[1063] παρὰ τὰς κοινάς ἐστιν ἐννοίας ψέγειν
(1063a) μὲν ὁμοίως καὶ κακίζειν πάντας ἀνθρώπους, χρῆσθαι δὲ τοῖς μὲν ὡς
μετρίοις τοῖς δ´ ὡς κακίστοις, καὶ Χρύσιππον μὲν ὑπερεκπεπλῆχθαι καταγελᾶν
δ´ Ἀλεξίνου, μηδὲν δὲ μᾶλλον οἴεσθαι μηδ´ ἧττον ἀλλήλων ἀφραίνειν τοὺς
ἄνδρας.
« Ναί » φασίν, « ἀλλ´ ὥσπερ ὁ πῆχυν ἀπέχων ἐν θαλάττῃ τῆς ἐπιφανείας οὐδὲν
ἧττον πνίγεται τοῦ καταδεδυκότος ὀργυιὰς πεντακοσίας, οὕτως οὐδ´ οἱ
πελάζοντες ἀρετῇ τῶν μακρὰν ὄντων ἧττόν εἰσιν ἐν κακίᾳ· καὶ καθάπερ οἱ
τυφλοὶ τυφλοί εἰσι, κἂν ὀλίγον ὕστερον ἀναβλέπειν μέλλωσιν, οὕτως οἱ
προκόπτοντες, ἄχρις οὗ τὴν ἀρετὴν ἀναλάβωσιν, ἀνόητοι καὶ μοχθηροὶ
διαμένουσιν. »
(1063b) Ὅτι μὲν οὖν οὔτε τυφλοῖς ἐοίκασιν οἱ προκόπτοντες ἀλλ´ ἧττον
ὀξυδορκοῦσιν, οὔτε πνιγομένοις ἀλλὰ νηχομένοις, καὶ ταῦτα πλησίον λιμένος,
αὐτοὶ διὰ τῶν πραγμάτων μαρτυροῦσιν. Οὐ γὰρ ἂν ἐχρῶντο συμβούλοις καὶ
στρατηγοῖς καὶ νομοθέταις ὥσπερ τυφλοῖς χειραγωγοῖς, οὐδ´ ἂν ἐζήλουν ἔργα
καὶ πράξεις καὶ λόγους καὶ βίους ἐνίων, εἰ πάντας ὡσαύτως πνιγομένους ὑπὸ
τῆς ἀφροσύνης καὶ μοχθηρίας ἑώρων.
Ἀφεὶς δὲ τοῦτο θαύμασον ἐκείνῃ τοὺς ἄνδρας, εἰ μηδὲ τοῖς ἑαυτῶν
διδάσκονται παραδείγμασι προέσθαι τοὺς διαλεληθότας (1063c) ἐκείνους
σοφοὺς καὶ μὴ συνιέντας μηδ´ αἰσθανομένους ὅτι πνιγόμενοι πέπαυνται καὶ
φῶς ὁρῶσι καὶ τῆς κακίας ἐπάνω γεγονότες ἀναπεπνεύκασι.
Παρὰ τὴν ἔννοιάν ἐστιν ἄνθρωπον, ᾧ πάντα τἀγαθὰ πάρεστι καὶ μηδὲν ἐνδεῖ
πρὸς εὐδαιμονίαν καὶ τὸ μακάριον, τούτῳ καθήκειν ἐξάγειν ἑαυτόν· ἔτι δὲ
μᾶλλον, ᾧ μηδὲν ἀγαθὸν ἔστι μηδ´ ἔσται, τὰ δεινὰ δὲ πάντα καὶ τὰ δυσχερῆ
καὶ κακὰ πάρεστι καὶ παρέσται διὰ τέλους, τούτῳ μὴ καθήκειν ἀπολέγεσθαι
τὸν βίον, ἂν μή τι νὴ Δία τῶν ἀδιαφόρων αὐτῷ προσγένηται. Ταῦτα τοίνυν ἐν
τῇ Στοᾷ νομοθετεῖται, καὶ πολλοὺς μὲν ἐξάγουσι τῶν σοφῶν ὡς (1063d)
ἄμεινον εὐδαιμονοῦντας πεπαῦσθαι, πολλοὺς δὲ κατέχουσι τῶν φαύλων ὡς
καθήκοντος αὐτοῖς ζῆν κακοδαιμονοῦντας. Καίτοι ὁ μὲν σοφὸς ὄλβιος μακάριος
πανευδαίμων ἀσφαλὴς ἀκίνδυνος, ὁ δὲ φαῦλος καὶ ἀνόητος οἷος εἰπεῖν·
« Γέμω κακῶν δὴ καὶ οὐκ ἔσθ´ ὅπου τεθῇ· »
ἀλλὰ καὶ τούτοις μονὴν οἴονται καθήκουσαν εἶναι κἀκείνοις ἐξαγωγήν.
« Εἰκότως δέ » φησὶ Χρύσιππος· « οὐ γὰρ ἀγαθοῖς καὶ κακοῖς δεῖ
παραμετρεῖσθαι τὸν βίον ἀλλὰ τοῖς κατὰ φύσιν καὶ παρὰ φύσιν. »
Οὕτως ἄνθρωποι σῴζουσι τὴν συνήθειαν καὶ πρὸς τὰς κοινὰς ἐννοίας
φιλοσοφοῦσι. τί λέγεις; Οὐ δεῖ σκοπεῖν
« Ὅττι τοι ἐν μεγάροισι κακόν τ´ ἀγαθόν τε τέτυκται »
τὸν περὶ βίου καὶ θανάτου σκοπούμενον, οὐδ´ ὥσπερ ἐπὶ (1063e) ζυγοῦ τὰ
πρὸς εὐδαιμονίαν καὶ κακοδαιμονίαν ἐξετάζειν ἐπίσημα μᾶλλον ὠφελ- - - ἀλλ´
ἐκ τῶν μήτ´ ὠφελούντων μήτε βλαπτόντων τοὺς πότερον βιωτέον ἢ μὴ
ποιεῖσθαι λογισμούς; Οὐ μέλλει πρὸς τὰς τοιαύτας ὑποθέσεις καὶ ἀρχὰς
καθηκόντως αἱρεῖσθαί τε τὸν βίον, ᾧ τῶν φευκτῶν οὐδὲν ἄπεστι, καὶ φεύγειν,
ᾧ πάντα τὰ αἱρετὰ πάρεστι; Καίτοι παράλογον μέν, ὦ ἑταῖρε, καὶ τὸ φεύγειν
τὸν βίον ἐν μηδενὶ κακῷ γενομένους, παραλογώτερον δέ, εἰ μὴ τυγχάνων τις
τοῦ ἀδιαφόρου τὸ ἀγαθὸν ἀφίησιν· ὅπερ (1063f) οὗτοι ποιοῦσι, τὴν
εὐδαιμονίαν προϊέμενοι καὶ τὴν ἀρετὴν παροῦσαν ἀνθ´ ὑγιείας καὶ
ὁλοκληρίας, ὧν οὐ τυγχάνουσιν.
« Ἔνθ´ αὖτε Γλαύκῳ Κρονίδης φρένας ἐξέλετο Ζεύς » ,
ὅτι χρύσεια χαλκείων, ἑκατόμβοια ἐννεαβοίων ἔμελλε διαμείψεσθαι. Καίτοι τὰ
μὲν χάλκεα τῶν ὅπλων οὐχ ἧττον ἢ τὰ χρυσᾶ παρεῖχε χρείαν μαχομένοις,
εὐπρέπεια δὲ σώματος καὶ ὑγίεια τοῖς Στωικοῖς οὔτε χρείαν οὔτ´ ὄνησίν τινα
φέρει πρὸς εὐδαιμονίαν·
| [1063] c'est renverser toutes les idées communes que de blâmer,
(1063a) d'accuser également tous les hommes, et cependant de traiter les
uns comme des gens sensés et raisonnables, et les autres comme des
scélérats ; d'avoir pour Chrysippe une admiration outrée, et de tourner
Alexinus en ridicule, tandis qu'ils ne croient pas l'un moins fou que l'autre.
« Cela est vrai, diront-ils, mais comme celui qui n'est plongé dans la
mer qu'à une coudée de sa surface ne se noie pas moins que celui qui y est
enfoncé de cinq cents brasses, de même ceux qui ne sont encore que dans le
chemin de la vertu ne tiennent pas moins au vice que ceux qui en sont tout
à fait éloignés. Les aveugles qui touchent au moment de recouvrer la vue
sont toujours dans la cécité ; et ceux qui font des progrès dans le bien
demeurent toujours insensés et vicieux tant qu'ils ne possèdent pas une
vertu parfaite. »
(1063b) Oui, messieurs, les hommes qui avancent dans la vertu ne
ressemblent ni à des aveugles ni à des gens qui se noient, mais seulement
à des personnes dont la vue n'est pas perçante ou qui nagent vers la
terre, et même assez près du port, et c'est ce que les stoïciens eux-mêmes
attestent par leur conduite ; car autrement ils ne choisiraient pas dans cette
dernière classe des conseillers, des magistrats, des législateurs, comme les
aveugles prennent des guides;
ils n'imiteraient pas leurs actions, leurs discours et leur vie, s'ils les
croyaient tous également plongés dans la folie et dans le vice.
Mais, sans insister sur cette inconséquence, admirez avec moi ces hommes
que leurs propres exemples ne portent pas à abandonner des sages qui ne se
connaissent pas eux-mêmes, (1063c) qui ne sentent point qu'ils ne sont pas
submergés sous les flots des vices, qu'ils commencent à voir la lumière,
et que, surnageant au-dessus des passions, ils respirent enfin librement.
Est-il moins contraire au sens commun de vouloir qu'un homme qui jouit de
tous les biens, à qui rien ne manque pour être parfaitement heureux,
renonce cependant à la vie? Il est encore plus absurde de dire que celui
qui n'a et n'aura jamais aucun bien, qui est destiné pour toujours à la
condition la plus dure et la plus misérable, ne doit pas cesser de vivre,
à moins qu'il ne lui arrive quelqu'un de ces accidents qu'ils mettent au
nombre des choses indifférentes. Voilà les lois qu'on dicte dans le
Portique, et qui portent un grand nombre de sages de cette école à sortir
de la vie, (1063d) sous prétexte qu'ils seront plus heureux, quoique,
selon les principes des stoïciens, le sage soit fortuné, heureux, comblé
de biens, exempt de tout danger, et établi dans une sûreté parfaite; qu'au
contraire l'homme méchant et insensé soit, pour ainsi dire, tellement
pétri de vices qu'on ne saurait trouver en lui un seul endroit qui en soit
exempt. Ils prétendent cependant qu'il lui convient de rester dans la vie,
et au sage d'en sortir.
« Et ce n'est pas sans raison que nous le croyons ainsi, dit Chrysippe :
car ce n'est ni par les biens ni par les maux qu'il faut estimer la vie,
mais par ce qui est conforme à la nature. »
Voilà comment les stoïciens maintiennent la conduite ordinaire et
raisonnent d'après les notions communes.
Mais à quoi pensez-vous, Chrysippe? Quoi! celui qui délibère s'il restera
dans la vie ou s'il la quittera ne doit pas examiner
"Et le bien et le mal qu'il a dans sa maison"?
Il ne doit pas, la balance à la main, (1063e) peser ce qui contribue au
bonheur ou ce qui cause l'infortune, et voir s'il a plus de biens que de
maux? Est-ce sur des choses qui ne lui sont ni utiles ni nuisibles qu'il
doit se décider à vivre ou à mourir? Faut-il qu'en suivant vos principes
et vos raisonnements, il préfère de vivre quand il a en partage ce que
tout le monde fuit, et qu'il se décide à mourir quand il possède tout ce
qu'on doit naturellement désirer ? Mais, mon cher Chrysippe, s'il est
contraire à la raison de quitter la vie quand on n'y éprouve aucun
malheur, il l'est bien davantage d'abandonner une jouissance si douce,
parce qu'on manque d'une chose indifférente, (1063f) comme font les
stoïciens qui renoncent à la félicité et à la vertu qu'ils possèdent,
parce qu'ils n'ont pas les richesses et la santé. Jupiter à Glaucus ôta
l'entendement, lorsque ce guerrier échangea pour des armes d'airain des
armes d'or qui valaient dix fois plus. Cependant des armes d'airain ne
sont pas moins utiles dans le combat que des armes d'or ; mais la bonne
complexion et la santé ne sont, aux yeux des stoïciens, d'aucun prix pour
le bonheur,
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