[83] τὸ φανταστικὸν καὶ παθητικὸν διακεχυμένον (83a) ὑπὸ τοῦ λόγου. Τοῦτο δὲ
καὶ Πλάτων, ὡς ἔοικε, συνιδὼν πρότερος ἐξεμόρφωσε καὶ διετύπωσε τῆς φύσει
τυραννικῆς ψυχῆς τὸ φανταστικὸν καὶ ἄλογον οἷα κατὰ τοὺς ὕπνους δρᾷ. «
Μητρί τε γὰρ ἐπιχειρεῖ μίγνυσθαι » καὶ περὶ βρώσεις ὁρμᾷ παντοδαπάς,
παρανομοῦν καὶ χρώμενον ἑαυτοῦ ταῖς ἐπιθυμίαις οἷον λελυμέναις, ἃς μεθ´
ἡμέραν ὁ νόμος αἰσχύνῃ καὶ φόβῳ καθείργνυσιν. Ὥσπερ οὖν τὰ πεπαιδευμένα
καλῶς τῶν ὑποζυγίων, οὐδ´ ἂν ἀφῇ τὰς ἡνίας ὁ ἄρχων, ἐπιχειρεῖ
παρατρέπεσθαι καὶ (83b) ἀπολείπειν τὴν ὁδόν, ἀλλ´ ὥσπερ εἴθισται πρόεισιν
ἐν τάξει, διαφυλάττοντα τὴν πορείαν ἄπταιστον, οὕτως οἷς ἂν εὐπειθὲς τὸ
ἄλογον ἤδη καὶ πρᾶον ᾖ γεγονὸς ὑπὸ τοῦ λόγου καὶ κεκολασμένον, οὔτε καθ´
ὕπνους οὔθ´ ὑπὸ νόσων ἔτι ῥᾳδίως ἐξυβρίζειν ἢ παρανομεῖν ἐθέλει ταῖς
ἐπιθυμίαις, ἀλλὰ τηρεῖ καὶ διαμνημονεύει τὸν ἐθισμόν, ἰσχὺν ἐμποιοῦντα τῇ
προσοχῇ καὶ τόνον. Εἰ γὰρ καὶ τὸ σῶμα τῇ ἀσκήσει τῆς ἀπαθείας ὑπήκοον
ἑαυτὸ καὶ τὰ μέρη παρέχειν πέφυκεν, ὡς ὀφθαλμούς τε πρὸς οἶκτον ἴσχεσθαι
δακρύων καὶ καρδίαν πηδήματος ἐν φόβοις, (83c) αἰδοῖά τε σωφρόνως ἔχειν
ἀτρέμα καὶ μηδὲν ἐνοχλεῖν παρὰ καλοῖς ἢ καλαῖς, πῶς οὐ μᾶλλον εἰκός ἐστι
τῆς ψυχῆς τοῦ παθητικοῦ τὴν ἄσκησιν ἐπιλαβομένην οἷον ἐκλεαίνειν καὶ
συσχηματίζειν τὰ φαντάσματα καὶ τὰ κινήματα μέχρι τῶν ὕπνων πιέζουσαν; Οἷα
λέγεται καὶ περὶ τοῦ φιλοσόφου Στίλπωνος, ὃς ἰδεῖν ἔδοξε κατὰ τοὺς ὕπνους
ὀργιζόμενον αὐτῷ τὸν Ποσειδῶνα μὴ θύσαντι βοῦν, ὥσπερ ἔθος ἦν ἱερεύειν·
αὑτὸν δὲ μηδὲν ἐκπλαγέντα « Τί λέγεις, » φάναι, « ὦ Πόσειδον; Ὥσπερ παῖς
ἥκεις μεμψιμοιρῶν ὅτι μὴ δανεισάμενος ἐνέπλησα (83d) κνίσης τὴν πόλιν,
ἀλλ´ ἀφ´ ὧν εἶχον ἔθυσά σοι μετρίως οἴκοθεν; » Καὶ μέντοι δοκεῖν αὐτῷ τὸν
Ποσειδῶνα μειδιάσαντα τὴν δεξιὰν προτεῖναι καὶ εἰπεῖν ὡς ἀφύων φορὰν
Μεγαρεῦσι ποιήσει δι´ ἐκεῖνον. Οἷς οὖν οὕτως εὐόνειρα καὶ φανὰ καὶ ἄλυπα,
φοβερὸν δὲ μηδὲν ἢ τραχὺ μηδὲ κακόηθες ἢ σκολιὸν ἐκ τῶν ὕπνων
ἐπαναφέρεται, ταῦτα τῆς προκοπῆς ἀπαυγασμούς τινας εἶναι λέγουσιν,
οἴστρους δὲ καὶ πτοίας καὶ φυγὰς ἀγεννεῖς καὶ παιδικὰς περιχαρείας καὶ
ὀλοφύρσεις ἐνυπνίων οἰκτρῶν καὶ ἀλλοκότων ῥαχίαις τέ τισι καὶ σάλοις
ἐοικέναι, ψυχῆς οὔπω τὸ κοσμοῦν ἐχούσης οἰκεῖον, ἀλλὰ πλαττομένης ἔτι
δόξαις καὶ νόμοις, ὧν ἀπωτάτω γιγνομένη (83e) κατὰ τοὺς ὕπνους αὖθις
ἀναλύεται καὶ ἀνελίττεται τοῖς πάθεσι. Ταῦτα μὲν οὖν συνεπισκόπει καὶ
αὐτός, εἴτε προκοπῆς ἐστιν εἴτε τινὸς ἕξεως ἤδη βεβαιότητα καὶ κράτος
ἐχούσης ἐπὶ τοῖς λόγοις ἀσάλευτον.
Ἐπεὶ δ´ ἡ παντελὴς ἀπάθεια μέγα καὶ θεῖον, ἡ προκοπὴ δ´ ὡς λέγουσιν ἔοικεν
ἐνδόσει τινὶ παθῶν καὶ πραότητι, δεῖ καὶ πρὸς αὐτὰ καὶ πρὸς ἄλληλα τὰ πάθη
σκοποῦντας κρίνειν τὰς διαφοράς· πρὸς αὐτὰ μέν, εἰ νῦν ἐπιθυμίαις τε
χρώμεθα μαλακωτέραις (83f) τῶν πάλαι καὶ φόβοις καὶ ὀργαῖς, ταχὺ τῷ λόγῳ
τὸ ἐξάπτον αὐτῶν καὶ φλεγμαῖνον ἀφαιροῦντες· πρὸς ἄλληλα δέ, εἰ μᾶλλον
αἰσχυνόμεθα νῦν ἢ φοβούμεθα καὶ ζηλοῦμεν μᾶλλον ἢ φθονοῦμεν καὶ
φιλοδοξοῦμεν ἢ φιλοχρηματοῦμεν, καὶ ὅλως εἰ Δωρίοις μᾶλλον ἢ Λυδίοις ὥσπερ
οἱ μελῳδοῦντες ὑπερβολαῖς ἁμαρτάνομεν, σκληρότεροι περὶ τὴν δίαιταν ὄντες
ἢ μαλακώτεροι, καὶ βραδύτεροι περὶ τὰς πράξεις ἢ προπετέστεροι,
| [83] tient dans une soumission entière l'imagination et les sens.
(83a) Platon l'avait dit avant lui (de la Rép., l. 9) : il représente les désordres qu'excite en nous, pendant le sommeil, la partie animale et féroce, ce tyran de notre âme. On s'imagine avoir des commerces incestueux ; on se plaît aux
aliments les plus barbares ; on se livre sans mesure à ces désirs effrénés
que réprime pendant le jour la crainte de l'infamie ou du supplice. Les
chevaux bien dressés, lors même que le conducteur leur abandonne les
rênes, suivent, sans se détourner, le chemin qu'on leur a fait prendre.
Ainsi, les hommes qui ont su plier la partie animale au joug de la raison,
éprouvent rarement, ou pendant le sommeil, ou
dans la maladie, la révolte des sens. Libres de ces désirs illicites que
la raison proscrit, ils conservent cette sage tempérance, cette attention
sur eux-mêmes dont ils se sont fait une heureuse habitude.
En effet, si l'exercice donne à l'âme un tel empire, qu'elle tienne toutes
les parties du corps dans sa dépendance, qu'elle empêche les yeux de jeter
des larmes de faiblesse, le cœur de tressaillir de crainte, (83c) tous les
sens de s'agiter à la présence des objets qui pourraient les émouvoir,
combien plus doit-elle dompter la partie animale, et réprimer en elle,
jusque dans le sommeil, les saillies des passions et les fantômes d'une
imagination déréglée ! On dit que le philosophe Stilpon crut voir une
nuit en songe le dieu Neptune qui lui reprochait avec colère de ne lui
avoir pas offert un bœuf en sacrifice, comme les autres prêtres avaient
coutume de faire. Stilpon, sans s'étonner de ces menaces : « Eh quoi !
Neptune, lui dit-il, vous venez vous plaindre comme un enfant, (83d) parce
que je n'ai point voulu m'endetter pour remplir toute la ville de l'odeur
des victimes, et que je me suis contenté de vous offrir un sacrifice
modeste de ce que j'avais chez moi ! » A cette réponse, le dieu lui tendit
la main en souriant, et lui promit d'envoyer cette année aux Mégariens,
pour l'amour de lui, une abondante provision d'anchois. Ceux donc à
qui leurs songes n'offrent que des images douces et paisibles, et jamais
rien de tumultueux ou de déréglé, doivent les regarder comme des traits de
lumière que la philosophie fait briller dans leur âme, comme les suites
naturelles des progrès qu'ils ont faits. Au contraire, les désirs
effrénés, les craintes, les fuites lâches, les joies immodérées, les
pleurs, les gémissements, et tous ces fantômes que l'imagination nous
présente dans des songes effrayants ou bizarres, ressemblent à des flots
orageux qui viennent en frémissant se rouler contre le rivage. Ils
prouvent que l'âme n'est pas encore établie dans ce calme profond auquel
elle aspire; qu'elle travaille à se perfectionner par des lois sages, mais
que (83e) le sommeil venant à suspendre cet exercice de la raison, elle
est alors en proie au tumulte des passions. Au reste, c'est à vous à juger
si cet état de l'âme n'est encore qu'un commencement de perfection, ou si
sa vertu est déjà si solide, que nul effort ne puisse plus l'ébranler.
Une exemption totale de passions étant une disposition parfaite, qui ne
convient qu'aux dieux, nos progrès dans la vertu ne consistent pas à les
détruire entièrement, mais à les adoucir et à les dompter. Il faut donc
les examiner en elles-mêmes et les comparer les unes avec les autres, pour
juger, par les différentes dispositions de notre âme, des progrès que nous
avons faits. (83f) D'abord, les examiner en elles-mêmes, et voir si la
cupidité, la crainte et la colère nous dominent moins qu'auparavant, si la
raison a pris sur elles assez d'empire pour en réprimer promptement les
saillies, et en amortir le feu ; en second lieu, les comparer les unes aux
autres, considérer si nous sommes plus sensibles à la honte qu'à la
crainte, si nous avons plus d'émulation que d'envie, plus de désir de la
gloire que d'amour des richesses ; en un mot, si les dissonances de nos
mœurs tiennent plus, pour ainsi dire, de l'excès du mode dorien,
naturellement grave et sérieux, que de celui du mode lydien, plus vif et
plus léger, c'est-à-dire, si notre manière de vivre tient plus de
l'austérité que de la mollesse; si dans nos entreprises nous sommes plus
circonspects qu'inconsidérés ;
|