[1,5] ΠΡΟΒΛΗΜΑ Ε
Πῶς εἴρηται τὸ ‘ποιητὴν δ´ ἄρα Ἔρως διδάσκει’.
Πῶς εἴρηται τὸ
‘ποιητὴν δ´ ἄρα
Ἔρως διδάσκει, κἂν ἄμουσος ᾖ τὸ πρίν’,
ἐζητεῖτο παρὰ Σοσσίῳ Σαπφικῶν τινων ᾀσθέντων, ὅπου
καὶ τὸν Κύκλωπα ‘μούσαις εὐφώνοις ἰᾶσθαι’ φησὶ ‘τὸν
ἔρωτα’ Φιλόξενος. ἐλέχθη μὲν οὖν ὅτι πρὸς
πάντα τόλμαν ὁ ἔρως καὶ καινοτομίαν συγχωρῆσαι δεινός
ἐστιν, ὥσπερ καὶ Πλάτων
‘ἴτην’ αὐτὸν καὶ ‘παντὸς ἐπιχειρητὴν’ ὠνόμασεν· καὶ
γὰρ λάλον ποιεῖ τὸν σιωπηλὸν καὶ θεραπευτικὸν τὸν
αἰσχυντηλόν, ἐπιμελῆ δὲ καὶ φιλόπονον τὸν ἀμελῆ καὶ
ῥᾴθυμον· ὃ δ´ ἄν τις μάλιστα θαυμάσειεν, φειδωλὸς ἀνήρ
τε καὶ μικρολόγος ἐμπεσὼν εἰς ἔρωτα καθάπερ εἰς πῦρ
σίδηρος ἀνεθεὶς καὶ μαλαχθεὶς ἁπαλὸς καὶ ὑγρὸς καὶ
ἡδίων, ὥστε τουτὶ τὸ παιζόμενον μὴ πάνυ φαίνεσθαι
γελοῖον ὅτι ‘πράσου φύλλῳ τὸ τῶν ἐρώντων δέδεται βαλλάντιον’.
ἐλέχθη δὲ καὶ ὅτι τῷ μεθύειν τὸ ἐρᾶν ὅμοιόν ἐστιν· ποιεῖ γὰρ θερμοὺς
καὶ ἱλαροὺς καὶ διακεχυμένους, γενόμενοι δὲ τοιοῦτοι πρὸς
τὰς ἐπῳδοὺς καὶ ἐμμέτρους μάλιστα φωνὰς ἐκφέρονται·
καὶ τὸν Αἰσχύλον φασὶ τὰς τραγῳδίας πίνοντα ποιεῖν καὶ
διαθερμαινόμενον. ἦν δὲ Λαμπρίας ὁ ἡμέτερος πάππος ἐν
τῷ πίνειν εὑρετικώτατος αὐτὸς αὑτοῦ καὶ λογιώτατος·
εἰώθει δὲ λέγειν ὅτι τῷ λιβανωτῷ παραπλησίως ὑπὸ
θερμότητος ἀναθυμιᾶται. καὶ μὴν ἥδιστα τοὺς ἐρωμένους
ὁρῶντες οὐχ ἧττον ἡδέως ἐγκωμιάζουσιν ἢ ὁρῶσιν,
καὶ πρὸς πάντα λάλος ὢν ἔρως λαλίστατός ἐστιν ἐν τοῖς
ἐπαίνοις. αὐτοί τε γὰρ οὕτως πεπεισμένοι τυγχάνουσιν καὶ
βούλονται πεπεῖσθαι πάντας ὡς καλῶν καὶ ἀγαθῶν ἐρῶντες.
τοῦτο καὶ τὸν Λυδὸν ἐπῆρεν Κανδαύλην τῆς
ἑαυτοῦ γυναικὸς ἐπισπᾶσθαι θεατὴν εἰς τὸ δωμάτιον τὸν
- - - τὴν οὐ· βούλονται γὰρ ὑπ´ ἄλλων μαρτυρεῖσθαι· διὸ
καὶ γράφοντες ἐγκώμια τῶν καλῶν ἐπικοσμοῦσιν αὐτὰ
μέλεσι καὶ μέτροις καὶ ᾠδαῖς, ὥσπερ εἰκόνας χρυσῷ καλλωπίζοντες,
ὅπως ἀκούηταί τε μᾶλλον ὑπὸ πολλῶν καὶ
μνημονεύηται· καὶ γὰρ ἂν ἵππον καὶ ἀλεκτρυόνα κἂν ἄλλο
τι τοῖς ἐρωμένοις διδῶσι, καλὸν εἶναι καὶ κεκοσμημένον
ἐκπρεπῶς βούλονται καὶ περιττῶς τὸ δῶρον, μάλιστα δὲ
λόγον κόλακα προσφέροντες ἡδὺν ἐθέλουσι φαίνεσθαι καὶ
γαῦρον καὶ περιττόν, οἷος ὁ ποιητικός ἐστιν.
Ὁ μέντοι Σόσσιος ἐπαινέσας ἐκείνους εἶπεν ὡς οὐ
χεῖρον ἄν τις ἐπιχειρήσειεν ὁρμηθεὶς ἀφ´ ὧν Θεόφραστος
εἴρηκεν περὶ μουσικῆς· ‘καὶ γὰρ ἔναγχος’ ἔφη ‘τὸ βιβλίον
ἀνέγνων. λέγει δὲ μουσικῆς ἀρχὰς τρεῖς εἶναι,
λύπην, ἡδονήν, ἐνθουσιασμόν, ὡς ἑκάστου τῶν - - -
αὐτῶν παρατρέποντος ἐκ τοῦ συνήθους καὶ παρεγκλίνοντος
τὴν φωνήν. αἵ τε γὰρ λῦπαι τὸ γοερὸν καὶ θρηνητικὸν
ὀλισθηρὸν εἰς ᾠδὴν ἔχουσιν, διὸ καὶ τοὺς ῥήτορας
ἐν τοῖς ἐπιλόγοις καὶ τοὺς ὑποκριτὰς ἐν τοῖς ὀδυρμοῖς
ἀτρέμα τῷ μελῳδεῖν προσάγοντας ὁρῶμεν καὶ παρεντείνοντας
τὴν φωνήν. αἵ τε σφοδραὶ περιχάρειαι τῆς ψυχῆς
τῶν μὲν ἐλαφροτέρων τῷ ἤθει καὶ τὸ σῶμα συνεπαίρουσιν
καὶ παρακαλοῦσιν εἰς ἔνρυθμον κίνησιν, ἐξαλλομένων καὶ
κροτούντων εἴπερ ὀρχεῖσθαι μὴ δύνανται·
’μανίαι τ´ ἀλαλαί τ´ ὀρινομένων ῥιψαύχενι σὺν κλόνῳ‘
κατὰ Πίνδαρον· οἱ δὲ χαρίεντες ἐν
τῷ πάθει τούτῳ γενόμενοι τὴν φωνὴν μόνην εἰς τὸ ᾄδειν
καὶ φθέγγεσθαι μέτρα καὶ μέλη προΐενται. μάλιστα δ´ ὁ
ἐνθουσιασμὸς ἐξίστησι καὶ παρατρέπει τό τε σῶμα καὶ
τὴν φωνὴν τοῦ συνήθους καὶ καθεστηκότος. ὅθεν αἵ τε
βακχεῖαι ῥυθμοῖς χρῶνται καὶ τὸ χρησμῳδεῖν ἐμμέτρως
παρέχεται τοῖς ἐνθεαζομένοις, τῶν τε μαινομένων ὀλίγους
ἰδεῖν ἔστιν ἄνευ μέτρου καὶ ᾠδῆς ληροῦντας. οὕτω δὲ
τούτων ἐχόντων εἰ βούλοιο καθορᾶν ὑπ´ αὐγὰς διαπτύξας
τὸν ἔρωτα καὶ καταμανθάνειν, οὐκ ἂν ἄλλο πάθος εὕροις
οὔτε λύπας δριμυτέρας ἔχον οὔτε σφοδροτέρας περιχαρείας
οὔτε μείζονας ἐκστάσεις καὶ παραφροσύνας, ἀλλ´
ὥσπερ τὴν Σοφοκλέους πόλιν ἀνδρὸς ἐρωτικοῦ
ψυχὴν ’ὁμοῦ μὲν θυμιαμάτων γέμουσαν,
ὁμοῦ δὲ παιάνων τε καὶ στεναγμάτων.‘
οὐδὲν οὖν ἄτοπον οὐδὲ θαυμαστόν, εἰ πάσας, ὅσαι μουσικῆς
εἰσιν ἀρχαί, περιέχων ὁ ἔρως ἐν αὑτῷ καὶ συνειληφώς,
λύπην ἡδονὴν ἐνθουσιασμόν, τά τ´ ἄλλα φιλόφωνός
ἐστι καὶ λάλος εἴς τε ποίησιν μελῶν καὶ μέτρων ὡς οὐδὲν
ἄλλο πάθος ἐπίφορος καὶ κατάντης.’
| [1,5] QUESTION V.
Dans quel sens on a dit, que «l'amour enseigne la musique».
PERSONNAGES DU DIALOGUE : SOSSIUS, PLUTARQUE,
AUTRES ASSISTANTS.
I. «Dans quel sens a-t-on dit :
"L'amour enseigne la musique
A ceux qui ne s'en doutaient pas"?
Telle fut la question que l'on se posa chez Sossius, après
qu'eurent été chantés quelques vers saphiques où le poète
Philoxène raconte «que le Cyclope même se guérissait de
son amour en écoutant les Muses aux belles voix.» Il fut
dit, qu'en toutes choses l'amour peut donner de l'audace,
un esprit d'innovation, et que c'est à ce point de vue que
Platon l'appelle "un aventurier capable de tout entreprendre".
Cette passion rend bavard le taciturne, obséquieux
le réservé, soigneux et actif l'insouciant et le paresseux.
Ce qui est plus merveilleux que tout, c'est que si un
homme avare et mesquin tombe dans les filets de l'amour,
il se détend et s'amollit, comme le fer au feu. Il devient
accommodant, flexible, plus agréable que de coutume : si
bien qu'il ne faut pas regarder comme tout à fait ridicule cette
plaisanterie, que «la bourse des amoureux n'est liée qu'avec
une feuille de poireau.» Il fut dit encore, que l'amour
ressemble à l'ivresse. Comme elle, il échauffe, il égaye, il
épanouit ; et quand on aime, on se laisse emporter le plus
facilement du monde à composer des chansons et des vers.
Eschyle, dit-on, faisait ses tragédies quand il avait bu et qu'il
était bien échauffé. Lamprias, notre aïeul, n'était jamais
plus inventif et plus éloquent que lorsqu'il buvait, et il avait
l'habitude de dire qu'il ressemblait à l'encens, lequel n'exhale
son parfum que lorsqu'on le brûle.
Si les amants sont très heureux de contempler les personnes
qu'ils adorent, ils n'éprouvent pas moins de plaisir à les
louer qu'à les voir; et l'amour, si babillard à tout propos,
l'est plus que jamais lorsqu'il s'agit de louer. Persuadés
comme ils le sont, ils veulent persuader à tous, que c'est une
perfection que l'objet de leur tendresse. Ce fut ce qui détermina
le Lydien Candaule à introduire Gygès dans son
appartement, pour lui faire voir sa femme. On veut avoir le
témoignage des autres. C'est pour cela que quand les amoureux
entreprennent la louange de la beauté qui les a séduits,
ils la rehaussent par de la poésie au langage cadencé, par le
chant, comme on dore les statues pour les embellir ; et ils
espèrent que leurs paroles entreront mieux dans toutes les
oreilles et dans toutes les mémoires. S'ils donnent à la personne
aimée un cheval, un coq, ou quelque autre chose, ils
veulent que le présent soit beau, orné richement et d'une
manière exquise. Mais c'est surtout quand leur louange s'exprime
par le langage, qu'ils s'attachent à rendre ce langage
agréable, relevé, excellent : comme l'est le style poétique.
2. Sossius, tout en ne laissant pas que d'approuver ces
raisons, fit remarquer que l'on aurait trouvé des arguments
aussi ingénieux en se rapportant à ce que Théophraste
écrit sur la musique. «Car tout récemment, dit-il, j'ai lu le
traité de cet auteur. Théophraste établit que les trois sources
de la musique sont la douleur, le plaisir, et l'inspiration
divine; que chacune de ces trois causes modifie la voix et la
fait dévier de ses inflexions habituelles. La douleur, en effet,
a des plaintes et des lamentations qui tournent facilement
au chant. Aussi voyons-nous que les orateurs dans leurs
péroraisons, et les comédiens dans les scènes à gémissements,
rapprochent peu à peu leur voix du chant et la rendent
plus aiguë. Les joies excessives de l'âme agissent sur
les personnes d'un caractère plus léger, de manière à
ébranler tout leur corps. Elles provoquent chez elles des
mouvements et des cadences. On bondit, ou bien l'on frappe
des mains si l'on ne peut pas danser :
"Ce sont des transports d'ivresse.
Le cou s'agite et se dresse ;
On se démène en tous sens",
comme dit Pindare. Ii est vrai que les gens de bon goût, lorsqu'ils
viennent à éprouver des joies pareilles, laissent seulement
aller leur voix jusqu'à chanter, à parler haut et à
répéter des vers. Mais c'est surtout l'inspiration divine qui
tire et détourne le corps, ainsi que la voix , de ses habitudes
et de sa condition ordinaire. De là vient que dans
les orgies les Bacchantes usent de cadences mesurées ; que
ceux qui, par enthousiasme prophétique, rendent les oracles,
répondent en vers; que l'on voit peu de fous qui, dans
leurs extravagances, ne chantent et ne disent des vers.
Les choses étant ainsi, si vous voulez déployer l'amour
dans son éclat le plus vif, le voir, l'étudier de près, vous ne
trouverez aucune autre passion où les peines soient plus aiguës,
les transports de joie, plus violents, les ravissements
et les délires, plus exagérés. L'âme d'un amoureux présente
le même spectacle que la ville de Sophocle :
"Elle est tout à la fois pleine d'encens pieux,
Pleine de chants de fête et de cris douloureux".
Il n'y a donc rien d'étrange et de surprenant à ce que l'amour
qui contient et comprend en soi toutes les causes primitives
de la musique, à savoir la douleur, le plaisir et l'enthousiasme,
soit également plein d'activité pour le reste, qu'il
prodigue les paroles, que, plus qu'aucune autre passion,
il invite et pousse à chanter et à faire des vers.
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