[30] 9. Ἔστι δὲ Λακεδαιμονίοις οὐ Φόβου μόνον, ἀλλὰ καὶ
Θανάτου καὶ Γέλωτος καὶ τοιούτων ἄλλων παθημάτων ἱερά.
τιμῶσι δὲ τὸν Φόβον οὐχ ὥσπερ οὓς ἀποτρέπονται δαίμονας
ἡγούμενοι βλαβερόν, ἀλλὰ τὴν πο(3)λιτείαν μάλιστα
συνέχεσθαι φόβῳ νομίζοντες. διὸ καὶ προεκήρυττον οἱ ἔφοροι
τοῖς πολίταις εἰς τὴν ἀρχὴν εἰσιόντες, ὡς Ἀριστοτέλης φησί,
κείρεσθαι τὸν μύστακα καὶ προσέχειν τοῖς νόμοις, ἵνα μὴ
χαλεποὶ ὦσιν αὐτοῖς, τὸ τοῦ μύστακος οἶμαι προτείνοντες,
ὅπως καὶ (4) περὶ τὰ μικρότατα τοὺς νέους πειθαρχεῖν ἐθίζωσι.
καὶ τὴν ἀνδρείαν δέ μοι δοκοῦσιν οὐκ ἀφοβίαν, ἀλλὰ φόβον (5)
ψόγου καὶ δέος ἀδοξίας οἱ παλαιοὶ νομίζειν. οἱ γὰρ δειλότατοι
πρὸς τοὺς νόμους θαρραλεώτατοι πρὸς τοὺς πολεμίους εἰσί, καὶ
τὸ παθεῖν ἥκιστα δεδίασιν οἱ μάλιστα (6) φοβούμενοι τὸ κακῶς
ἀκοῦσαι. διὸ καὶ καλῶς ὁ εἰπών·
ἵνα γὰρ δέος, ἔνθα καὶ αἰδώς·
καὶ Ὅμηρος·
αἰδοῖός τέ μοί ἐσσι φίλε ἑκυρὲ δεινός τε·
καί·
σιγῇ δειδιότες σημάντορας.
(7) τὸ γὰρ αἰσχύνεσθαι μάλιστα συμβαίνει πρὸς οὓς καὶ τὸ
δεδοικέναι τοῖς πολλοῖς. διὸ καὶ παρὰ τὸ τῶν ἐφόρων συσσίτιον
τὸν Φόβον ἵδρυνται Λακεδαιμόνιοι, μοναρχίας ἐγγυτάτω
κατασκευασάμενοι τὸ ἀρχεῖον.
| [30] XXXII. Outre ce temple dédié à la Peur, les Lacédémoniens en ont d'autres
consacrés à la Mort, au Ris, et aux autres passions semblables. Ils honorent la Peur,
non qu'ils la croient nuisible, comme ces génies malfaisants qui sont en horreur; mais
parce qu'ils la regardent comme un des liens les plus puissants des sociétés
politiques. Aussi, au rapport d'Aristote, lorsque les éphores entrent en charge, ils font
publier un ordre aux citoyens de se raser les moustaches et d'obéir aux lois, afin
qu'ils n'aient pas à user contre eux de rigueur. Ils ne parlent sans doute des
moustaches que pour accoutumer les jeunes gens à obéir à leurs chefs dans les choses
les plus indifférentes. Les anciens même attachaient, ce me semble, l'idée de valeur,
non à l'exemption de toute crainte, mais au contraire à la crainte du reproche et de
l'infamie. Les hommes qui craignent le plus les lois sont les plus intrépides contre les
ennemis; et ceux-là redoutent moins la souffrance, qui craignent plus le blâme. Aussi
un poète a-t-il dit avec raison : "La crainte fut toujours compagne de la honte".
Homère a dit de même : "Seigneur, vous m'inspirez et la honte et la crainte". Et
ailleurs: "Ils craignent tous leurs chefs, et marchent en silence". Les personnes que
l'on craint sont celles qu'on respecte le plus; et les Lacédémoniens, en consacrant un
temple à la Peur près de la salle où mangeaient les éphores, avaient égalé ces
magistrats à la dignité des rois.
|