[16] Ἐν τούτῳ δὲ τῆς δυνάμεως περὶ τὸν Εὐμενῆ τὸ πλεῖστον
ἠθροισμένον ἐθαύμαζε τὴν σύνεσιν αὐτοῦ, καὶ μόνον
ἐκέλευεν ἄρχειν· ἐφ' ᾧ λυπούμενοι καὶ φθονοῦντες οἱ τῶν
ἀργυρασπίδων ἡγεμόνες, Ἀντιγένης καὶ Τεύταμος,
ἐπεβούλευον αὐτῷ, καὶ τοὺς πλείστους τῶν τε σατραπῶν καὶ
τῶν στρατηγῶν συναγαγόντες ἐβουλεύοντο, πότε χρὴ καὶ πῶς
τὸν Εὐμενῆ δια(3)φθεῖραι. συνδόξαν δὲ πᾶσιν ἀποχρήσασθαι
πρὸς τὴν μάχην αὐτῷ, μετὰ δὲ τὴν μάχην εὐθὺς ἀνελεῖν,
Εὔδαμος ὁ τῶν ἐλεφάντων ἡγεμὼν καὶ Φαίδιμος ἐξαγγέλλουσι
κρύφα τῷ Εὐμενεῖ τὰ δεδογμένα, δι' εὔνοιαν μὲν οὐδεμίαν ἢ
χάριν, εὐλαβούμενοι δὲ μὴ τῶν χρημάτων ἃ δεδανείκεσαν αὐτῷ
στερηθῶσιν. Εὐμενὴς δὲ τούτους μὲν ἐπῄνεσεν, εἰς δὲ τὴν
σκηνὴν ἀπελθών, καὶ πρὸς τοὺς φίλους εἰπὼν ὡς ἐν πανηγύρει
θηρίων ἀναστρέφοιτο, διαθήκας ἔγραψε καὶ τὰ γραμματεῖα
κατέσχισε καὶ διέφθειρεν, οὐ βουλόμενος αὐτοῦ τελευτήσαντος
ἐκ τῶν ἀπορρήτων αἰτίας καὶ συκοφαντήματα τοῖς γρά(5)ψασι
γενέσθαι. ταῦτα διοικησάμενος, ἐβουλεύετο τὴν νίκην παρεῖναι
τοῖς ἐναντίοις, ἢ φυγὼν διὰ Μηδίας καὶ Ἀρμενίας ἐμβαλεῖν εἰς
Καππαδοκίαν. (6) οὐδὲν δὲ κυρώσας τῶν φίλων παρόντων, ἀλλ'
ἐπὶ πολλὰ τῇ γνώμῃ πολυτρόπῳ παρὰ τὰς τύχας οὔσῃ κινήσας
αὑτόν, ἐξέταττε τὴν δύναμιν, τοὺς μὲν Ἕλληνας καὶ τοὺς
βαρβάρους παρορμῶν, ὑπὸ δὲ τῆς φάλαγγος καὶ τῶν
ἀργυρασπίδων αὐτὸς παρακαλούμενος θαρρεῖν, ὡς οὐ
δεξομένων (7) τῶν πολεμίων. καὶ γὰρ ἦσαν οἱ πρεσβύτατοι τῶν
περὶ Φίλιππον καὶ Ἀλέξανδρον, ὥσπερ ἀθληταὶ πολέμων
ἀήττητοι καὶ ἀπτῶτες εἰς ἐκεῖνο χρόνου, πολλοὶ μὲν
ἑβδομήκοντ' ἔτη γεγονότες, νεώτερος δ' οὐδεὶς
ἑξηκοντα(8)ετοῦς. διὸ καὶ τοῖς περὶ τὸν Ἀντίγονον ἐπιόντες
ἐβόων· "ἐπὶ τοὺς πατέρας ἁμαρτάνετ' ὦ κακαὶ κεφαλαί", καὶ
μετ' ὀργῆς ἐμπεσόντες ὅλην ὁμοῦ τὴν φάλαγγα συνέτριψαν,
οὐδενὸς ὑποστάντος αὐτούς, τῶν δὲ πλείστων ἐν (9) χερσὶ
διαφθαρέντων. ταύτῃ μὲν οὖν ὁ Ἀντίγονος ἡττᾶτο κατὰ κράτος,
τοῖς δ' ἱππεῦσιν ἐπεκράτει, τοῦ (δὲ) Πευκέστου παντάπασιν
ἐκλελυμένως καὶ ἀγεννῶς ἀγωνισαμένου, καὶ τὴν ἀποσκευὴν
ἔλαβε πᾶσαν, αὑτῷ τε (10) νήφοντι χρησάμενος παρὰ τὰ δεινὰ
καὶ τοῦ τόπου συνεργοῦντος. ἀχανὲς γὰρ ἦν τὸ πεδίον, οὔτε
βαθύγεων οὔτ' ἀπόκροτον καὶ στερεόν, ἀλλὰ θινῶδες καὶ
μεστὸν ἁλμυρίδος αὐχμηρᾶς, ἣ τοσούτων μὲν ἵππων τοσούτων
δ' ἀνθρώπων ξαινομένη δρόμοις ὑπὸ τὸν τῆς μάχης καιρόν,
ἐξήνθει κόνιν ὥσπερ ἄσβεστον, ἀπολευκαίνουσαν τὸν ἀέρα καὶ
τὰς ὄψεις διαθολοῦσαν. (11) ᾗ καὶ ῥᾷον λαθὼν ὁ Ἀντίγονος τῆς
ἀποσκευῆς τῶν πολεμίων ἐκράτησε.
| [16] La plus grande partie des troupes d'Eumène, s'étant rassemblées auprès
de leur chef, admirèrent sa rare prudence, et voulaient qu'il commandât seul l'armée.
Ce témoignage, si honorable pour lui, irrita singulièrement les deux capitaines des
Argyraspides, Antigènes et Teutame, et ils en conçurent une telle jalousie, qu'ils
formèrent le projet de le faire périr; ils attirèrent dans leur complot le plus grand
nombre des satrapes et des officiers, et délibérèrent ensemble sur les moyens et sur
le temps de l'exécuter. Ils convinrent tous qu'il fallait se servir de lui pour cette
bataille, et le tuer aussitôt après. Mais Phédime et Eudamus, qui commandaient les
éléphants, découvrirent secrètement à Eumène cette conjuration, non par un
sentiment d'affection et de reconnaissance, mais par la seule crainte de perdre
l'argent qu'ils lui avaient prêté. Eumène loua leur fidélité, et s'étant retiré dans sa
tente, il dit à ses amis qu'il était au milieu d'une troupe de bêtes féroces. Aussitôt il
fit son testament, déchira ou brûla toutes les lettres qu'il avait reçues, de peur
qu'après sa mort ceux qui lui avaient confié leur secret ne fussent exposés à des
accusations et à des calomnies. XXIII. Lorsqu'il eut mis ordre à ses affaires, il
délibéra s'il abandonnerait la victoire aux ennemis, ou s'il irait, à travers la Médie et
l'Arménie, se réfugier dans la Cappadoce. Il ne s'arrêta, en présence de ses amis, à
aucun de ces deux partis; et après avoir roulé dans son esprit des projets contraires
que sa situation critique lui suggérait, il finit par ranger son armée en bataille, et
exhorta les Grecs et les Barbares à se bien conduire : pour les phalanges des
Argyraspides, elles étaient les premières à l'encourager lui-même, et à l'assurer que
les ennemis ne les attendraient pas. C'étaient les plus vieux des soldats qui avaient
servi sous Philippe et sous Alexandre; tels que des athlètes invincibles, ils n'avaient
jamais éprouvé aucun échec : ils étaient la plupart âgés de soixante-dix ans, et les
moins vieux n'en avaient pas moins de soixante. Aussi en chargeant les troupes
d'Antigonus, ils leur criaient : "Scélérats, c'est contre vos pères que vous combattez".
Ils tombèrent sur eux avec furie, enfoncèrent tous ces bataillons, dont un seul ne put
soutenir leur choc, et en taillèrent en pièces la plus grande partie. Le corps d'armée
où se trouvait Antigonus fut complètement battu; mais sa cavalerie remporta la
victoire sur Peucestas, qui se conduisit indignement et combattit avec la plus grande
mollesse ; il laissa tout le bagage au pouvoir d'Antigonus, qui avait toujours
conservé son sang-froid au milieu des plus grands périls, et qui d'ailleurs avait été
favorisé par la nature du lieu. C'était une vaste plaine dont le terrain n'était ni trop
ferme ni trop mou, mais couvert d'un sable fin et sec, qui, remué par les courses de
tant de milliers d'hommes et de chevaux, éleva, au moment du combat, une
poussière blanche comme de la chaux, qui, en épaississant l'air, obscurcissait la vue,
et dont Antigonus profita pour enlever, sans être aperçu, le bagage des ennemis.
|