[10] ἤδη δ᾽ εὐπορῶν ὁ Κίμων ἐφόδια τῆς στρατηγίας ἃ καλῶς ἀπὸ τῶν πολεμίων
ἔδοξεν ὠφελῆσθαι κάλλιον ἀνήλισκεν εἰς τοὺς πολίτας. τῶν τε γὰρ ἀγρῶν τοὺς
φραγμοὺς ἀφεῖλεν, ἵνα καὶ τοῖς ξένοις καὶ τῶν πολιτῶν τοῖς δεομένοις ἀδεῶς
ὑπάρχῃ λαμβάνειν τῆς ὀπώρας, καὶ δεῖπνον οἴκοι παρ᾽ αὐτῷ λιτὸν μέν, ἀρκοῦν δὲ
πολλοῖς, ἐποιεῖτο καθ᾽ ἡμέραν, ἐφ᾽ ὃ τῶν πενήτων ὁ βουλόμενος εἰσῄει καὶ
διατροφὴν εἶχεν ἀπράγμονα, (2) μόνοις τοῖς δημοσίοις σχολάζων. ὡς δ᾽
Ἀριστοτέλης φησίν, οὐχ ἁπάντων Ἀθηναίων, ἀλλὰ τῶν δημοτῶν αὐτοῦ Λακιαδῶν
παρεσκευάζετο τῷ βουλομένῳ τὸ δεῖπνον. αὐτῷ δὲ νεανίσκοι παρείποντο συνήθεις
ἀμπεχόμενοι καλῶς, ὧν ἕκαστος, εἴ τις συντύχοι τῷ Κίμωνι τῶν ἀστῶν
πρεσβύτερος ἠμφιεσμένος ἐνδεῶς, διημείβετο πρὸς αὐτὸν τὰ ἱμάτια· καὶ τὸ
γινόμενον ἐφαίνετο σεμνόν. (3) οἱ δ᾽ αὐτοὶ καὶ νόμισμα κομίζοντες ἄφθονον
παριστάμενοι τοῖς κομψοῖς τῶν πενήτων ἐν ἀγορᾷ σιωπῇ τῶν κερματίων
ἐνέβαλλον εἰς τὰς χεῖρας. ὧν δὴ καὶ Κρατῖνος ὁ κωμικὸς ἐν Ἀρχιλόχοις ἔοικε
μεμνῆσθαι διὰ τούτων·
(4) κἀγὼ γὰρ ηὔχουν Μητρόβιος ὁ γραμματεὺς
σὺν ἀνδρὶ θείῳ καὶ φιλοξενωτάτῳ
καὶ πάντ᾽ ἀρίστῳ τῶν Πανελλήνων πρὸ τοῦ
Κίμωνι λιπαρὸν γῆρας εὐωχούμενος
αἰῶνα πάντα συνδιατρίψειν. ὁ δὲ
λιπὼν βέβηκε πρότερος.
(5) ἔτι τοίνυν Γοργίας μὲν ὁ Λεοντῖνός φησι τὸν Κίμωνα τὰ χρήματα κτᾶσθαι μὲν
ὡς χρῷτο, χρῆσθαι δὲ ὡς τιμῷτο, Κριτίας δὲ τῶν τριάκοντα γενόμενος ἐν ταῖς
ἐλεγείαις εὔχεται·
πλοῦτον μὲν Σκοπαδῶν, μεγαλοφροσύνην δὲ Κίμωνος,
νίκας δ᾽ Ἀρκεσίλα τοῦ Λακεδαιμονίου.
καίτοι Λίχαν γε τὸν Σπαρτιάτην ἀπ᾽ οὐδενὸς ἄλλου γινώσκομεν ἐν τοῖς Ἕλλησιν
ὀνομαστὸν γενόμενον ἢ ὅτι τοὺς ξένους ἐν ταῖς γυμνοπαιδίαις ἐδείπνιζεν· ἡ δὲ
Κίμωνος ἀφθονία καὶ τὴν παλαιὰν τῶν Ἀθηναίων φιλοξενίαν καὶ φιλανθρωπίαν
ὑπερέβαλεν. (6) οἱ μὲν γάρ, ἐφ᾽ οἷς ἡ πόλις μέγα φρονεῖ δικαίως, τό τε σπέρμα τῆς
τροφῆς εἰς τοὺς Ἕλληνας ἐξέδωκαν ὑδάτων τε πηγαίων ... καὶ πυρὸς ἔναυσιν
χρῄζουσιν ἀνθρώποις ἐδίδαξαν, ὁ δὲ τὴν μὲν οἰκίαν τοῖς πολίταις πρυτανεῖον
ἀποδείξας κοινόν, ἐν δὲ τῇ χώρᾳ καρπῶν ἑτοίμων ἀπαρχὰς καὶ ὅσα ὧραι καλὰ
φέρουσι χρῆσθαι καὶ λαμβάνειν ἅπαντα τοῖς ξένοις παρέχων, τρόπον τινὰ τὴν ἐπὶ
Κρόνου μυθολογουμένην κοινωνίαν εἰς τὸν βίον αὖθις κατῆγεν. (7) οἱ δὲ ταῦτα
κολακείαν ὄχλου καὶ δημαγωγίαν εἶναι διαβάλλοντες ὑπὸ τῆς ἄλλης ἐξηλέγχοντο
τοῦ ἀνδρὸς προαιρέσεως ἀριστοκρατικῆς καὶ Λακωνικῆς οὔσης, ὅς γε καὶ
Θεμιστοκλεῖ πέρα τοῦ δέοντος ἐπαίροντι τὴν δημοκρατίαν ἀντέβαινε μετ᾽
Ἀριστείδου, καὶ πρὸς Ἐφιάλτην ὕστερον χάριτι τοῦ δήμου καταλύοντα τὴν ἐξ
Ἀρείου πάγου βουλὴν διηνέχθη, (8) λημμάτων δὲ δημοσίων τοὺς ἄλλους πλὴν
Ἀριστείδου καὶ Ἐφιάλτου πάντας ἀναπιμπλαμένους ὁρῶν, αὑτὸν ἀδέκαστον καὶ
ἄθικτον ἐκ τῇ πολιτείᾳ δωροδοκίας καὶ πάντα προῖκα καὶ καθαρῶς πράττοντα καὶ
λέγοντα διὰ τέλους παρέσχε.
λέγεταί γέ τοι ῾Ροισάκην τινὰ βάρβαρον ἀποστάτην βασιλέως ἐλθεῖν μετὰ
χρημάτων πολλῶν εἰς Ἀθήνας, καὶ σπαραττόμενον ὑπὸ τῶν συκοφαντῶν
καταφυγεῖν πρὸς Κίμωνα, καὶ θεῖναι παρὰ τὴν αὔλειον αὐτοῦ φιάλας δύο, τὴν μὲν
ἀργυρείων ἐμπλησάμενον Δαρεικῶν, τὴν δὲ χρυσῶν· ἰδόντα δὲ τὸν Κίμωνα καὶ
μειδιάσαντα πυθέσθαι τοῦ ἀνθρώπου, (9) πότερον αἱρεῖται Κίμωνα μισθωτὸν ἢ
φίλον ἔχειν· τοῦ δὲ φήσαντος φίλον "οὐκοῦν," φάναι, "ταῦτ᾽ ἄπιθι μετὰ σεαυτοῦ
κομίζων· χρήσομαι γὰρ αὐτοῖς ὅταν δέωμαι φίλος γενόμενος."
| [10] XIII. Cimon, s'étant par là fort enricihi, fit le meilleur usage de la fortune
qu'il avait honorablement acquise sur les Barbares; il l'employa plus
honorablement encore au soulagement de ses concitoyens. Il fit enlever les clôtures
de ses héritages, afin que les étrangers et ceux des Athéniens qui en auraient besoin
allassent sans crainte en cueillir les fruits. Il avait tous les jours chez lui un souper
simple, mais suffisant pour un grand nombre de convives; tous les pauvres qui s'y
présentaient étaient reçus, et y trouvaient leur nourriture, sans être obligés de
travailler, afin de n'avoir à s'occuper que des affaires publiques. Suivant Aristote, ce
souper n'était pas pour tous les Athéniens pauvres sans distinction, mais seulement
pour tous les pauvres de son bourg de Lacis. Dans les rues d'Athènes, il était suivi
de plusieurs domestiques très bien habillés; et lorsqu'il rencontrait quelque vieillard
mal vêtu, il lui faisait donner l'habit d'un de ses gens; et ces citoyens pauvres se
trouvaient honorés de cette libéralité : ces mêmes domestiques portaient sur eux
beaucoup d'argent, et lorsqu'ils voyaient dans la place quelqu'un de ces honnêtes
indigents, ils s'approchaient, et lui mettaient secrètement dans la main quelque
pièce d'argent. C'est à quoi le poète comique Cratinus semble faire allusion dans
sa pièce intitulée "les Archiloques", où il dit : "Simple et pauvre greffier, j'avais eu
l'espérance De passer mes vieux jours dans une douce aisance, Auprès du bon
Cimon, ce vieillard généreux, Cet homme hospitalier, digne émule des dieux, Et qui
par ses bienfaits, sa vertu, sa sagesse, Doit être le premier des héros de la Grèce :
Mais du destin cruel ô rigoureuse loi! Pauvre Métrobius, il est mort avant toi".
Gorgias le Léontin disait aussi que Cimon ramassait des richesses pour en user, et
qu'il en usait pour se faire estimer. Critias lui-même, l'un des trente tyrans, souhaite,
dans ses élégies, "Des enfants de Scopas l'étonnante opulence, Du généreux
Cimon l'illustre bienfaisance, Et les brillants exploits du brave Agésilas". XIV. Le nom
du Spartiate Lichas est devenu célèbre parmi les Grecs, uniquement parce qu'il
recevait chez lui les étrangers qui venaient aux gymnopédies ; mais la libéralité
de Cimon surpassait de beaucoup l'hospitalité et l'humanité des anciens Athéniens.
Ceux-ci se glorifient avec raison d'avoir répandu parmi les hommes la semence de
leur nourriture, de leur avoir découvert les sources d'eau, et enseigné l'usage du
feu pour subvenir à leurs besoins. Mais Cimon, qui faisait de sa maison une sorte de
prytanée commun à tous ses concitoyens, qui laissait même aux étrangers la
liberté de cueillir les prémices des fruits de ses terres et de tout ce que chaque saison
lui apportait de meilleur, pour en user à leur gré, semblait avoir ramené sur la terre
cette communauté de biens, si vantée au siècle de Saturne. On a calomnié cette
bienfaisance, en la représentant comme un moyen dont se servait Cimon pour
flatter et gagner la multitude; mais il ne faut, pour confondre ces détracteurs, que
considérer le reste de la conduite de Cimon : il tenait le parti de la noblesse, et
penchait pour le gouvernement des Lacédémoniens Il fit voir ses sentiments à cet
égard lorsqu'il se joignit à Aristide contre Thémistocle, qui élevait beaucoup trop
haut la démocratie; et depuis encore, quand il se déclara ouvertement contre
Éphialte, qui, pour complaire au peuple, voulait abolir l'aréopage. Quoiqu'il vît
tous ceux qui gouvernaient de son temps, excepté Aristide et Éphialte, s'enrichir aux
dépens du trésor publie, il se conserva toujours pur et incorruptible dans son
administration; et ne reçut jamais de présent; il persévéra toute sa vie à dire et à faire
gratuitement, et sans ternir la pureté de sa conduite, tout ce qu'il croyait utile à sa
patrie. On raconte qu'un Barbare, nommé Résacès ayant quitté le roi de Perse, vint à
Athènes avec de grandes richesses; comme il y était sans cesse tourmenté par les
délateurs, il se réfugia chez Cimon, et en entrant il mit à la porte de la salle deux
coupes pleines, l'une de dariques d'argent, l'autre de dariques d'or. Cimon lui
demanda, en souriant, lequel il aimait le mieux, d'avoir Cimon pour mercenaire ou
pour ami. "Pour ami, lui répondit le Barbare. — Eh bien! repartit Cimon, remportez
avec vous votre or et votre argent : devenu votre ami, je m'en servirai quand j'en
aurai besoin".
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