[7] τῷ δ᾽ οὖν Ἀριστείδῃ συνέβη τὸ πρῶτον ἀγαπωμένῳ διὰ τὴν
ἐπωνυμίαν ὕστερον φθονεῖσθαι, μάλιστα μὲν τοῦ Θεμιστοκλέους λόγον
εἰς τοὺς πολλοὺς διαδιδόντος, ὡς Ἀριστείδης ἀνῃρηκὼς τὰ δικαστήρια τῷ
κρίνειν ἅπαντα καὶ δικάζειν, λέληθε μοναρχίαν ἀδορυφόρητον ἑαυτῷ
κατεσκευασμένος· ἤδη δέ που καὶ ὁ δῆμος ἐπὶ τῇ νίκῃ μέγα φρονῶν καὶ
τῶν μεγίστων ἀξιῶν αὑτὸν ἤχθετο τοῖς ὄνομα καὶ δόξαν ὑπὲρ τοὺς
πολλοὺς ἔχουσι. (2) καὶ συνελθόντες εἰς ἄστυ πανταχόθεν
ἐξοστρακίζουσι τὸν Ἀριστείδην, ὄνομα τῷ φθόνῳ τῆς δόξης φόβον
τυραννίδος θέμενοι. μοχθηρίας γὰρ οὐκ ἦν κόλασις ὁ ἐξοστρακισμός, ἀλλ᾽ ἐκαλεῖτο μὲν δι᾽
εὐπρέπειαν ὄγκου καὶ δυνάμεως βαρυτέρας ταπείνωσις καὶ κόλουσις, ἦν
δὲ φθόνου παραμυθία φιλάνθρωπος, εἰς ἀνήκεστον οὐδέν, ἀλλ᾽ εἰς
μετάστασιν ἐτῶν δέκα τὴν πρὸς τὸ λυποῦν ἀπερειδομένου δυσμένειαν.
(3) ἐπεὶ δ᾽ ἤρξαντό τινες ἀνθρώπους ἀγεννεῖς καὶ πονηροὺς ὑποβάλλειν
τῷ πράγματι, τελευταῖον ἁπάντων Ὑπέρβολον ἐξοστρακίσαντες
ἐπαύσαντο. λέγεται δὲ τὸν Ὑπέρβολον ἐξοστρακισθῆναι διὰ τοιαύτην
αἰτίαν. Ἀλκιβιάδης καὶ Νικίας μέγιστον ἐν τῇ πόλει δυνάμενοι
διεστασίαζον. ὡς οὖν ὁ δῆμος ἔμελλε φέρειν τὸ ὄστρακον καὶ δῆλος ἦν
τὸν ἕτερον γράψων, διαλεχθέντες ἀλλήλοις καὶ τὰς στάσεις ἑκατέρας εἰς
ταὐτὸ συναγαγόντες τὸν Ὑπέρβολον ἐξοστρακισθῆναι παρεσκεύασαν.
(4) ἐκ δὲ τούτου δυσχεράνας ὁ δῆμος ὡς καθυβρισμένον τὸ πρᾶγμα καὶ
προπεπηλακισμένον ἀφῆκε παντελῶς καὶ κατέλυσεν.
ἦν δὲ τοιοῦτον, ὡς τύπῳ φράσαι, τὸ γινόμενον. ὄστρακον λαβὼν ἕκαστος
καὶ γράψας ὃν ἐβούλετο μεταστῆσαι τῶν πολιτῶν, ἔφερεν εἰς ἕνα τόπον
τῆς ἀγορᾶς περιπεφραγμένον ἐν κύκλῳ δρυφάκτοις. (5) οἱ δ᾽ ἄρχοντες
πρῶτον μὲν διηρίθμουν τὸ σύμπαν ἐν ταὐτῷ τῶν ὀστράκων πλῆθος· εἰ
γὰρ ἑξακισχιλίων ἐλάττονες οἱ φέροντες εἶεν, ἀτελὴς ἦν ὁ ἐξοστρακισμός·
ἔπειτα τῶν ὀνομάτων ἕκαστον ἰδίᾳ θέντες τὸν ὑπὸ τῶν πλείστων
γεγραμμένον ἐξεκήρυττον εἰς ἔτη δέκα, καρπούμενον τὰ αὑτοῦ.
γραφομένων οὖν τότε τῶν ὀστράκων λέγεταί τινα τῶν ἀγραμμάτων καὶ
παντελῶς ἀγροίκων ἀναδόντα τῷ Ἀριστείδῃ τὸ ὄστρακον ὡς ἑνὶ τῶν
τυχόντων παρακαλεῖν, ὅπως Ἀριστείδην ἐγγράψειε. (6) τοῦ δὲ
θαυμάσαντος καὶ πυθομένου, μή τι κακὸν αὐτὸν Ἀριστείδης πεποίηκεν,
"οὐδέν," εἶπεν, "οὐδὲ γιγνώσκω τὸν ἄνθρωπον, ἀλλ᾽ ἐνοχλοῦμαι
πανταχοῦ τὸν Δίκαιον ἀκούων." ταῦτα ἀκούσαντα τὸν Ἀριστείδην
ἀποκρίνασθαι μὲν οὐδέν, ἐγγράψαι δὲ τοὔνομα τῷ ὀστράκῳ καὶ
ἀποδοῦναι. τῆς δὲ πόλεως ἀπαλλαττόμενος ἤδη, τὰς χεῖρας ἀνατείνας
πρὸς τὸν οὐρανὸν εὔξατο τὴν ἐναντίαν, ὡς ἔοικεν, εὐχὴν τῷ Ἀχιλλεῖ,
μηδένα καιρὸν Ἀθηναίους καταλαβεῖν, ὃς ἀναγκάσει τὸν δῆμον
Ἀριστείδου μνησθῆναι.
| [7] XI. Mais ce surnom de juste, qui d'abord avait concilié à Aristide la bienveillance
générale, finit par lui attirer l'envie. Thémistocle surtout ne cessait de
répandre parmi le peuple qu'Aristide, en terminant seul toutes les affaires, comme
juge ou comme arbitre, avait réellement aboli tous les tribunaux, et s'était formé par
là, sans qu'on s'en aperçût, une tyrannie qui n'avait pas besoin de satellites pour se
soutenir. Le peuple, fier de sa dernière victoire, et qui se croyait digne des plus
grands honneurs, souffrait impatiemment ceux des citoyens dont la réputation et la
gloire effaçaient celles des autres. Tous les habitants des bourgs s'étant donc
assemblés dans la ville, et cachant sous une crainte affectée de la tyrannie l'envie
qu'ils portaient à sa gloire, le condamnèrent au ban de l'ostracisme. Ce ban n'était pas
une punition infligée à des coupables : pour le voiler sous un nom spécieux, on
l'appelait un affaiblissement, une diminution d'une puissance et d'une grandeur qui
pouvaient devenir dangereuses. Ce n'était au fond qu'une satisfaction modérée qu'on
accordait à l'envie, qui, au lieu d'exercer sur ceux qui lui déplaisaient une vengeance
irréparable, exhalait sa malveillance dans un exil de dix ans. Mais lorsqu'on en fut
venu jusqu'à condamner, par ce ban honorable, des hommes aussi méprisables que
méchants, et en particulier un Hyperbolus, qui fut le dernier contre lequel on
l'employa, les Athéniens cessèrent d'en faire usage. Voici à quelle occasion cet
Hyperbolus fut banni : Alcibiade et Nicias, qui dans ce temps-là avaient le plus de
pouvoir dans la ville, étaient à la tête de deux factions opposées. Voyant que le
peuple allait faire usage de l'ostracisme, et que l'un des deux serait certainement
banni, ils eurent ensemble une conférence, où, réunissant leurs partis, ils firent
tomber la condamnation sur Hyperbolus. Le peuple, indigné de l'avilissement et du
déshonneur imprimés à l'ostracisme, y renonça, et l'abolit pour toujours. XII. Je vais
donner en peu de mots une idée de la manière dont on y procédait. Chaque citoyen
prenait une coquille, sur laquelle il écrivait le nom de celui qu'il voulait bannir, et la
portait dans un endroit de la place publique, fermé circulairement par une cloison de
bois. Les magistrats comptaient d'abord le nombre des coquilles; car, s'il yen avait
moins de six mille, l'ostracisme n'avait pas lieu; ensuite on mettait à part chacun des
noms écrits; et celui dont le nom se trouvait sur un plus grand nombre de coquilles
était banni pour dix ans, et conservait la jouissance de ses biens. Le jour qu'Aristide
fut banni, un paysan grossier, qui ne savait pas écrire, pendant qu'on écrivait les
noms sur les coquilles, donna la sienne à Aristide, qu'il prit pour un homme du
peuple, et le pria d'écrire le nom d'Aristide; celui-ci, fort surpris, demande à cet
homme si Aristide lui a fait quelque tort : « Aucun, répondit le paysan, je ne le
connais même pas; mais je suis las de l'entendre partout appeler le juste. » Aristide
écrit son nom sans lui dire un seul mot, et lui rend sa coquille. En sortant de la ville
pour aller à son exil, il leva les mains au ciel; et faisant, comme on peut le croire, une
prière tout opposée à celle d'Achille, il demanda aux dieux que les Athéniens ne se
trouvassent jamais dans une situation assez fâcheuse pour se souvenir d'Aristide.
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