὐθεὶς 
λόγος"· τοῖς δὲ στρατιώταις ὑποσχόμενος ἐν τρισὶν ἡμέραις τὸν 
μισθὸν ἀποδώσειν, ἐπίπρασκεν αὐτοῖς τὰς κατὰ τὴν χώραν 
ἐπαύλεις καὶ τετραπυργίας, σωμάτων καὶ βοσκη(10)μάτων 
γεμούσας. ὁ δὲ πριάμενος ἡγεμὼν τάγματος ἢ ξεναγός, ὄργανα 
καὶ μηχανὰς τοῦ Εὐμενοῦς παρέχοντος, ἐξεπολιόρκει, καὶ πρὸς 
τὸν ὀφειλόμενον μισθὸν οἱ στρατιῶται διενέμοντο τῶν 
ἁλισκομένων ἕκαστον. ἐκ δὴ τούτου πάλιν ὁ Εὐμενὴς ἠγαπᾶτο, 
καί ποτε γραμμάτων ἐν τῷ στρατοπέδῳ φανέντων, ἃ διέρριψαν 
οἱ τῶν πολεμίων ἡγεμόνες, ἑκατὸν τάλαντα καὶ τιμὰς διδόντες 
τῷ κτείναντι τὸν Εὐμενῆ, σφόδρα παρωξύνθησαν οἱ 
Μακεδόνες, καὶ δόγμα ποιοῦνται χιλίους τῶν ἡγεμονικῶν περὶ 
αὐτὸν ἀεὶ δορυφοροῦντας εἶναι καὶ φυλάττειν ἐν περιόδῳ καὶ 
παρανυκτερεύειν. (12) οἱ δ' ἐπείθοντο καὶ τιμὰς ἠγάπων παρ' 
αὐτοῦ λαμβάνοντες ἃς οἱ φίλοι παρὰ τῶν βασιλέων· ἐξῆν γὰρ 
Εὐμενεῖ καὶ καυσίας ἁλουργεῖς καὶ χλαμύδας διανέμειν, ἥτις ἦν 
δωρεὰ βασιλικωτάτη παρὰ Μακεδόσι.
 | [8] Cette seconde bataille qu'Eumène gagna à dix jours  de la première, et dans laquelle 
il avait vaincu  l'un de ses ennemis par sa prudence, et l'autre par  son courage, 
accrut beaucoup sa réputation ; mais  elle alluma contre lui une haine et une envie 
extrêmes, et parmi ses alliés autant que parmi ses ennemis; ils voyaient tous avec la 
plus grande peine  qu'un étranger eût, avec les armes et les bras des  Macédoniens, 
défait et tué le premier et le plus célèbre de leurs capitaines. Si la nouvelle de la mort  
de Cratère fût parvenue plus tôt à Perdiccas, aucun  autre que lui n'eût régné sur les 
Macédoniens; mais  elle n'arriva à son armée que deux jours après que  Perdiccas eut 
été tué en Égypte dans une sédition. Les Macédoniens n'eurent pas plutôt appris la  
mort de Cratère, qu'ils prononcèrent contre Eumène une sentence de proscription, et 
qu'ils chargèrent Antigonos et Antipater de marcher contre lui. XII. Eumène ayant 
rencontré les haras du roi  qui passaient sur le mont Ida, prit les chevaux dont il 
avait besoin, et en envoya la décharge à  ceux qui en avaient l'intendance. Antipater 
l'ayant  appris : « J'admire, dit-il, en riant, la prévoyance d'Eumène, qui s'imagine 
qu'il nous rendra ou qu'il nous demandera compte des biens du roi. »  Eumène, dont 
la cavalerie faisait la principale force,  qui d'ailleurs avait l'ambition de faire voir à 
Cléopâtre toute sa puissance, voulait livrer bataille  auprès de Sardes, dans les 
plaines de la Lydie;  mais à la prière de cette princesse, qui craignait  qu'Antipater ne 
la soupçonnât d'intelligence avec  Eumène, il gagna la haute Phrygie, et hiverna  
dans la ville de Célénes, où Alcétas, Polémon et Docimus, lui ayant disputé le 
commandement de l'armée : « Voilà bien, dit Eumène,  ce qu'on dit communément : 
personne ne tient compte du danger de tout perdre. » Il avait  promis à ses 
soldats de les payer dans trois jours;  mais comme il manquait d'argent, il leur vendit  
les fermes et les châteaux du pays avec les troupeaux et les hommes, qui s'y 
trouvaient en grand  nombre. Les capitaines et les chefs des mercenaires  qui avaient 
fait ces acquisitions s'en emparaient  de force, avec les machines et les batteries 
qu'Eumène leur fournissait, et du butin qu'ils y faisaient,  ils acquittaient la paie de 
leurs soldats. Cette conduite rendit tellement à Eumène l'affection des  troupes, que 
les officiers des ennemis ayant jeté  dans le camp des billets par lesquels ils 
promettaient  cent talents et de grands honneurs à quiconque  tuerait Eumène, les 
Macédoniens, indignés, arrêtèrent sur-le-champ que mille de leurs principaux  
officiers feraient tour à tour auprès de lui les fonctions de gardes du corps; qu'ils 
seraient sans cesse  à ses côtés, et passeraient la nuit devant sa tente.  Tous les 
officiers s'y prêtèrent volontiers, et reçurent de lui avec plaisir les marques 
d'honneurs que  les rois de Macédoine donnaient à leurs amis; car  Eumène avait le 
droit de distribuer des chapeaux,  des manteaux de pourpre à la façon du pays; et ces  
sortes de présents passaient chez les Macédoniens  pour les plus honorables qu'un roi 
pût faire. 
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