[13] Φεύγοντι δ' Εὐμενεῖ γράμματα κομίζεται παρὰ τῶν ἐν
Μακεδονίᾳ τὴν Ἀντιγόνου δεδοικότων αὔξησιν, Ὀλυμπιάδος
μὲν παρακαλούσης ἐλθόντα τὸ Ἀλεξάνδρου παιδίον
παραλαβεῖν καὶ τρέφειν ὡς ἐπιβουλευόμενον, (2)
Πολυπέρχοντος δὲ καὶ Φιλίππου τοῦ βασιλέως κελευόντων
Ἀντιγόνῳ πολεμεῖν, τῆς ἐν Καππαδοκίᾳ δυνάμεως ἄρχοντα,
καὶ τῶν ἐν Κουΐνδοις χρημάτων πεντακόσια μὲν τάλαντα
λαβεῖν εἰς τὴν τῶν ἰδίων ἐπανόρθωσιν, (3) εἰς δὲ τὸν πόλεμον
ὁπόσοις βούλεται χρῆσθαι. περὶ δὲ τούτων καὶ Ἀντιγένει καὶ
Τευτάμῳ τοῖς τῶν ἀργυρασπίδων ἡγουμένοις ἐγεγράφεισαν. (4)
ἐπεὶ δὲ λαβόντες ἐκεῖνοι τὰ γράμματα τῷ μὲν λόγῳ
φιλανθρώπως ἐδέξαντο τὸν Εὐμενῆ, φθόνου δὲ καὶ φιλονικίας
ἐφαίνοντο μεστοί, δευτερεύειν ἀπαξιοῦντες ἐκείνῳ, τὸν μὲν
φθόνον ὁ Εὐμενὴς ἐθεράπευε τῷ τὰ χρήματα μὴ λαβεῖν, ὡς
οὐδὲν δεόμενος, ταῖς δὲ φιλονικίαις καὶ φιλαρχίαις αὐτῶν, μήθ'
ἡγεῖσθαι δυναμένων μήθ' ἕπεσθαι βουλομένων, ἐπῆγε
δεισιδαιμονίαν. (5) ἔφη γὰρ Ἀλέξανδρον αὐτῷ κατὰ τοὺς
ὕπνους φανῆναι καὶ δεῖξαί τινα σκη(6) νὴν κατεσκευασμένην
βασιλικῶς καὶ θρόνον ἐν αὐτῇ κείμενον, εἶτ' εἰπεῖν ὡς ἐνταῦθα
συνεδρεύουσιν αὐτοῖς καὶ χρηματίζουσιν αὐτὸς παρέσται καὶ
(7) συνεφάψεται βουλῆς τε πάσης καὶ πράξεως ἀρχομένοις ἀπ'
αὐτοῦ. ταῦτα ῥᾳδίως ἔπεισε τὸν Ἀντιγένη καὶ τὸν Τεύταμον,
οὔτ' ἐκείνων βαδίζειν βου(8)λομένων πρὸς αὐτόν, οὔτ' αὐτὸς
ἀξιῶν ἐπὶ θύραις ἑτέρων ὁρᾶσθαι. καὶ τιθέντες οὕτω σκηνὴν
βασιλικὴν καὶ θρόνον Ἀλεξάνδρῳ καταπεφημισμένον, ἐκεῖ
συνεπορεύοντο βουλευόμενοι περὶ τῶν μεγίστων.
(9) Ἐπεὶ δὲ προϊοῦσιν αὐτοῖς εἰς τὴν ἄνω χώραν ὁ
Πευκέστας μετὰ τῶν ἄλλων σατραπῶν ἀπήντησε φίλος ὢν καὶ
συνεμείξαντο τὰς δυνάμεις, πλήθει μὲν ὅπλων καὶ λαμπρότητι
παρασκευῆς ἐπέρρωσαν τοὺς Μακεδόνας, (10) αὐτοὶ δ'
ἀνάγωγοι ταῖς ἐξουσίαις καὶ μαλακοὶ ταῖς διαίταις γεγονότες
μετὰ τὴν Ἀλεξάνδρου τελευτήν, καὶ φρονήματα τυραννικὰ καὶ
τεθρυμμένα βαρβαρικαῖς ἀλαζονείαις ἐπὶ ταὐτὸ
συνενεγκάμενοι, πρὸς μὲν ἀλλή(11)λους βαρεῖς ἦσαν καὶ
δυσάρμοστοι, τοὺς δὲ Μακεδόνας κολακεύοντες ἐκκεχυμένως
καὶ καταχορηγοῦντες εἰς δεῖπνα καὶ θυσίας, ὀλίγου χρόνου τὸ
στρατόπεδον ἀσωτίας πανηγυριζούσης καταγώγιον ἐποίησαν
καὶ δημαγωγούμενον ἐφ' αἱρέσει στρατηγῶν ὄχλον, ὥσπερ ἐν
ταῖς δημοκρα(12)τίαις. αἰσθόμενος δ' ὁ Εὐμενὴς αὐτοὺς
ἀλλήλων μὲν καταφρονοῦντας, αὐτὸν δὲ φοβουμένους καὶ
παραφυλάττοντας, ἀνελεῖν εἰ γένοιτο καιρός, ἐσκήψατο
χρημάτων δεῖσθαι καὶ συνεδανείσατο τάλαντα πολλὰ παρὰ
τῶν μάλιστα μισούντων αὐτόν, ἵνα καὶ πιστεύωσι καὶ
ἀπέχωνται περὶ τῶν (13) δανείων ἀγωνιῶντες· ὥστε συνέβη τὸν
ἀλλότριον πλοῦτον αὐτῷ φύλακα τοῦ σώματος ἔχειν, καὶ τῶν
ἄλλων ἐπὶ σωτηρίᾳ διδόντων, μόνον ἐκ τοῦ λαβεῖν κτήσασθαι
τὴν ἀσφάλειαν.
| [13] XVIII. Pendant qu'Eumène errait de côté et d'autre,
on lui apporta des lettres de la part de ceux qui, en Macédoine,
craignaient l'agrandissement d'Antigonus ; Olympias l'appelait auprès d'elle pour se
charger de la tutelle et de l'éducation du fils d'Alexandre, qu'on cherchait à faire
périr. Poliyperchon et le roi Philippe lui mandaient de se mettre à la tête de
l'armée qui était en Cappadoce, et d'aller faire la guerre à Antigonus ; de prendre
dans le trésor de Cyndes cinq cents talents pour réparer ses propres pertes, et
autant qu'il en aurait besoin pour les frais de la guerre. Ils firent passer le même
ordre à Antigènes et à Teutame, commandants des Argyraspides. Ces deux
officiers ayant reçu ces lettres, se présentèrent à Eumène avec tous les dehors de
l'amitié ; mais ils ne purent cacher la jalousie dont ils étaient remplis, ne se croyant
pas faits pour servir sous Eumène. Celui-ci, afin d'apaiser leur envie, dit qu'il n'avait
pas besoin de l'argent qu'on lui avait assigné sur ce trésor, et ne voulut en rien
prendre; il chercha dans la superstition un remède à leur ambition et à leur jalousie,
qui leur faisaient refuser d'obéir, quoiqu'ils fussent incapables de commander. Il leur
dit qu'Alexandre lui avait apparu pendant son sommeil, et lui avait montré une
tente parée avec une magnificence royale, dans laquelle était placé un trône; que ce
prince lui avait assuré que s'ils voulaient ne délibérer sur leurs affaires que dans
cette tente, il y serait toujours présent lui-même, pour les seconder dans tous leurs
desseins et dans toutes leurs entreprises, pourvu qu'ils les commençassent sous ses
auspices. Antigènes et Teutame, qui ne voulaient pas aller tenir le conseil chez
Eumène, comme il eût cru lui-même contraire à sa dignité qu'on le vît à leur porte,
se laissèrent facilement persuader par cette vision. Ils dressèrent donc une tente
magnifique, où ils placèrent un trône, qu'ils appelèrent le trône d'Alexandre ; et
c'était là qu'ils s'assemblaient pour délibérer sur leurs plus grands intérêts. XIX. Ils
s'étaient mis en marche vers les hautes provinces, lorsque Peucestas, un ami
d'Eumène, étant venu les joindre avec les autres satrapes, ils réunirent toutes leurs
troupes, qui, par leur nombre et par la richesse de leur équipage, relevèrent
beaucoup la confiance des Macédoniens. Mais la licence dans laquelle ces troupes
vivaient depuis la mort d'Alexandre les avait rendus si indociles, si recherchés dans
leur manière de vivre ; elle leur avait inspiré un orgueil si tyrannique, accru encore
par l'arrogance des Barbares, que les soldats ne pouvaient ni s'accorder, ni se
supporter les uns les autres. On les voyait flatter sans mesure les Macédoniens, faire
pour eux les frais des festins et des sacrifices; en sorte qu'en peu de temps le camp
ne fut plus qu'un lieu de dissolution et de débauche, et les soldats, une multitude
indisciplinée dont on achetait les suffrages, comme on fait dans un gouvernement
démocratique, pour parvenir aux dignités et aux emplois. Eumène s'étant aperçu
qu'ils se méprisaient réciproquement, mais qu'ils le craignaient tous, et qu'ils
cherchaient une occasion de se défaire de lui, feignit d'avoir besoin d'argent, et
emprunta des sommes considérables à ceux qui le haïssaient le plus, afin de forcer
leur confiance, et de les intéresser à sa sûreté par la crainte de perdre ce qu'ils lui
avaient prêté. Ainsi l'argent d'autrui devint sa propre sauvegarde ; et au lieu que les
autres en donnent pour sauver leur vie, il mit la sienne en sûreté, en empruntant
celui des autres.
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