[7] Ἀντέταξε δὲ Κρατερῷ Μακεδόνων μὲν οὐδένα, δύο δ'
ἱππαρχίας ξενικάς, ὧν Φαρνάβαζος ὁ Ἀρταβάζου καὶ Φοῖνιξ ὁ
Τενέδιος ἡγοῦντο, διακελευσάμενος ὀφθέντων τῶν πολεμίων
ἐλαύνειν κατὰ τάχος καὶ συμπλέκεσθαι, μὴ διδόντας
ἀναστροφὴν μηδὲ φωνὴν μηδὲ κήρυκα πεμπό(2)μενον
προσιεμένους. ἐδεδίει γὰρ ἰσχυρῶς τοὺς Μακεδόνας, μὴ
γνωρίσαν(3)τες τὸν Κρατερὸν οἴχωνται μεταβαλόμενοι πρὸς
ἐκεῖνον. αὐτὸς δὲ τοὺς ἐρρωμενεστάτους ἱππεῖς τριακοσίους εἰς
ἄγημα συντάξας καὶ παρε(4)λάσας ἐπὶ τὸ δεξιόν, ἔμελλε τοῖς
περὶ Νεοπτόλεμον ἐπιχειρεῖν. ὡς δὲ τὸν ἐν μέσῳ λόφον
ὑπερβαλόντες ὤφθησαν ὀξεῖαν καὶ μεθ' ὁρμῆς σφοδροτέρας
ποιούμενοι τὴν ἔφοδον, ἐκπλαγεὶς ὁ Κρατερὸς καὶ πολλὰ
λοιδορήσας τὸν Νεοπτόλεμον, ὡς ἐξηπατημένος ὑπ' αὐτοῦ περὶ
τῆς τῶν Μακεδόνων μεταβολῆς, ἐγκελευσάμενος ἀνδραγαθεῖν
τοῖς περὶ αὐτὸν ἡγεμό(5)σιν ἀντεξήλασε. γενομένης δὲ τῆς
πρώτης συρράξεως βαρείας καὶ τῶν δοράτων ταχὺ
συντριβέντων, τοῦ δ' ἀγῶνος ἐν τοῖς ξίφεσιν ὄντος, οὐ
καταισχύνας ὁ Κρατερὸς τὸν Ἀλέξανδρον, ἀλλὰ πολλοὺς μὲν
καταβαλών, πολλάκις δὲ τρεψάμενος τοὺς ἀντιτεταγμένους,
τέλος δὲ πληγεὶς ὑπὸ (6) Θρᾳκὸς ἐκ πλαγίων προσελάσαντος,
ἀπερρύη τοῦ ἵππου. πεσόντα δ' αὐτὸν οἱ μὲν ἄλλοι παρήλασαν
ἀγνοοῦντες, Γοργίας δ' <εἷς> τῶν Εὐμενοῦς στρατηγῶν ἔγνω τε
καὶ καταβὰς περιέστησε φρουρὰν τῷ σώματι κακῶς ἤδη
διακειμένου καὶ δυσθανατοῦντος.
(7) Ἐν τούτῳ δὲ καὶ Νεοπτόλεμος Εὐμενεῖ συνήρχετο.
μισοῦντες γὰρ ἀλλήλους πάλαι καὶ δι' ὀργῆς ἔχοντες, ἐν μὲν
δυσὶν ἀναστροφαῖς οὐ κατεῖδον, ἐν δὲ τῇ τρίτῃ γνωρίσαντες
εὐθὺς ἤλαυνον, σπασάμενοι τὰ ἐγχειρί(8)δια καὶ βοῶντες. τῶν
δ' ἵππων ἐξ ἐναντίας βίᾳ συμπεσόντων ὥσπερ τριήρων, τὰς
ἡνίας ἀφέντες ἀλλήλων ἐπεδράξαντο ταῖς χερσί, τά τε κράνη
(9) περισπῶντες καὶ περιρρηγνύντες ἐκ τῶν ἐπωμίδων τοὺς
θώρακας. πρὸς δὲ τὸν σπαραγμὸν ὑπεκδραμόντων ἅμα τῶν
ἵππων, ἀπορρυέντες εἰς γῆν (10) καὶ περιπεσόντες ἀλλήλοις, ἐν
λαβαῖς ἦσαν καὶ διεπάλαιον. εἶθ' ὁ μὲν Εὐμενὴς τοῦ
Νεοπτολέμου προεξανισταμένου τὴν ἰγνύαν ὑπέκοψεν, αὐτὸς
εἰς ὀρθὸν φθάσας καταστῆναι, ὁ δὲ Νεοπτόλεμος εἰς θάτερον
ἐρεισάμενος γόνυ, θάτερον δὲ πεπηρωμένος, ἠμύνετο μὲν
εὐρώστως κάτωθεν, οὐ θανασίμους δὲ πληγὰς ὑποφέρων,
πληγεὶς δὲ παρὰ τὸν τράχηλον, (11) ἔπεσε καὶ παρείθη. τοῦ δ'
Εὐμενοῦς δι' ὀργὴν καὶ μῖσος παλαιὸν τά θ' ὅπλα περισπῶντος
αὐτοῦ καὶ κακῶς λέγοντος, ἔτι τὸ ξίφος ἔχων ἔλαθεν (12) ὑπὸ
τὸν θώρακα τρώσας ᾗ παρέψαυσε τοῦ βουβῶνος ἀποβάς. ἡ δὲ
πληγὴ μᾶλλον ἐφόβησεν ἢ ἔβλαψε τὸν Εὐμενῆ, δι' ἀσθένειαν
ἀμυδρὰ γενομένη. σκυλεύσας δὲ τὸν νεκρόν, εἶχε μὲν χαλεπῶς,
ὑπὸ τραυμάτων μηροὺς καὶ βραχίονας διακεκομμένος, ὅμως δ'
ἀναβληθεὶς ἐπὶ τὸν ἵππον ἐδίωκε πρὸς (13) θάτερον κέρας, ὡς
ἔτι συνεστώτων τῶν πολεμίων. πυθόμενος δὲ τὴν Κρατεροῦ
τελευτὴν καὶ προσελάσας, ὡς εἶδεν ἐμπνέοντα καὶ συνιέντα,
καταβὰς ἀπεδάκρυσε, καὶ τὴν δεξιὰν ἐνέβαλε, καὶ πολλὰ μὲν
ἐλοιδόρησε τὸν Νεοπτόλεμον, πολλὰ δ' ἐκεῖνον μὲν ᾠκτίσατο
τῆς τύχης, αὑτὸν δὲ τῆς ἀνάγκης, δι' ἣν ἀνδρὶ φίλῳ καὶ συνήθει
ταῦτα πεισόμενος ἢ δράσων συνηνέχθη.
| [7] IX. Quand il rangea son armée en bataille, il ne mit aucun Macédonien en
face de Cratère; il lui opposa deux corps de cavalerie étrangère, commandés, l'un par
Pharnabaze, fils d'Artabaze, l'autre par Phénix de Ténédos, avec ordre de courir
à l'ennemi aussitôt qu'il serait à leur vue, et de le charger vivement, sans lui donner
le temps de se retirer, ni de parler, sans recevoir aucun des hérauts qu'il pourrait
envoyer; car ce qu'il craignait le plus, c'était que les Macédoniens, s'ils venaient à
reconnaître Cratère, ne passassent aussitôt dans son armée. Pour lui, avec l'élite de sa
cavalerie, qui formait un corps de trois cents hommes, il se plaça à l'aile droite, où il
devait combattre contre Néoptolème. Quand les soldats d'Eumène eurent passé une
colline qui séparait les deux armées, et qu'ils aperçurent les ennemis, ils fondirent
sur eux avec tant d'impétuosité, que Cratère, étonné, maudit mille fois Néoptolème,
qui lui avait donné la fausse espérance de la désertion des Macédoniens; il exhorta
néanmoins ses officiers à combattre avec courage, et chargea vigoureusement
l'ennemi. Le premier choc fut des plus rudes ; les lances volèrent bientôt en éclats, et
on en vint aux épées. Cratère, bien loin de déshonorer la mémoire d'Alexandre, fit
mordre la poussière à plusieurs ennemis, et renversa plus d'une fois tout ce qui lui
faisait résistance; enfin, blessé dans le flanc par un Thrace, il tomba de cheval. Les
ennemis passèrent près de lui sans le reconnaître; le seul Gorias, un des officiers
d'Eumène, le reconnut, et ayant mis pied à terre, il plaça une garde autour de lui,
comme il était prêt à rendre le dernier soupir. X. Néoptolème, de son côté, attaqua le
corps que commandait Eumène. L'ancienne haine dont ils étaient animés l'un contre
l'autre, et la colère qui les transportait dans l'action, les aveuglaient tellement qu'ils
firent deux attaques sans se rencontrer; ils se reconnurent à la troisième, et mettant
aussitôt l'épée à la main, ils fondirent l'un sur l'autre en jetant de grands cris. Leurs
chevaux, qui couraient avec impétuosité, se heurtèrent de front comme deux galères
qui vont à l'abordage; alors, abandonnant la bride, ils se saisissent des mains,
s'efforcent de s'arracher les casques et de rompre les courroies de leurs cuirasses.
Pendant qu'ils sont ainsi aux prises l'un contre l'autre, les chevaux s'échappent, et ils
tombent tous deux à terre, mais, au lieu de se lâcher mutuellement, ils continuent à
lutter avec la même force. Néoptolème s'étant relevé le premier, Eumène lui coupe
le jarret, et se relève aussitôt lui-même. Son ennemi ne pouvant se soutenir sur sa
jambe blessée, et forcé de mettre un genou en terre, se défendait néanmoins d'en bas
avec beaucoup de courage, mais il ne pouvait porter aucun coup mortel; blessé enfin
à la gorge, il tombe étendu par terre. Emmène, aveuglé par sa colère et par sa haine
invétérée, lui arrache ses armes et l'accable d'injures, sans s'apercevoir que
Néoptolème tenait encore son épée : il l'en frappe dans l'aine, au défaut de la
cuirasse; mais le coup, porté par une main défaillante, fit à Eumène plus de peur
que de mal. XI. Eumène, après l'avoir dépouillé de ses armes, sentit lui-même les
douleurs dé ses blessures, car il avait les cuisses et les bras percés de coups :
cependant il remonte à cheval, et court à l'aile droite, où il croyait que les ennemis
tenaient encore ferme. Là, ayant appris que Cratère avait été tué, il court à lui à
toute bride, il le trouve respirant encore, et n'ayant pas perdu toute connaissance; il
met pied à terre, et, fondant en larmes, lui tend la main, déplore son infortune,
maudit Néoptolème, et gémit sur la nécessité où on l'a réduit de combattre contre
son compagnon et son ami, et de lui porter ou de recevoir de lui un coup funeste.
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