[6] Οἱ μὲν οὖν περὶ τὸν Ἀντίπατρον πυθόμενοι ταῦτα κατὰ
σχολὴν ἐβουλεύοντο περὶ τῶν ὅλων· ὁ Νεοπτόλεμος δὲ μετὰ
τὴν φυγὴν ἀφικόμενος πρὸς αὐτούς, τήν τε μάχην ἀπήγγελλε
καὶ παρεκάλει βοηθεῖν, (2) μάλιστα μὲν ἀμφοτέρους, πάντως δὲ
Κρατερόν· ποθεῖσθαι γὰρ ὑπερφυῶς ἐκεῖνον ὑπὸ τῶν
Μακεδόνων, κἂν μόνον ἴδωσι τὴν καυσίαν αὐτοῦ (3) καὶ τὴν
φωνὴν ἀκούσωσι, μετὰ τῶν ὅπλων ἥξειν φερομένους. καὶ γὰρ
ἦν ὄντως ὄνομα τοῦ Κρατεροῦ μέγα, καὶ μετὰ τὴν Ἀλεξάνδρου
τελευτὴν τοῦτον ἐπόθησαν οἱ πολλοί, μνημονεύοντες ὅτι καὶ
πρὸς Ἀλέξανδρον ὑπὲρ αὐτῶν ἀνεδέξατο πολλάκις ἀπεχθείας
πολλάς, ὑποφερομένου πρὸς τὸν Περσικὸν ζῆλον
ἀντιλαμβανόμενος καὶ τοῖς πατρίοις ἐμμένων, διὰ (4) τρυφὴν
καὶ ὄγκον ἤδη περιυβριζομένοις. τότε δ' οὖν ὁ Κρατερὸς τὸν μὲν
Ἀντίπατρον εἰς Κιλικίαν ἀπέστελλεν, αὐτὸς δὲ τῆς δυνάμεως
ἀναλαβὼν πολὺ μέρος ἐπὶ τὸν Εὐμενῆ μετὰ τοῦ Νεοπτολέμου
προῆγεν, οἰόμενος οὐ προσδεχομένῳ καὶ μετὰ πρόσφατον
νίκην ἐν ἀταξίᾳ καὶ περὶ πότους ἔχοντι τὴν δύναμιν
ἐπιπεσεῖσθαι.
(5) Τὸ μὲν οὖν προαισθέσθαι τὴν ἔφοδον αὐτοῦ τὸν Εὐμενῆ
καὶ προπαρασκευάσασθαι νηφούσης ἄν τις ἡγεμονίας, οὐ μὴν
ἄκρας θείη δεινότητος· (6) τὸ δὲ μὴ μόνον τοὺς πολεμίους ἃ μὴ
καλῶς εἶχεν αἰσθέσθαι διαφυγεῖν, ἀλλὰ καὶ τοὺς μετ' αὐτοῦ
στρατευομένους ἀγνοοῦντας ᾧ μαχοῦνται προενσεῖσαι τῷ
Κρατερῷ, καὶ ἀποκρύψαι τὸν ἀντιστράτηγον, ἴδιον (7) δοκεῖ
τούτου τοῦ ἡγεμόνος ἔργον γενέσθαι. διέδωκε μὲν οὖν λόγον
ὡς Νεοπτόλεμος αὖθις ἐπίοι καὶ Πίγρης, ἔχοντες ἱππεῖς (καὶ)
Καππαδοκῶν (8) καὶ Παφλαγόνων. νυκτὸς δ' ἀναζεῦξαι
βουλόμενος, εἶτα καταδαρθών, ὄψιν εἶδεν ἀλλόκοτον. ἐδόκει
γὰρ ὁρᾶν Ἀλεξάνδρους δύο παρασκευαζο(9)μένους ἀλλήλοις
μάχεσθαι, μιᾶς ἑκάτερον ἡγούμενον φάλαγγος· εἶτα τῷ μὲν
τὴν Ἀθηνᾶν, τῷ δὲ τὴν Δήμητραν βοηθοῦσαν ἐλθεῖν,
γενομένου δ' ἀγῶνος ἰσχυροῦ κρατηθῆναι τὸν μετὰ τῆς
Ἀθηνᾶς, τῷ δὲ νικῶντι στα(10)χύων δρεπομένην τὴν Δήμητραν
συμπλέκειν στέφανον. αὐτόθεν μὲν οὖν τὴν ὄψιν εἴκαζεν εἶναι
πρὸς αὑτοῦ, μαχομένου περὶ γῆς ἀρίστης καὶ τότε πολὺν καὶ
καλὸν ἐχούσης ἐν κάλυκι στάχυν· ἅπασα γὰρ κατέσπαρτο καὶ
παρεῖχεν εἰρήνῃ πρέπουσαν ὄψιν, ἀμφιλαφῶς τῶν πεδίων
κομώντων· μᾶλλον δ' ἐπερρώσθη πυθόμενος σύνθημα τοῖς
πολεμίοις Ἀθηνᾶν καὶ (11) Ἀλέξανδρον εἶναι. Δήμητραν δὴ καὶ
αὐτὸς ἐδίδου σύνθημα καὶ Ἀλέξανδρον, ἀναδεῖσθαί τε πάντας
ἐκέλευε καὶ καταστέφειν τὰ ὅπλα, τῶν (12) σταχύων
λαμβάνοντας. ὁρμήσας δὲ πολλάκις ἐξαγορεῦσαι καὶ φράσαι
τοῖς περὶ αὑτὸν ἡγεμόσι καὶ στρατηγοῖς, πρὸς ὃν ἔμελλεν ὁ
ἀγὼν ἔσεσθαι, καὶ μὴ μόνος ἐν αὑτῷ θέμενος ἀποκρύψαι καὶ
κατασχεῖν ἀπόρρητον οὕτως ἀναγκαῖον, ὅμως ἐνέμεινε τοῖς
λογισμοῖς καὶ διεπίστευσε τῇ γνώμῃ τὸν κίνδυνον.
| [6] D'après cette réponse, Antipater et Cratère délibéraient à loisir sur le parti
qu'ils devaient prendre dans une affaire si importante, lorsqu'ils virent arriver
Néoptolème qui venait leur apprendre sa défaite, et les presser l'un et l'autre de le
secourir. Il s'adressa surtout à Cratère : « Les Macédoniens, lui dit-il, désirent
vivement de vous avoir pour chef; ils n'auront pas plutôt vu votre chapeau à la
macédonienne, et entendu votre voix, qu'ils iront se rendre à vous avec leurs armes. »
Il est vrai que Cratère jouissait d'une si grande réputation parmi les Macédoniens,
qu'après la mort d'Alexandre ils l'avaient la plupart désiré pour roi, se souvenant
que son affection pour eux lui avait fait encourir plus d'une fois la disgrâce de ce
prince. Lorsque Alexandre affectait les manières des Perses, Cratère cherchait à l'en
éloigner, et défendait les coutumes de son pays, que le roi commençait à dédaigner,
pour se livrer au faste et à l'orgueil des Barbares. Cratère envoya donc Antipater en
Cilicie, et prenant lui-même la plus grande partie de l'armée, il marcha avec
Néoptolème contre Eumène, persuadé que, n'étant pas attendu, il écraserait
aisément ses troupes, qui, dans la joie d'une victoire récente, devaient être en
désordre, et ne songer qu'à faire bonne chère. VIII. Qu'Eumène eût prévu de bonne
heure l'arrivée de Cratère, et qu'il se fût préparé à le bien recevoir, c'est le fait d'un
général vigilant et sage, et non la preuve d'une extrême habileté; mais d'avoir su
dérober à ses ennemis la connaissance de tout ce qu'il lui importait de leur laisser
ignorer, d'avoir tu à ses troupes le nom du général qu'elles avaient en tête, et de leur
avoir fait attaquer Cratère sans qu'elles sussent qui elles allaient combattre; c'est, à
mon avis, le chef-d'oeuvre d'un grand capitaine. Il fit donc courir le bruit que
c'étaient Néoptolème et Pigrès qui revenaient à la tête d'une troupe de cavaliers de
Cappadoce et de Paphlagonie. Il avait résolu de décamper la nuit; mais il fut surpris
par le sommeil, et eut une vision fort singulière : il crut voir deux Alexandre prêts à
combattre l'un contre l'autre, chacun à la tête de sa phalange; Minerve vint au
secours de l'un, et Cérès à la défense de l'autre; après un combat sanglant, le protégé
de Minerve fut vaincu, et Cérès fit une couronne d'épis, qu'elle mit sur la tête du
vainqueur. Eumène ne douta point que ce songe ne lui fût favorable, parce qu'il
combattait pour un pays excellent, déjà tout couvert d'épis; car cette terre était tout
ensemencée, et offrait le spectacle d'une campagne qui, après une longue paix, est
couronnée de riches moissons. Sa confiance s'accrut encore lorsqu'il sut que le mot de
la bataille était, pour les ennemis, Minerve et Alexandre : il donna à ses troupes celui
de Cérès et Alexandre, et commanda à tous ses soldats de mettre sur leurs têtes des
couronnes d'épis, et d'en entourer leurs armes. Il fut plusieurs fois sur le point de
déclarer à ses capitaines et à ses officiers à quel général ils avaient affaire, n'osant
prendre sur lui de garder seul un secret qu'il était peut-être nécessaire de leur
révéler; mais enfin il s'en tint à sa première résolution, et ne confia ce danger qu'à sa
pensée.
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