[3] οὐ μὴν ἀλλά, πολλὰ κινουμένου τοῦ Θεμιστοκλέους παραβόλως καὶ
πρὸς πᾶσαν αὐτῷ πολιτείαν ἐνισταμένου καὶ διακόπτοντος, ἠναγκάζετό
που καὶ αὐτὸς τὰ μὲν ἀμυνόμενος, τὰ δὲ κολούων τὴν ἐκείνου δύναμιν
χάριτι τῶν πολλῶν αὐξομένην ὑπεναντιοῦσθαι οἷς ἔπραττεν ὁ
Θεμιστοκλῆς, βέλτιον ἡγούμενος παρελθεῖν ἔνια τῶν συμφερόντων τὸν
δῆμον ἢ τῷ κρατεῖν ἐκεῖνον ἐν πᾶσιν ἰσχυρὸν γενέσθαι. (2) τέλος δέ
ποτε τοῦ Θεμιστοκλέους πράττοντός τι τῶν δεόντων ἀντικρούσας καὶ
περιγενόμενος οὐ κατέσχεν, ἀλλ᾽ εἶπεν ἀπὸ τῆς ἐκκλησίας ἀπιών, ὡς οὐκ
ἔστι σωτηρία τοῖς Ἀθηναίων πράγμασιν, εἰ μὴ καὶ Θεμιστοκλέα καὶ αὐτὸν
εἰς τὸ βάραθρον ἐμβάλοιεν. πάλιν δὲ γράψας τινὰ γνώμην εἰς τὸν δῆμον,
ἀντιλογίας οὔσης πρὸς αὐτὴν καὶ φιλονεικίας, ἐκράτει· μέλλοντος δὲ τοῦ
προέδρου τὸν δῆμον ἐπερωτᾶν αἰσθόμενος ἐκ τῶν λόγων αὐτῶν τὸ
ἀσύμφορον ἀπέστη τοῦ ψηφίσματος. (3) πολλάκις δὲ καὶ δι᾽ ἑτέρων
εἰσέφερε τὰς γνώμας, ὡς μὴ φιλονεικίᾳ τῇ πρὸς αὐτὸν ὁ Θεμιστοκλῆς
ἐμπόδιος εἴη τῷ συμφέροντι.
θαυμαστὴ δέ τις ἐφαίνετο αὐτοῦ παρὰ τὰς ἐν τῇ πολιτείᾳ μεταβολὰς ἡ
εὐστάθεια, μήτε ταῖς τιμαῖς ἐπαιρομένου πρός τε τὰς δυσημερίας
ἀθορύβως καὶ πρᾴως ἔχοντος, καὶ ὁμοίως ἡγουμένου χρῆναι τῇ πατρίδι
παρέχειν ἑαυτὸν οὐ χρημάτων μόνον, ἀλλὰ καὶ δόξης προῖκα καὶ ἀμισθὶ
πολιτευόμενον. (4) ὅθεν, ὡς ἔοικε, τῶν εἰς Ἀμφιάραον ὑπ᾽ Αἰσχύλου
πεποιημένων ἰαμβείων ἐν τῷ θεάτρῳ λεγομένων·
"οὐ γὰρ δοκεῖν δίκαιος, ἀλλ᾽ εἶναι θέλει,
βαθεῖαν ἄλοκα διὰ φρενὸς καρπούμενος,
ἀφ᾽ ἧς τὰ κεδνὰ βλαστάνει βουλεύματα",
πάντες ἀπέβλεψαν εἰς Ἀριστείδην, ὡς ἐκείνῳ μάλιστα τῆς ἀρετῆς ταύτης
προσηκούσης.
| [3] Cependant, comme Thémistocle faisait souvent des entreprises téméraires,
qu'il s'opposait à tous les projets d'Aristide et rompait toutes ses mesures,
celui-ci se crut obligé de contrarier aussi les vues de Thémistocle, soit
pour sa propre défense, soit pour rabattre une autorité que la faveur du peuple
accroissait de jour en jour : il pensait qu'il valait mieux encore sacrifier quelquefois
des projets utiles au public, que de faciliter à son adversaire l'acquisition d'un
pouvoir excessif, en laissant toujours prévaloir ses premiers avis. Un jour
Thémistocle ayant proposé un projet avantageux, Aristide s'y opposa, et le fit
échouer; mais en sortant de l'assemblée il ne put s'empêcher de dire qu'il n'y aurait
de salut pour Athènes qu'en faisant jeter Thémistocle et lui au fond d'un gouffre.
V. Dans une autre occasion, il avait proposé au peuple un décret qui éprouva
beaucoup de contradictions; mais il en triompha; et comme le président de
l'assemblée allait recueillir les suffrages, Aristide reconnut, par la discussion qui avait
eu lieu, les inconvénients de son décret, et le retira. Souvent il faisait présenter ses
vues par d'autres, afin que la jalousie de Thémistocle ne mît pas d'obstacle à ce qui
pouvait être avantageux. Il montrait une fermeté admirable au milieu de cette variété
d'événements toujours inévitables dans l'administration publique; il ne s'enflait
jamais des honneurs qu'on lui décernait, et supportait avec autant de douceur que
d'égalité les refus qu'on lui faisait essuyer, persuadé qu'on doit se livrer tout entier à
sa patrie; et la servir gratuitement, sans aucune vue d'intérêt, et même sans aucun
désir de gloire. Aussi, un jour qu'on jouait une pièce d'Eschyle, l'acteur ayant
prononcé les vers suivants à la louange d'Amphiaraüs : "C'est assez pour lui d'étre
juste, Il n'en affecte pas le nom ; Son coeur, de la vertu le sanctuaire auguste, Des plus
sages conseils est un trésor fécond"; tous les spectateurs jetèrent les yeux sur Aristide,
comme sur celui à qui cette louange convenait le plus.
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