HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

PLUTARQUE, Oeuvres morales, Le Banquet des sept Sages

Chapitre 18

  Chapitre 18

[18] Ἔφη τοίνυν Γόργος ὅτι, τῆς θυσίας ἐφ´ ἡμέρας τρεῖς συντελεσθείσης ὑπ´ αὐτοῦ καὶ τῇ τελευταίᾳ παννυχίδος οὔσης καὶ χορείας τινὸς καὶ παιδιᾶς παρὰ τὸν αἰγιαλόν, μὲν σελήνη κατέλαμπεν εἰς τὴν θάλατταν, οὐκ ὄντος δὲ πνεύματος ἀλλὰ νηνεμίας καὶ γαλήνης, πόρρωθεν ἀφεωρᾶτο φρίκη κατιοῦσα παρὰ τὴν ἄκραν, ἀφρόν τινα καὶ ψόφον ἄγουσα τῷ ῥοθίῳ περὶ αὐτὴν πολύν, ὥστε πάντας ἐπὶ τὸν τόπον οἷ προσώκελλε καταδραμεῖν θαυμάσαντας. πρὶν δ´ εἰκάσαι τὸ προσφερόμενον ὑπὸ τάχους, δελφῖνες ὤφθησαν, οἱ μὲν ἀθρόοι πέριξ κυκλοῦντες, οἱ δ´ ὑφηγούμενοι τοῦ αἰγιαλοῦ πρὸς τὸ λειότατον, ἄλλοι δ´ ἐξόπισθεν, οἷον περιέποντες. ἐν μέσῳ δ´ ἀνεῖχεν ὑπὲρ τῆς θαλάττης ὄγκος ἀσαφὴς καὶ ἄσημος ὀχουμένου σώματος, μέχρι οὗ συναγαγόντες εἰς ταὐτὸ καὶ συνεποκείλαντες ἐξέθηκαν ἐπὶ γῆν ἄνθρωπον ἔμπνουν καὶ κινούμενον, αὐτοὶ δὲ πάλιν πρὸς τὴν ἄκραν ἀναφερόμενοι μᾶλλον πρότερον ἐξήλλοντο, παίζοντες ὑφ´ ἡδονῆς τινος ὡς ἔοικε καὶ σκιρτῶντες. "ἡμῶν δ´," Γόργος ἔφη, "πολλοὶ μὲν διαταραχθέντες ἔφυγον ἀπὸ τῆς θαλάττης, ὀλίγοι δὲ μετ´ ἐμοῦ θαρρήσαντες προσελθεῖν ἐγνώρισαν Ἀρίονα τὸν κιθαρῳδόν, αὐτὸν τοὔνομα φθεγγόμενον ἑαυτοῦ, καὶ τῇ στολῇ καταφανῆ γενόμενον· τὸν γὰρ ἐναγώνιον ἐτύγχανεν ἀμπεχόμενος κόσμον, κιθαρῳδῶν ἐχρήσατο. "Κομίσαντες οὖν ἐπὶ σκηνὴν αὐτόν, ὡς οὐδὲν εἶχε κακὸν ἀλλ´ διὰ τάχος καὶ ῥοῖζον ἐφαίνετο τῆς φορᾶς ἐκλελυμένος καὶ κεκμηκώς, ἠκούσαμεν λόγον ἄπιστον ἅπασι πλὴν ἡμῶν τῶν θεασαμένων τὸ τέλος. ἔλεγε γὰρ Ἀρίων ὡς πάλαι μὲν ἐγνωκὼς ἐκ τῆς Ἰταλίας ἀπαίρειν, Περιάνδρου δὲ γράψαντος αὐτῷ προθυμότερος γενόμενος ὁλκάδος Κορινθίας παραφανείσης εὐθὺς ἐπιβὰς ἀναχθείη, μετρίῳ δὲ πνεύματι χρωμένων ἡμέρας τρεῖς αἴσθοιτο τοὺς ναύτας ἐπιβουλεύοντας ἀνελεῖν αὐτόν, εἶτα καὶ παρὰ τοῦ κυβερνήτου πύθοιτο κρύφα μηνύσαντος ὡς τῇ νυκτὶ τοῦτο δρᾶν αὐτοῖς εἴη δεδογμένον. ἔρημος οὖν ὢν βοηθείας καὶ ἀπορῶν ὁρμῇ τινι χρήσαιτο δαιμονίῳ τὸ μὲν σῶμα κοσμῆσαι καὶ λαβεῖν ἐντάφιον αὑτῷ τὸν ἐναγώνιον ἔτι ζῶν κόσμον, ἐπᾷσαι δὲ τῷ βίῳ τελευτῶν καὶ μὴ γενέσθαι κατὰ τοῦτο τῶν κύκνων ἀγεννέστερος. ἐσκευασμένος οὖν καὶ προειπὼν ὅτι προθυμία τις αὐτὸν ἔχοι τῶν νόμων διελθεῖν τὸν Πυθικὸν ὑπὲρ σωτηρίας αὑτοῦ καὶ τῆς νεὼς καὶ τῶν ἐμπλεόντων, καταστὰς παρὰ τὸν τοῖχον ἐν πρύμνῃ καί τινα θεῶν πελαγίων ἀνάκλησιν προανακρουσάμενος ᾄδοι τὸν νόμον. καὶ ὅσον οὔπω μεσοῦντος αὐτοῦ καταδύοιτο μὲν ἥλιος εἰς τὴν θάλατταν, ἀναφαίνοιτο δ´ Πελοπόννησος. οὐκέτ´ οὖν τῶν ναυτῶν τὴν νύκτα περιμενόντων ἀλλὰ χωρούντων ἐπὶ τὸν φόνον, ἰδὼν ξίφη γεγυμνωμένα καὶ παρακαλυπτόμενον ἤδη τὸν κυβερνήτην, ἀναδραμὼν ῥίψειεν ἑαυτὸν ὡς δυνατὸν ἦν μάλιστα πόρρω τῆς ὁλκάδος. πρὶν δ´ ὅλον καταδῦναι τὸ σῶμα δελφίνων ὑποδραμόντων ἀναφέροιτο, μεστὸς ὢν ἀπορίας καὶ ἀγνοίας καὶ ταραχῆς τὸ πρῶτον· ἐπεὶ δὲ ῥᾳστώνη τῆς ὀχήσεως ἦν, καὶ πολλοὺς ἑώρα ἀθροιζομένους περὶ αὐτὸν εὐμενῶς καὶ διαδεχομένους ὡς ἀναγκαῖον ἐν μέρει λειτούργημα καὶ προσῆκον πᾶσιν, δ´ ὁλκὰς ἀπολειφθεῖσα πόρρω τοῦ τάχους αἴσθησιν παρεῖχε, μήτε τοσοῦτον ἔφη δέους πρὸς θάνατον αὐτῷ μήτ´ ἐπιθυμίας τοῦ ζῆν ὅσον φιλοτιμίας ἐγγενέσθαι πρὸς τὴν σωτηρίαν, ὡς θεοφιλὴς ἀνὴρ φανείη καὶ λάβοι περὶ θεῶν δόξαν βέβαιον. ἅμα δὲ καθορῶν τὸν οὐρανὸν ἀστέρων περίπλεων καὶ τὴν σελήνην ἀνίσχουσαν εὐφεγγῆ καὶ καθαράν, ἑστώσης δὲ πάντῃ τῆς θαλάττης ἀκύμονος ὥσπερ τρίβον ἀνασχιζόμενον τῷ δρόμῳ, διανοεῖσθαι πρὸς αὑτὸν ὡς οὐκ ἔστιν εἷς τῆς Δίκης ὀφθαλμός, ἀλλὰ πᾶσι τούτοις ἐπισκοπεῖ κύκλῳ θεὸς τὰ πραττόμενα περὶ γῆν τε καὶ θάλατταν. τούτοις δὲ δὴ τοῖς λογισμοῖς ἔφη τὸ κάμνον αὐτῷ καὶ βαρυνόμενον ἤδη τοῦ σώματος ἀναφέρεσθαι, καὶ τέλος ἐπεὶ τῆς ἄκρας ἀπαντώσης ἀποτόμου καὶ ὑψηλῆς εὖ πως φυλαξάμενοι καὶ κάμψαντες ἐν χρῷ παρενήχοντο τῆς γῆς ὥσπερ εἰς λιμένα σκάφος ἀσφαλῶς κατάγοντες, παντάπασιν αἰσθέσθαι θεοῦ κυβερνήσει γεγονέναι τὴν κομιδήν. "Ταῦθ´," Γόργος ἔφη, "τοῦ Ἀρίονος εἰπόντος, ἠρόμην αὐτὸν ὅποι τὴν ναῦν οἴεται κατασχήσειν. δὲ πάντως μὲν εἰς Κόρινθον, πολὺ μέντοι καθυστερεῖν· αὐτὸν γὰρ ἑσπέρας ἐκπεσόντα πεντακοσίων οὐ μεῖον οἴεσθαι σταδίων δρόμον κομισθῆναι, καὶ γαλήνην εὐθὺς κατασχεῖν." οὐ μὴν ἀλλ´ ἑαυτὸν Γόργος ἔφη πυθόμενον τοῦ τε ναυκλήρου τοὔνομα καὶ τοῦ κυβερνήτου καὶ τῆς νεὼς τὸ παράσημον ἐκπέμψαι πλοῖα καὶ στρατιώτας ἐπὶ τὰς κατάρσεις παραφυλάξοντας· τὸν δ´ Ἀρίονα μετ´ αὐτοῦ κομίζειν ἀποκεκρυμμένον, ὅπως μὴ προαισθόμενοι τὴν σωτηρίαν διαφύγοιεν· ὄντως οὖν ἐοικέναι θείᾳ τύχῃ τὸ πρᾶγμα· παρεῖναι γὰρ αὐτοὺς ἅμα δεῦρο καὶ πυνθάνεσθαι τῆς νεὼς κεκρατημένης ὑπὸ τῶν στρατιωτῶν συνειλῆφθαι τοὺς ἐμπόρους καὶ ναύτας. μὲν οὖν Περίανδρος ἐκέλευσεν εὐθὺς ἐξαναστάντα τὸν Γόργον εἰς φυλακὴν ἀποθέσθαι τοὺς ἄνδρας οὗ μηδεὶς αὐτοῖς πρόσεισι [18] Gorgias prit donc la parole. Le sacrifice qu'il devait accomplir avait duré trois jours. Au bout de ce temps on se livrait à des danses et à des divertissements sur le rivage : «La nuit était complète», continua-t-il, «et la lune brillait sur les flots de la mer. Il n'y avait pas le moindre vent: aucun souffle ne troublait le calme de la plaine liquide. Tout à coup, on aperçut de loin un sillage frissonnant qui descendait le long du promontoire, amenant autour de soi quelque écume, et aussi, à cause du roulement des vagues, un très grand bruit. Étonnés, nous courûmes tous du côté où ces vagues allaient aboutir. Mais avant que la rapidité de l'objet nous eût permis de former une conjecture, nous vîmes que c'étaient des dauphins. Les uns nageaient en cercle très resserré ; les autres semblaient servir de guides pour aborder à l'endroit le plus uni de la plage ; d'autres étaient derrière comme faisant partie d'un cortége; et au milieu d'eux se dressait au-dessus des flots une masse indistincte et sans forme, semblable à celle d'un corps qui serait porté. Bientôt ils se serrèrent tous ensemble, touchèrent le rivage, et y déposèrent un homme qui vivait et se remuait. Après quoi regagnant le promontoire, ils nagèrent avec plus de vivacité qu'auparavant, et il semblait que leurs jeux et leurs ébats fussent causés par un certain plaisir qu'ils éprouvaient. Un grand nombre d'entre nous, continua Gorgias, furent troublés et s'enfuirent loin de la mer. Quelques-uns seulement, j'étais de ceux-là, eurent le courage de s'approcher. Nous reconnûmes Arion le joueur de cithare. Il nous dit lui-même son nom, et il était bien facile à distinguer par son vêtement : car il se trouvait avoir le costume dont il se parait pour jouer de la cithare dans les jeux publics. Nous le portâmes jusqu'à une tente : il n'avait aucun mal ; mais on voyait que la rapidité et le mouvement saccadé du trajet l'avaient étourdi et fatigué. Là nous entendîmes un récit incroyable pour tout le monde, excepté pour nous qui avions vu comment l'aventure s'était terminée. Arion nous dit en effet, que, décidé depuis longtemps à quitter l'Italie, et une lettre de Périandre ayant rendu ce désir plus vif encore, il s'était sans aucun retard embarqué sur le premier bâtiment de transport corinthien qui avait paru. On avait gagné la haute mer, et l'on voguait avec un vent modéré lorsqu'il comprit que les matelots complotaient de le faire périr. Il sut même ensuite du pilote, qui lui en donna l'avis secret, qu'ils étaient convenus d'exécuter leur projet cette nuit même. Etant donc privé de secours et sans ressource, il lui vint à l'idée, comme par une inspiration divine, de se costumer magnifiquement, de prendre, vivant encore, pour linceul funèbre sa robe d'apparat, et de chanter au moment de mourir, afin de ne pas se montrer en cette occurrence moins courageux que les cygnes. Il se revêtit donc de tous ses ornements, et il commença par dire qu'il se sentait animé du désir de chanter l'hymne à Apollon Pythien pour obtenir son propre salut, celui du navire et celui des passagers. Alors il se plaça debout à la poupe sur le bord du vaisseau, et, après avoir préludé par une invocation adressée aux dieux marins, il entonna cet hymne. Il n'en était pas encore à la moitié, que le soleil se plongeait dans la mer et qu'apparaissait le Péloponnèse. Les matelots, sans attendre la nuit, s'avançaient pour l'égorger. Quand il vit leurs épées nues et le pilote qui se voilait déjà le visage, il prit son élan et se jeta dans la mer, aussi loin du vaisseau qu'il le put. Mais avant que son corps eût plongé tout entier dans les flots, des dauphins, qui étaient accourus, le soulevèrent. Ignorant ce que c'était, il fut d'abord rempli d'hésitation et de trouble. Toutefois, attendu que le mode de transport était des plus doux, qu'il voyait un grand nombre de dauphins l'entourer d'un air empressé, se succédant tour à tour comme si c'était un hommage qu'ils dussent tous lui rendre nécessairement ; attendu enfin que la nef laissée en arrière lui faisait apprécier la rapidité avec laquelle on le portait, sa frayeur, nous dit-il, ne tarda pas à se dissiper. Il se trouva moins épouvanté de la mort et moins désireux de vivre, que jaloux de voir s'accomplir l'oeuvre de sa conservation, afin de montrer clairement qu'il était aimé des dieux et afin d'acquérir une ferme conviction de leur bienveillance. En même temps qu'il contemplait le ciel rempli d'étoiles, la lune qui répandait une lumière douce et pure, et la mer unie au loin sur toute sa surface sans autre vague que le sillon produit par la course du cortége, il se prit à réfléchir en lui-même que la justice a plus d'un oeil ouvert, et que les astres sont autant d'intermédiaires par lesquels Dieu voit l'ensemble de ce qui se fait et sur la terre et sur les flots. Ces réflexions, nous dit-il, eurent bientôt dissipé la fatigue qui alourdissait son corps; et lorsqu'à la fin, un promontoire très haut et très escarpé ayant surgi, les dauphins en eurent tourné l'abord avec des précautions infinies (car ils nageaient en rasant les côtes et comme s'ils conduisaient le plus sûrement possible dans le port un vaisseau), il reconnut à n'en pas douter que c'était la main d'un dieu qui l'avait dirigé et soutenu sur les flots. Quand Arion nous eut fait ce récit, continua Gorgias, je lui demandai où il pensait que la nef dût toucher terre. Il me dit que ce serait indubitablement à Corinthe, mais que ce ne pourrait être toutefois qu'après un long retard, parce que, après être tombé le soir dans la mer, il avait été porté d'une course rapide, pendant un trajet qu'il n'évaluait pas à moins de cinq cents stades et qu'il était survenu tout à coup un calme plat. Gorgias nous dit que, nonobstant, il lui avait demandé le nom du patron et celui du pilote ainsi que le signalement du navire, et qu'il avait envoyé des chaloupes avec des soldats pour s'assurer de tous les mouillages. Il ajouta qu'il menait aussi Arion avec lui, mais en ayant soin de le cacher, de peur que les coupables, ayant eu vent de sa conversation, ne prissent la fuite de différents côtés ; qu'en réalité cette aventure semblait tenir tout à fait d'un prodige divin, puisqu'à l'instant même où ils venaient d'arriver on leur avait appris que les soldats s'étaient emparés du bâtiment et qu'on avait arrêté les matelots avec les passagers. Périandre invita donc Gorgias à se lever incontinent pour aller faire emprisonner ces misérables sans que personne pût approcher d'eux ou qu'on trouvât moyen de leur apprendre qu'Arion était sauvé.


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Dernière mise à jour : 10/05/2005