[6] πασῶν δὲ τῶν περὶ αὐτὸν ἀρετῶν ἡ δικαιοσύνη μάλιστα τοῖς πολλοῖς
αἴσθησιν παρεῖχε διὰ τὸ τὴν χρείαν ἐνδελεχεστάτην αὐτῆς καὶ
κοινοτάτην ὑπάρχειν. ὅθεν ἀνὴρ πένης καὶ δημοτικὸς ἐκτήσατο τὴν
βασιλικωτάτην καὶ θειοτάτην (2) προσηγορίαν τὸν Δίκαιον· ὃ τῶν
βασιλέων καὶ τυράννων οὐδεὶς ἐζήλωσεν, ἀλλὰ Πολιορκηταὶ καὶ
Κεραυνοὶ καὶ Νικάτορες, ἔνιοι δ᾽ Ἀετοὶ καὶ Ἱέρακες ἔχαιρον
προσαγορευόμενοι, τὴν ἀπὸ τῆς βίας καὶ τῆς δυνάμεως, ὡς ἔοικε, μᾶλλον
ἢ τὴν ἀπὸ τῆς ἀρετῆς δόξαν ἀγαπῶντες. καίτοι τὸ θεῖον, ᾧ γλίχονται
συνοικειοῦν καὶ συναφομοιοῦν αὑτούς, τρισὶ δοκεῖ διαφέρειν, ἀφθαρσίᾳ
καὶ δυνάμει καὶ ἀρετῇ, ὧν καὶ σεμνότατον ἡ ἀρετὴ καὶ θειότατόν ἐστιν.
(3) ἀφθάρτῳ μὲν γὰρ εἶναι καὶ τῷ κενῷ καὶ τοῖς στοιχείοις συμβέβηκε,
δύναμιν δὲ καὶ σεισμοὶ καὶ κεραυνοὶ καὶ πνευμάτων ὁρμαὶ καὶ ῥευμάτων
ἐπιφοραὶ μεγάλην ἔχουσι, δίκης δὲ καὶ θέμιδος οὐδὲν ὅτι μὴ τῷ φρονεῖν
καὶ λογίζεσθαι μεταλαγχάνει.
διὸ καὶ τριῶν ὄντων, ἃ πεπόνθασιν οἱ πολλοὶ πρὸς τὸ θεῖον, ζήλου καὶ
φόβου καὶ τιμῆς, ζηλοῦν μὲν αὐτοὺς καὶ μακαρίζειν ἐοίκασι κατὰ τὸ
ἄφθαρτον καὶ ἀΐδιον, ἐκπλήττεσθαι δὲ καὶ δεδιέναι κατὰ τὸ κύριον καὶ
δυνατόν, ἀγαπᾶν δὲ καὶ τιμᾶν καὶ σέβεσθαι κατὰ τὴν δικαιοσύνην. (4)
ἀλλά, καίπερ οὕτω διακείμενοι, τῆς μὲν ἀθανασίας, ἣν ἡ φύσις ἡμῶν οὐ
δέχεται, καὶ τῆς δυνάμεως, ἧς ἐν τῇ τύχῃ κεῖται τὸ πλεῖστον, ἐπιθυμοῦσι,
τὴν δ᾽ ἀρετήν, ὃ μόνον ἐστὶ τῶν θείων ἀγαθῶν ἐφ᾽ ἡμῖν, ἐν ὑστέρῳ
τίθενται, κακῶς φρονοῦντες, ὡς τὸν ἐν δυνάμει καὶ τύχῃ μεγάλῃ καὶ ἀρχῇ
βίον ἡ μὲν δικαιοσύνη ποιεῖ θεῖον, ἡ δ᾽ ἀδικία θηριώδη.
| [6] X. De toutes les vertus qu'Aristide possédait, celle que le peuple
admirait le plus, c'était sa justice, parce que l'usage de cette vertu est plus
habituel, et que les effets s'en répandent sur plus de monde. Aussi, tout simple
particulier et tout pauvre qu'il était, il obtint le surnom de juste : titre le plus digne
des rois et des dieux, et qu'aucun prince ni aucun tyran n'ont jamais ambitionné.
Flattés des surnoms de Poliorcètes, de Céraunus, de Nicanor, ou même de ceux
d'Aigles et de Vautours, ils ont préféré la gloire des titres qui marquent la force et la
puissance, à celle des dénominations qui désignent la vertu. Mais Dieu lui-même, à
qui ils veulent tant se comparer et ressembler, ne differe des autres êtres que par trois
attributs : l'immortalité, la puissance, la vertu; et de ses trois qualités, la vertu est sans
doute la plus auguste et la plus divine. L'immortalité est aussi le partage du vide et
des éléments ; les tremblements de terre, les foudres, les tourbillons de vent, les
débordements des eaux, ont une grande puissance; mais la droiture et la justice ne
peuvent se trouver que dans des êtres qui sont capables de raisonner et de connaître
Dieu. Des trois sentiments dont les hommes sont pénétrés et affectés envers les dieux,
la persuasion de leur bonheur, la crainte et le respect, il semble qu'ils ne les croient
heureux que parce qu'ils sont incorruptibles et immortels; qu'ils ne les craignent et ne
les redoutent qu'à cause de leur puissance et de leur empire sur l'univers; qu'ils ne les
respectent, ne les honorent et ne les aiment que pour leur justice. Mais malgré ces
dispositions si naturelles, de ces trois attributs de la Divinité, les hommes ne désirent
que l'immortalité, dont notre nature n'est pas capable, et la puissance qui dépend en
grande partie de la fortune; mais la vertu, le seul des biens divins qui soit en notre
pouvoir, ils la laissent au dernier rang : erreur grossière, qui les empêche de voir que
la justice seule rend en quelque sorte divine la vie de ceux même qui sont au comble
de la puissance et de la fortune, et que l'injustice la rend semblable à celle des bêtes
sauvages.
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