[2] Ὁ μὲν γὰρ ἀπηκριβωμένος καὶ τελείως ἀγαθὸς οὐδ' ἂν
ὅλως δόξης δέοιτο, πλὴν ὅση πάροδον ἐπὶ τὰς πράξεις (καὶ) διὰ
τοῦ πιστεύεσθαι δίδωσι· νέῳ δ' ἔτι ὄντι καὶ φιλοτίμῳ δοτέον ἀπὸ
τῶν καλῶν ἔργων καὶ δόξῃ τι (2) καλλωπίσασθαι καὶ κομπάσαι.
φυόμεναι γὰρ ἐν τοῖς τηλικούτοις αἱ ἀρεταὶ καὶ βλαστάνουσαι,
τῶν τε κατορθουμένων ὥς φησι Θεόφραστος ἐκβεβαιοῦνται
τοῖς ἐπαίνοις, καὶ τὸ λοιπὸν αὔξονται μετὰ (3) φρονήματος
ἐπαιρόμεναι. τὸ δ' ἄγαν πανταχοῦ μὲν ἐπισφαλές, ἐν δὲ ταῖς
πολιτικαῖς φιλοτιμίαις ὀλέθριον. ἐκφέρει γὰρ εἰς μανίαν καὶ
παραφροσύνην ὕπαιθρον ἐξουσίας μεγάλης ἐπιλαβομένους,
ὅταν μὴ τὸ καλὸν ἔνδοξον εἶναι θέλωσιν, ἀλλ' ἀγαθὸν ἡγῶνται
τὸ ἔνδοξον (4) εἶναι. ὅπερ οὖν Φωκίων πρὸς Ἀντίπατρον
ἀξιοῦντά τι παρ' αὐτοῦ τῶν μὴ καλῶν "οὐ δύνασαι" εἶπεν "ἅμα
καὶ φίλῳ Φωκίωνι χρῆσθαι καὶ κόλακι", τοῦτο λεκτέον ἢ ὅμοιόν
τι τούτῳ πρὸς τοὺς πολλούς· "οὐ δύνασθε τὸν (5) αὐτὸν ἔχειν
καὶ ἄρχοντα καὶ ἀκόλουθον." ἐπεὶ συμβαίνει γε καὶ οὕτως τὸ
τοῦ δράκοντος, οὗ φησιν ὁ μῦθος τὴν οὐρὰν τῇ κεφαλῇ
στασιάσασαν ἀξιοῦν ἡγεῖσθαι παρὰ μέρος καὶ μὴ διὰ παντὸς
ἀκολουθεῖν ἐκείνῃ, λαβοῦσαν δὲ τὴν ἡγεμονίαν αὐτήν τε
κακῶς ἀπαλλάττειν ἀνοδίαις πορευομένην, καὶ τὴν κεφαλὴν
καταξαίνειν, τυφλοῖς καὶ κωφοῖς μέρεσιν ἀναγκαζομένην παρὰ
φύσιν ἕπεσθαι. (6) τοῦτο πολλοὺς τῶν πρὸς χάριν ἅπαντα
πεπολιτευμένων ὁρῶμεν πεπονθότας· ἐξαρτήσαντες γὰρ
αὑτοὺς ὄχλων εἰκῇ φερομένων, οὔτ' ἀναλαβεῖν ὕστερον οὔτ'
ἐπιστῆσαι τὴν ἀταξίαν ἐδυνήθησαν.
(7) Ταῦτα δ' ἡμῖν εἰς τὴν παρὰ τῶν πολλῶν δόξαν ἐπῆλθεν
εἰπεῖν, ἐννοήσασιν ἡλίκην ἔχει δύναμιν ἐκ τῶν Τιβερίῳ καὶ
Γαΐῳ τοῖς Γράγχοις συμπεσόντων, οὓς κάλλιστα μὲν φύντας,
κάλλιστα δὲ τραφέντας, καλλίστην δὲ τῆς πολιτείας ὑπόθεσιν
λαβόντας, ἀπώλεσεν οὐχ οὕτως ἐπιθυμία δόξης ἄμετρος, ὡς
φόβος ἀδοξίας ἐκ προφάσεως (8) οὐκ ἀγεννοῦς πεφυκώς.
μεγάλην γὰρ εὔνοιαν προειληφότες παρὰ τῶν πολιτῶν,
ᾐσχύνθησαν ἐγκαταλιπεῖν ὥσπερ χρέος· ἁμιλλώμενοι δ' ἀεὶ
πολιτεύμασι χρηστοῖς τὰς τιμὰς ὑπερβάλλεσθαι, καὶ τιμώμενοι
μᾶλλον ἐξ ὧν ἐπολιτεύοντο κεχαρισμένως, καὶ τοῦτον τὸν
τρόπον ἴσῃ φιλοτιμίᾳ πρός τε τὸν δῆμον ἑαυτοὺς καὶ τὸν δῆμον
πρὸς ἑαυτοὺς ἐκκαύσαντες, ἔλαθον ἁψάμενοι πραγμάτων, ἐν
οἷς οὐκέτ' ἦν -- ἐπεὶ τὸ μὴ καλὸν αἰσχρὸν ἤδη -- τὸ παύσασθαι.
(9) Ταῦτα μὲν οὖν ἐπικρινεῖς αὐτὸς ἐκ τῆς διηγήσεως·
παραβάλωμεν δ' αὐτοῖς Λακωνικὸν ζεῦγος δημαγωγῶν, (10)
Ἆγιν καὶ Κλεομένη τοὺς βασιλεῖς. καὶ γὰρ οὗτοι τὸν δῆμον
αὔξοντες ὥσπερ ἐκεῖνοι, καὶ πολιτείαν καλὴν καὶ δικαίαν
ἐκλελοιπυῖαν πολὺν χρόνον ἀναλαμβάνοντες, ὁμοίως
ἀπηχθάνοντο τοῖς δυνατοῖς, μὴ βουλομένοις ἀφεῖ(11)ναι τὴν
συνήθη πλεονεξίαν. ἀδελφοὶ μὲν οὖν οὐκ ἦσαν ἀλλήλων οἱ
Λάκωνες, συγγενοῦς δὲ καὶ ἀδελφῆς ἥψαντο πολιτείας, ἀρχὴν
τοιαύτην λαβόντες.
| [2] L'homme parfaitement honnête ne désire d'autre gloire que celle qui,
étant le fruit de la confiance publique, lui ouvre la route à de grandes entreprises.
Ce n'est qu'à un jeune homme, ambitieux de gloire, qu'on peut pardonner de
s'applaudir avec complaisance de l'honneur que ses belles actions lui attirent. Les
vertus qui germent et fleurissent à leur âge se fortifient, dit Théophraste, par les
éloges qu'on leur donne. La confiance que ces louanges leur inspirent fait croître plus
promptement en eux les bonnes qualités. II. L'excès, dangereux en tout, est funeste
dans les rivalités politiques; il porte jusqu'à la démence et à la fureur ceux qui,
revêtus d'une grande autorité, veulent que la vertu soit attachée à la gloire, et non la
gloire à la vertu. Antipater demandait à Phocion une chose injuste. « Je ne saurais, lui
répondit Phocion, être à la fois votre flatteur et votre ami. » C'est là ce qu'un homme
qui gouverne doit dire à la multitude. " Je ne puis être en même temps votre
magistrat et votre esclave." Autrement il en est d'un État comme du serpent de la
Fable, dont la queue se révolta contre la tête, et, mécontente de la suivre toujours,
voulut aller devant à son tour. Chargée donc de conduire tout le corps, marchant
follement et à l'aventure, elle s'en trouva très mal elle-même; et la tête, obligée de
suivre, contre l'intention de la nature, un membre sourd et aveugle, en fut bientôt
toute meurtrie. Voilà ce que nous avons vu arriver à la plupart de ceux qui
gouvernaient au gré du peuple : dès qu'une fois ils s'étaient rendus dépendants d'une
multitude aveugle et emportée, ils ne pouvaient plus ni la ramener à la raison, ni
arrêter le désordre. III. Ces réflexions sur les dangers qu'entraîne l'amour d'une gloire
populaire se sont présentées à moi, lorsque j'ai considéré, dans les malheurs de
Tibérius et de Caïus Gracchus, le pouvoir que cette ambition a sur les hommes. Nés
l'un et l'autre avec les inclinations les plus heureuses, formés à la vertu par une
excellente éducation, entrés dans l'administration des affaires avec les vues les plus
pures, ils se perdirent enfin, moins par un désir immodéré de gloire, que par la
crainte d'une honte dont le principe n'avait rien que d'honnête. Les marques de
bienveillance qu'ils avaient reçues du peuple leur parurent une dette qu'ils auraient
rougi de ne pas acquitter. Jaloux de surpasser par des lois populaires les honneurs
qui leur étaient décernés, et comblés chaque jour de nouveaux honneurs en
reconnaissance de ces lois, il s'établit entre eux et le peuple une rivalité réciproque,
qui les enflamma mutuellement d'une affection si vive, qu'ils se trouvèrent engagés,
sans presque s'en douter, dans une situation d'affaires où ils ne pouvaient plus que
dire : "Peut-on dans ce dessein avec gloire avancer? Non : mais il est honteux d'y
vouloir renoncer". Vous allez en juger vous-même par le détail de leur vie. Nous
mettrons en parallèle avec eux deux rois de Sparte; Agis et Cléomène, portés aussi
pour le peuple, qui ayant voulu, comme les Gracques, augmenter la puissance
populaire et rétablir cette constitution si belle et si juste, mais depuis longtemps
abolie, se rendirent également odieux aux plus puissants de leurs concitoyens, qui ne
purent renoncer à une avarice dont ils avaient contracté l'habitude. Les deux
Spartiates n'étaient pas frères, comme les deux Romains; mais ils montrèrent une
sorte de fraternité dans les principes de gouvernement qu'ils adoptèrent, et voici quel
en fut le commencement.
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