[17] Παυσαμένης δὲ τῆς μάχης εὐθὺς οἱ περὶ τὸν Τεύταμον
ἐπρεσβεύοντο (2) περὶ τῆς ἀποσκευῆς. Ἀντιγόνου δὲ καὶ ταύτην
ἀποδώσειν ὑπισχνουμένου τοῖς ἀργυράσπισι, καὶ τἆλλα
χρήσεσθαι φιλανθρώπως, εἰ παραλάβοι τὸν Εὐμενῆ, βούλευμα
δεινὸν οἱ ἀργυράσπιδες ἐβουλεύσαντο, ἐγχειρίσαι ζῶντα (3)
τοῖς πολεμίοις τὸν ἄνδρα. καὶ πρῶτον μὲν ἀνυπόπτως
προσεπέλαζον αὐτῷ καὶ παρεφύλαττον, οἱ μὲν ἀποδυρόμενοι
περὶ τῆς ἀποσκευῆς, οἱ δὲ θαρρεῖν ὡς νενικηκότα κελεύοντες, οἱ
δὲ τῶν ἄλλων ἡγεμόνων κατηγοροῦντες. (4) ἔπειτα
προσπεσόντες ἐξήρπασαν τὸ ἐγχειρίδιον αὐτοῦ καὶ τῇ ζώνῃ τὰς
(5) χεῖρας ἀποστρέψαντες ἔδησαν. ἐπεὶ δ' ὑπ' Ἀντιγόνου
Νικάνωρ ἐπέμφθη παραληψόμενος αὐτόν, ἐδεῖτο λόγου τυχεῖν
ἀγόμενος διὰ τῶν Μακεδόνων, οὐκ εἰς δέησιν ἢ παραίτησιν,
ἀλλ' ὡς περὶ τῶν ἐκείνοις συμφερόντων διαλεξόμενος.
γενομένης δὲ σιωπῆς, ἐν ὑψηλῷ τινι καταστὰς καὶ τὰς χεῖρας
δεδεμένας προτείνας, "ποῖον" εἶπεν "ὦ κάκιστοι Μακεδόνων
τρόπαιον Ἀντίγονος ἐθελήσας <ἂν> ἀνέστησε καθ' ὑμῶν, οἷον
ὑμεῖς καθ' αὑτῶν (7) ἀνίστατε, τὸν στρατηγὸν αἰχμάλωτον
ἐκδιδόντες; οὐκ ἄρα δεινὸν ἦν κρατοῦντας ὑμᾶς ἧτταν
ἐξομολογεῖσθαι διὰ τὰς ἀποσκευάς, ὡς ἐν τοῖς χρήμασιν, οὐκ
ἐν τοῖς ὅπλοις τοῦ κρατεῖν ὄντος, ἀλλὰ καὶ τὸν ἡγεμόνα
πέμπετε λύτρον τῆς ἀποσκευῆς; ἐγὼ μὲν οὖν ἀήττητος
ἄγομαι, νικῶν τοὺς πολεμίους, ὑπὸ τῶν συμμάχων
ἀπολλύμενος· ὑμεῖς δέ, πρὸς Διὸς στρα(9)τίου καὶ θεῶν ὁρκίων,
ἐνταῦθά με δι' αὑτῶν κτείνατε. πάντως κἀκεῖ κτεινόμενος
ὑμέτερον ἔργον εἰμί· μέμψεται δ' οὐδὲν Ἀντίγονος· νεκροῦ (10)
γὰρ Εὐμενοῦς δεῖται καὶ οὐ ζῶντος. εἰ δὲ φείδεσθε τῶν χειρῶν,
ἀρκέσει τῶν ἐμῶν ἡ ἑτέρα λυθεῖσα πρᾶξαι τὸ ἔργον. εἰ δ' οὐ
πιστεύετέ μοι ξίφος, (11) ὑπορρίψατε τοῖς θηρίοις δεδεμένον.
καὶ ταῦτα πράξαντας ὑμᾶς ἀφίημι τῆς ἐπ' ἐμοὶ δίκης, ὡς
ἄνδρας ὁσιωτάτους καὶ δικαιοτάτους περὶ τὸν αὑτῶν
στρατηγὸν γενομένους."
| [17] XXIV. Le combat fut à peine fini, que Teutame députa vers Antigonus pour réclamer
les bagages. Le roi promit de les rendre aux Argyraspides, et de leur donner même
en toute autre chose des marques de bonté, s'ils voulaient lui remettre Eumène entre
les mains. Sur cette réponse, ils prennent l'infâme résolution de le livrer vivant à ses
ennemis. D'abord ils s'approchent de sa personne, de manière à ne lui donner aucun
soupçon, et comme pour le garder à leur ordinaire : les uns déplorent la perte de
leur bagage; les autres exhortent Eumène à reprendre confiance, puisqu'il a remporté
la victoire; ceux-ci rejettent sur les autres capitaines l'échec qu'a reçu une partie de
l'armée. Mais tout à coup, au milieu de ces propos, ils se jettent sur lui, saisissent son
épée, et avec sa ceinture ils lui lient les mains derrière le dos. Antigonus avait
envoyé Nicanor pour le prendre; et, comme on le menait à travers la phalange
macédonienne, il demanda la permission de parler aux soldats, non pour leur faire
quelque prière ou pour les détourner de leur dessein, mais pour leur dire des choses
qui les intéressaient. Il se fit un grand silence. Eumène monta sur un lieu élevé, et
étendant ses mains liées : « Oh! les plus méchants des Macédoniens, leur dit-il,
quel aussi grand trophée Antigonus eût-il jamais pu dresser à sa gloire, que celui
que vous élevez vous-mêmes à votre honte en lui livrant votre générat, chargé de
chaînes? N'est-ce pas déjà une assez grande lâcheté, qu'après avoir remporté la
victoire, vous vous soyez avoués vaincus pour retirer des bagages, comme si la
victoire consistait dans les richesses et non pas dans les armes? faut-il encore que
pour la rançon de ces bagages vous livriez votre général? Pour moi, je suis emmené
captif, mais je n'ai pas été vaincu; j'ai même triomphé de mes ennemis, et je ne suis
trahi que par mes alliés. Je vous en conjure, au nom de Jupiter, le dieu des armées,
au nom des dieux qui président aux serments, tuez-moi ici de vos propres mains;
pour périr de celle d'Antigonus, ma mort n'en sera pas moins votre ouvrage.
Antigonus ne vous le reprochera pas, il ne veut avoir Eumène que mort, et non pas
vivant. Si vous n'osez porter vos mains sur moi, déliez une des miennes, elle me
suffira pour ce ministère. Craignez-vous de me confier une épée, jetez-moi aux bêtes
ainsi lié; si vous m'accordez ce bienfait, je vous absous des peines que vous pouvez
craindre de la vengeance céleste, et je vous déclare les plus pieux et les plus
justes des hommes envers votre général".
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