[1064] (1064a) ἀλλ´ ὅμως οὗτοι τῆς φρονήσεως ἀντικαταλλάττονται τὴν ὑγίειαν.
Καὶ γὰρ Ἡρακλείτῳ φασὶ καὶ Φερεκύδῃ καθήκειν ἄν,
εἴπερ ἠδύναντο, τὴν ἀρετὴν ἀφεῖναι καὶ τὴν φρόνησιν, ὥστε
παύσασθαι φθειριῶντας καὶ ὑδρωπιῶντας· καὶ τῆς Κίρκης ἐγχεούσης δύο
φάρμακα, τὸ μὲν ποιοῦν ἄφρονας ἐκ φρονίμων τὸ δ´ ο- - - τὸν Ὀδυσσέα πιεῖν τὸ
τῆς ἀφροσύνης μᾶλλον ἢ μεταβαλεῖν εἰς θηρίου μορφὴν τὸ εἶδος, ἔχοντα τὴν
φρόνησιν — καὶ μετὰ τῆς φρονήσεως δηλονότι τὴν εὐδαιμονίαν —, καὶ ταῦτά
φασιν (1064b) αὐτὴν ὑφηγεῖσθαι καὶ παρακελεύεσθαι τὴνφρόνησιν·
« Ἄφες με καὶ καταφρόνησον ἀπολλυμένης ἐμοῦ καὶ διαφθειρομένης εἰς ὄνου
πρόσωπον. »
Ἀλλ´ ὄνου γε, φήσει τις, ἡ τοιαῦτα παραγγέλλουσα φρόνησίς ἐστιν, εἰ τὸ μὲν
φρονεῖν καὶ εὐδαιμονεῖν ἀγαθόν ἐστι τὸ δ´ ὄνου περιφέρειν πρόσωπον
ἀδιάφορον. Ἔθνος εἶναί φασιν Αἰθιόπων, ὅπου κύων βασιλεύει καὶ βασιλεὺς
προσαγορεύεται καὶ γέρα καὶ τιμὰς ἔχει βασιλέως, ἄνδρες δὲ πράσσουσιν ἅπερ
ἡγεμόσι πόλεων προσήκει καὶ ἄρχουσιν. Ἆρ´ οὖν παρὰ τοῖς Στωικοῖς ὁμοίως τὸ
μὲν ὄνομα καὶ τὸ σχῆμα τοῦ ἀγαθοῦ πάρεστι τῇ ἀρετῇ καὶ μόνην ταύτην
αἱρετὸν καὶ (1064d) ὠφέλιμον καὶ συμφέρον καλοῦσι, πράττουσι δὲ πάντα καὶ
φιλοσοφοῦσι καὶ ζῶσι καὶ ἀποθνήσκουσιν ὥσπερ ἀπὸ προστάγματος τῶν
ἀδιαφόρων; Καίτοι τὸν κύνα μὲν ἐκεῖνον οὐδεὶς Αἰθιόπων ἀποκτίννυσιν, ἀλλὰ
σεμνῶς κάθηται προσκυνούμενος, οὗτοι δὲ τὴν ἀρετὴν ἀπολλύουσιν ἑαυτῶν καὶ
διαφθείρουσι, τῆς ὑγιείας περιεχόμενοι καὶ τῆς ἀπονίας.
Ἔοικε δ´ ἡμᾶς ἀπαλλάττειν τοῦ περὶ τούτων ἔτι πλείονα λέγειν ὁ κολοφών,
αὐτὸς ὃν ὁ Χρύσιππος τοῖς δόγμασιν ἐπιτέθεικεν. Ὄντων γὰρ ἐν τῇ φύσει τῶν
μὲν ἀγαθῶν τῶν δὲ κακῶν τῶν δὲ {καὶ} μεταξὺ καὶ καλουμένων ἀδιαφόρων,
οὐδεὶς ἔστιν ἀνθρώπων ὃς οὐ βούλεται τἀγαθὸν (1064d) ἔχειν μᾶλλον ἢ τὸ
ἀδιάφορον καὶ τὸ ἀδιάφορον ἢ τὸ κακόν. Ἀλλὰ καὶ τοὺς θεοὺς δήπου
ποιούμεθα μάρτυρας, αἰτούμενοι ταῖς εὐχαῖς παρ´ αὐτῶν μάλιστα μὲν κτῆσιν
ἀγαθῶν, εἰ δὲ μή, κακῶν ἀποφυγήν, τὸ {δὲ} μήτ´ ἀγαθὸν μήτε κακὸν ἀντὶ μὲν
τοῦ ἀγαθοῦ μὴ θέλοντες ἔχειν ἀντὶ δὲ τοῦ κακοῦ θέλοντες. Ὁ δὲ τὴν φύσιν
ἐναλλάττων καὶ τὴν τάξιν ἀναστρέφων ἐκ τῆς μέσης χώρας τὸ μέσον εἰς τὴν
ἐσχάτην μετατίθησι, τὸ δ´ ἔσχατον εἰς τὴν μέσην ἐπανάγει καὶ μετοικίζει,
καθάπερ οἱ τύραννοι τοῖς κακοῖς προεδρίαν διδοῦσι, {καὶ} νομοθετῶν πρῶτον
διώκειν τὸ (1064e) ἀγαθὸν δεύτερον δὲ τὸ κακόν, ἔσχατον δὲ καὶ χείριστον
ἡγεῖσθαι τὸ μήτ´ ἀγαθὸν μήτε κακόν· ὥσπερ εἴ τις μετὰ τὰ οὐράνια τὰ ἐν
Ἅιδου τιθείη, τὴν δὲ γῆν καὶ τὰ περὶ γῆν εἰς τὸν τάρταρον ἀπώσειε
« τῆλε μάλ´, ἧχι βάθιστον ὑπὸ χθονὸς ἔστι βέρεθρον »
εἰπὼν οὖν ἐν τῷ τρίτῳ περὶ Φύσεως ὅτι
« λυσιτελεῖ ζῆν ἄφρονα ἢ μὴ βιοῦν, κἂν μηδέποτε μέλλῃ φρονήσειν »
ἐπιφέρει κατὰ λέξιν·
« τοιαῦτα γὰρ τὰ ἀγαθά ἐστι τοῖς ἀνθρώποις, ὥστε τρόπον τινὰ καὶ τὰ κακὰ
τῶν {ἄλλων} ἀνὰ μέσον προτερεῖν· ἔστι δ´ οὐ ταῦτα προτεροῦντα, ἀλλ´ ὁ
λόγος μεθ´ οὗ βιοῦν ἐπιβάλλει μᾶλλον, εἰ καὶ ἄφρονες ἐσόμεθα »
— δῆλον οὖν, εἰ καὶ ἄδικοι καὶ παράνομοι καὶ θεοῖς ἐχθροί, καὶ εἰ
κακοδαίμονες· (1064f) οὐθὲν γὰρ ἄπεστι τούτων τοῖς ἀφρόνως βιοῦσιν.
Ἐπιβάλλει τοίνυν κακοδαιμονεῖν μᾶλλον ἢ μὴ κακοδαιμονεῖν καὶ βλάπτεσθαι
μᾶλλον ἢ μὴ βλάπτεσθαι καὶ ἀδικεῖν ἢ μὴ ἀδικεῖν καὶ παρανομεῖν ἢ μὴ
παρανομεῖν· τουτέστιν ἐπιβάλλει τὰ μὴ ἐπιβάλλοντα ποιεῖν καὶ καθήκει ζῆν
καὶ παρὰ τὸ καθῆκον.
« Ναί· χεῖρον γάρ ἐστι τὸ ἄλογον καὶ τὸ ἀναίσθητον εἶναι τοῦ ἀφραίνειν. »
Εἶτα τί παθόντες οὐχ ὁμολογοῦσιν εἶναι κακόν, ὃ τοῦ κακοῦ χεῖρόν ἐστι;
Διὰ τί φευκτὸν ἀποφαίνουσι μόνον τὴν ἀφροσύνην,
| [1064] (1064a) cependant ils sont prêts à donner la sagesse pour la
santé; car ils prétendent qu'Heraclite et Phérécyde auraient bien fait de
renoncer, s'ils l'avaient pu, à la vertu et à la prudence pour se
délivrer, l'un de l'hydropisie, et l'autre de la maladie pédiculaire ;
qu'entre les deux breuvages de Circé, dont l'un changeait les sages en
insensés et l'autre rendait sages les fous, Ulysse aurait
dû boire celui qui causait la folie, plutôt que de se voir changer en
bête, eût-il dû même conserver sa vertu, et par conséquent son bonheur.
Ils soutiennent que (1064b) c'est la prudence elle-même qui dicte ce
choix, et qui leur dit : Abandonnez-moi et laissez-moi périr, si je dois
errer ça et là sous la forme d'un âne. Mais ne pourrait-on pas leur dire
que cette prudence est celle d'un âne, parce que la sagesse et le bonheur
sont de grands biens, et qu'avoir la figure d'un âne est en soi une chose
assez indifférente? On dit qu'il y a dans l'Éthiopie un peuple qui est
gouverné par un chien qu'on proclame roi, et qui jouit de tous les
honneurs et de toutes les prérogatives de la royauté. Les hommes y
exercent sous cet animal les fonctions qui dans les villes appartiennent
aux chefs et aux magistrats. N'en est-il pas de même de la vertu chez les
stoïciens? Elle a le nom et l'apparence du bien, ils disent qu'elle est
seule désirable, (1064d) utile et précieuse, mais ils raisonnent, ils
agissent, ils vivent ou meurent à l'ordre, pour ainsi dire, des choses
indifférentes. Au reste, chez les Éthiopiens, personne ne tue le chien qui
règne ; au contraire il est honoré et respecté de tout le monde ; mais les
stoïciens détruisent, anéantissent leur vertu, pour conserver la santé et
les richesses.
Le dernier sceau que Chrysippe a mis à cette belle doctrine me dispense
d'en dire davantage. Comme il y a dans la nature des biens et des maux et
des choses moyennes qu'on appelle indifférentes, il n'est personne
qui ne préfère le bien (1064d) à ce qui est indifférent, et ce qui est
indifférent au mal. Nous en prenons à témoin les dieux eux-mêmes, lorsque
nous leur demandons avant tout la jouissance des biens ou du moins
l'exemption des maux; car c'est à la place du mal, et non à celle du bien,
que nous voulons avoir ce qui n'est ni bon ni mauvais. Chrysippe
renversant cet ordre de la nature, transporte ce qui tient le milieu à la
dernière place, et ramène au milieu ce qui est au dernier rang ; il fait
comme les tyrans qui donnent aux méchants la première place. Il nous
ordonne de choisir d'abord ce qui est (1064e) bon, et ensuite ce qui est
mauvais, et de regarder ce qui est indifférent comme le pire de tout;
c'est la même chose que si l'on plaçait après le ciel le séjour des
enfers, et qu'on rejetât la terre et tout ce qui l'environne dans le Tartare,
"Cet abîme profond qui se perd sous la terre".
Après avoir dit dans son troisième livre sur la Nature qu'il vaut encore
mieux vivre insensé que de ne point vivre, quand même on ne devrait jamais
acquérir la sagesse, il ajoute ces propres termes :
« Telle est la nature des biens humains, que les maux mêmes précèdent les
choses indifférentes, non qu'ils l'emportent réellement sur celles-ci,
mais la raison nous persuade qu'il vaut encore mieux vivre, quand nous ne
devrions jamais parvenir à la sagesse, et même quand nous devrions rester
injustes, transgresseurs des lois, ennemis des dieux et des hommes et
souverainement malheureux; (1064f) car voilà l'état des hommes qui vivent
dans la folie. »
Ainsi, selon Chrysippe, il vaut mieux être malheureux que de ne pas
l'être, souffrir des maux que d'en être exempt, commettre des injustices
que de s'en abstenir, transgresser les lois que de ne pas les violer; ce
qui veut dire qu'il faut faire ce qui ne doit pas être fait, et qu'il
convient de vivre d'une manière non convenable.
« Assurément, vous dira-t- il, car c'est un état pire d'être privé de raison
et de sentiment que d'être fou. »
Mais à quoi pensent ces philosophes de ne vouloir pas reconnaître comme un
mal ce qui est pire que le mal même, et qui seul est capable de nous faire
préférer la folie,
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