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[5] Τούτων οὐδὲν τῇ ἀθεότητι πρόσεστιν, ἀλλ´
ἡ μὲν ἄγνοια χαλεπὴ καὶ τὸ παρορᾶν καὶ τυφλώττειν
περὶ τηλικαῦτα συμφορὰ μεγάλη ψυχῆς, ὥσπερ
ὀμμάτων πολλῶν τὸ φανότατον καὶ κυριώτατον ἀπεσβεσμένης
τὴν τοῦ θεοῦ νόησιν. ταύτῃ δὲ τὸ ἐμπαθές,
ὥσπερ εἴρηται, καὶ ἑλκῶδες καὶ ταρακτικὸν
καὶ καταδεδουλωμένον εὐθὺς πρόσεστι τῇ δόξῃ.
μουσικήν φησιν ὁ Πλάτων ἐμμελείας καὶ εὐρυθμίας
δημιουργὸν ἀνθρώποις ὑπὸ θεῶν οὐ τρυφῆς ἕνεκα
καὶ κνήσεως ὤτων δοθῆναι, ἀλλ´ ὥστε τῶν τῆς
ψυχῆς περιόδων καὶ ἁρμονιῶν τὸ ταραχῶδες καὶ
πεπλανημένον ἐν σώματι, μούσης τε καὶ χάριτος
ἐνδείᾳ πολλαχῇ δι´ ἀκολασίαν καὶ πλημμέλειαν ἐξυβρίζον,
αὖθις εἰς τάξιν ἀνελίττουσαν οἰκείως καὶ
περιάγουσαν καθιστάναι.
"ὅσσα δὲ μὴ πεφίληκε Ζεύς," φησὶ Πίνδαρος,
"ἀτύζονται βοὰν
Πιερίδων ἀίοντα·"
καὶ γὰρ διαγριαίνεται καὶ ἀγανακτεῖ, καὶ τὰς
τίγρεις δέ φασι περιτυμπανιζομένας ἐκμαίνεσθαι
καὶ ταράττεσθαι καὶ τέλος αὑτὰς διασπᾶν. ἔλαττον
οὖν κακὸν οἷς διὰ κωφότητα καὶ πήρωσιν
ἀκοῆς ἀπάθεια πρὸς μουσικὴν καὶ ἀναισθησία
συμβέβηκεν. ὁ Τειρεσίας ἐχρῆτο δυστυχίᾳ μὴ
βλέπων τὰ τέκνα μηδὲ τοὺς συνήθεις, ὁ δ´ Ἀθάμας
μείζονι καὶ ἡ Ἀγαύη, βλέποντες ὡς λέοντας καὶ
ἐλάφους· καὶ τῷ Ἡρακλεῖ δήπου μανέντι τοὺς
υἱοὺς ἐλυσιτέλει μήτ´ ἰδεῖν μήτ´ αἰσθέσθαι παρόντας
ἢ χρῆσθαι τοῖς φιλτάτοις ὡς πολεμίοις.
| [5] Aucun de ces maux n'existe pour l'athée. Sans doute
son erreur est déplorable. L'ignorance et l'aveuglement
sur des matières aussi importantes sont un grand malheur
pour l'âme. Il semble que chez elle se soient éteints
les plus clairvoyants et les plus essentiels de ses yeux
innombrables, à savoir l'intuition de la divinité : mais
au moins la crainte passionnée que nous avons dite, l'ulcération,
le trouble, l'asservissement complet, ne se joignent
pas tout aussitôt à cette opinion. Platon dit que la
musique, source d'accords et d'harmonie, n'a pas été donnée
aux hommes par les dieux pour charmer les oreilles et les
chatouiller. « Mais dit-il, « lorsque les évolutions, ordinairement
si harmonieuses de l'âme, ne s'opèrent plus dans le
corps qu'avec trouble et égarement, lorsque, faute des
Muses et des Grâces, le libertinage et la nonchalance rendent
ces évolutions injurieuses et outrageantes la musique à son
tour se présente pour les ramener et les mettre doucement
en ordre. » Comme l'a dit Pindare :
"Ceux que hait Jupiter, aux doux accents des Muses
Sont frappés de terreur".
C'est pour eux une raison de s'aigrir, de s'indigner, comme
on dit que les tigres, lorsqu'ils entendent le bruit du tambour,
entrent en fureur et sont troublés au point de finir par
se déchirer eux-mêmes. Moindre est donc le mal pour ceux
qui, en raison de la surdité ou de la perte de l'ouïe, se
trouvent incapables d'être affectés par la musique et d'y
être sensibles. Tirésias était malheureux, à la vérité, de ne
plus voir ses enfants et ses amis, mais Athamas et Agavé le
furent davantage, de rencontrer en leurs propres fils des lions
et des cerfs; et quand Hercule fut devenu furieux, il aurait
été meilleur pour lui de ne pas voir ses enfants, de ne pas les
sentir à ses côtés, que de traiter en ennemis des êtres qui
lui étaient si chers.
| [6] Τί οὖν; οὐ δοκεῖ σοι καὶ τὸ τῶν ἀθέων πρὸς
τοὺς δεισιδαίμονας πάθος ἔχειν τοιαύτην διαφοράν;
οἱ μὲν οὐχ ὁρῶσι τοὺς θεοὺς τὸ παράπαν, οἱ δὲ
κακοὺς ὑπάρχειν νομίζουσιν· οἱ μὲν παρορῶσιν, οἱ
δὲ δοξάζουσι φοβερὸν τὸ εὐμενὲς καὶ τυραννικὸν
τὸ πατρικὸν καὶ βλαβερὸν τὸ κηδεμονικὸν καὶ τὸ
ἀμήνιτον ἄγριον εἶναι καὶ θηριῶδες. εἶτα χαλκοτύποις
μὲν πείθονται καὶ λιθοξόοις καὶ κηροπλάσταις
ἀνθρωπόμορφα τῶν θεῶν τὰ εἴδη ποιοῦσι,
καὶ τοιαῦτα πλάττουσι καὶ κατασκευάζουσι καὶ
προσκυνοῦσι· φιλοσόφων δὲ καὶ πολιτικῶν ἀνδρῶν
καταφρονοῦσιν, ἀποδεικνύντων τὴν τοῦ θεοῦ σεμνότητα
μετὰ χρηστότητος καὶ μεγαλοφροσύνης
καὶ εὐμενείας καὶ κηδεμονίας. περίεστιν οὖν τοῖς
μὲν ἀναισθησία καὶ ἀπιστία τῶν ὠφελούντων, τοῖς
δὲ ταραχὴ καὶ φόβος πρὸς τὰ ὠφελοῦντα. καὶ
ὅλως ἡ μὲν ἀθεότης ἀπάθεια πρὸς τὸ θεῖόν ἐστι
μὴ νοοῦσα τὸ ἀγαθόν, ἡ δὲ δεισιδαιμονία πολυπάθεια
κακὸν τὸ ἀγαθὸν ὑπονοοῦσα. φοβοῦνται τοὺς
θεοὺς καὶ καταφεύγουσιν ἐπὶ τοὺς θεούς, κολακεύουσι
καὶ λοιδοροῦσιν, εὔχονται καὶ καταμέμφονται.
κοινὸν ἀνθρώπων τὸ μὴ πάντα διευτυχεῖν.
κεῖνοι γάρ τ´ ἄνοσοι καὶ ἀγήραοι
πόνων τ´ ἄπειροι, βαρυβόαν
πορθμὸν πεφευγότες Ἀχέροντος,
ὁ Πίνδαρος θεούς φησι, τὰ δ´ ἀνθρώπινα πάθη
καὶ πράγματα μέμικται συντυχίαις ἄλλοτ´ ἄλλως
ῥεούσαις.
| [6] Mais quoi! ne vous semble-t-il pas que ce soit la même
différence qui existe entre les athées et les superstitieux? Les
premiers ne voient absolument point les dieux; les seconds
croient les voir personnellement sous leurs yeux. Les uns les
renient; les autres regardent leur bienveillance comme un
objet de terreur, leur tendresse paternelle comme une tyrannie,
leur sollicitude comme un fléau, leur calme impassible
comme de la barbarie et de la férocité. Puis, sur la foi de fabricants
d'images en bronze, en pierre, en cire, ils se figurent
que les dieux ont des corps dont la forme est celle des nôtres,
et c'est comme tels qu'ils les façonnent, qu'ils leur prodiguent
les ornements et les adorations. Ils méprisent
les philosophes et les hommes d'État, quand ceux - ci
leur démontrent que le caractère auguste de Dieu se concilie
avec la bonté, la magnanimité, la bienveillance et la
sollicitude. Ainsi les athées opposent 1'indifférençe et
l'incrédulité aux biens que les dieux nous prodiguent; les
superstitieux accueillent ces biens avec trouble et terreur.
En résumé, l'athéisme est l'insensibilité à l'égard de Dieu, jointe
à l'ignorance de ce qui est souverainement bon; la superstition est
au contraire une multiplicité de passions excessives qui dans
le bien ne soupçonnent que le mal. Elle redoute les dieux,
et elle se réfugie au pied de leurs autels; elle les flatte
et elle les insulte ; elle leur adresse des prières, et aussi des
malédictions. C'est la commune destinée des hommes de
n'être pas constamment heureux en toutes choses. "Les
dieux," dit Pindare,
"Des fatigues, des ans, d'infirmités sans nombre
Ignorent tout le poids, et le Tartare sombre
Ne les réclame pas."
Au contraire les passions et les affaires humaines sont
mêlées d'influences qui prennent tantôt un cours tantôt un autre.
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