[1067] (1067a) ἀλλὰ μᾶλλον ἡμῶν πρὸς τὸ τὰ τοιαῦτα κρίνειν ὄψεως δεηθέντων.
Δεύτερον, ὅταν ἐκπυρώσωσι τὸν κόσμον οὗτοι, κακὸν μὲν οὐδ´ ὁτιοῦν
ἀπολείπεται, τὸ δ´ ὅλον φρόνιμόν ἐστι τηνικαῦτα καὶ σοφόν· ἔστι τοίνυν
φρόνησις οὐκ ὄντος κακοῦ, καὶ οὐκ ἀνάγκη κακὸν ὑπάρχειν, εἰ φρόνησις ἔνι.
Εἰ δὲ δὴ πάντως δεῖ τὴν φρόνησιν ἀγαθῶν εἶναι καὶ κακῶν ἐπιστήμην, τί
δεινόν, εἰ τῶν κακῶν ἀναιρεθέντων οὐκ ἔσται φρόνησις ἑτέραν τ´ ἀντ´
ἐκείνης ἀρετὴν ἕξομεν, οὐκ ἀγαθῶν καὶ κακῶν ἀλλ´ ἀγαθῶν μόνων ἐπιστήμην
οὖσαν; Ὥσπερ εἰ τῶν χρωμάτων τὸ μέλαν ἐξαπόλοιτο παντάπασιν, (1067b) εἶτά
τις βιάζοιτο καὶ τὴν ὄψιν ἀπολωλέναι, λευκῶν γὰρ οὐκ εἶναι καὶ μελάνων
αἴσθησιν, τί κωλύει φάναι πρὸς αὐτόν, ὅτι δεινὸν οὐδέν, εἰ τὴν μὲν ὑπὸ σοῦ
λεγομένην ὄψιν οὐκ ἔχομεν, ἄλλη δὲ πάρεστιν ἀντ´ ἐκείνης αἴσθησις ἡμῖν καὶ
δύναμις, ᾗ λευκῶν ἀντιλαμβανόμεθα καὶ μὴ λευκῶν χρωμάτων; Ἐγὼ μὲν γὰρ οὔτε
γεῦσιν οἶμαι φροῦδον ἂν γενέσθαι πικρῶν ἐπιλιπόντων, οὔθ´ ἁφὴν ἀλγηδόνος
ἀναιρεθείσης, οὔτε φρόνησιν κακοῦ μὴ παρόντος, ἀλλ´ ἐκείνας τε μένειν
αἰσθήσεις γλυκέων καὶ ἡδέων καὶ τῶν μὴ τοιούτων ἀντιλαμβανομένας, ταύτην
τε τὴν φρόνησιν ἀγαθῶν καὶ μὴ ἀγαθῶν ἐπιστήμην οὖσαν. (1067c) Οἷς δὲ μὴ
δοκεῖ, τοὔνομα λαβόντες ἀπολιπέτωσαν ἡμῖν τὸ πρᾶγμα. Χωρὶς δὲ τούτων, τί
ἐκώλυε τοῦ μὲν κακοῦ νόησιν εἶναι τοῦ δ´ ἀγαθοῦ καὶ ὕπαρξιν; Ὥσπερ οἶμαι
καὶ τοῖς θεοῖς ὑγιείας μὲν ἔστι παρουσία, πυρετοῦ δὲ καὶ πλευρίτιδος
νόησις. Ἐπεὶ καὶ ἡμεῖς, κακῶν μὲν ἀφθόνως πᾶσι παρόντων ἀγαθοῦ δὲ μηδενός,
ὡς οὗτοι λέγουσιν, ἀλλὰ τοῦ γε νοεῖν οὐκ ἀπολελείμμεθα τὴν φρόνησιν τὸ
ἀγαθὸν τὴν εὐδαιμονίαν. Ὃ καὶ θαυμαστόν ἐστιν, εἰ τῆς μὲν ἀρετῆς μὴ
παρούσης εἰσὶν οἱ διδάσκοντες ὁποῖόν ἐστι καὶ κατάληψιν ἐμποιοῦντες, τῆς
κακίας δὲ μὴ γενομένης οὐ δυνατὸν ἦν κτήσασθαι νόησιν.
(1067d) Ὅρα γὰρ οἷα πείθουσιν ἡμᾶς οἱ κατὰ τὰς ἐννοίας φιλοσοφοῦντες, ὅτι
τῇ μὲν ἀφροσύνῃ καταλαμβάνομεν τὴν φρόνησιν, ἡ δὲ φρόνησις ἄνευ τῆς
ἀφροσύνης οὔθ´ αὑτὴν οὔτε τὴν ἀφροσύνην καταλαμβάνειν πέφυκεν.
Εἰ δὲ δὴ πάντως ἐδεῖτο κακοῦ γενέσεως ἡ φύσις, ἓν ἦν δήπου παράδειγμα
κακίας ἱκανὸν ἢ δεύτερον· εἰ δὲ βούλει, δέκα φαύλους ἢ χιλίους ἢ μυρίους
ἔδει γενέσθαι, καὶ μὴ κακίας μὲν φορὰν τοσαύτην τὸ πλῆθος — οὐ ψάμμος, ἢ
κόνις, ἢ πτερὰ ποικιλοθρόων οἰωνῶν ἀρετῆς δὲ μηδ´ ἐνύπνιον.
(1067e) Οἱ μὲν γὰρ ἐν Σπάρτῃ τῶν φιδιτίων ἐπιμελούμενοι δύο ἢ τρεῖς ἐπίτηδες εἵλωτας
ἐμπεφορημένους ἀκράτου καὶ μεθύοντας εἰσάγοντες εἰς κοινὸν ἐπιδείκνυνται
τοῖς νέοις ὁποῖόν ἐστι τὸ μεθύειν, ὅπως φυλάττωνται καὶ σωφρονῶσιν, ἐν δὲ
τῷ βίῳ μάτην τὰ πολλὰ ταῦτα τῆς κακίας γέγονε παραδείγματα. Νήφων γὰρ
οὐδὲ εἷς ἐστι πρὸς ἀρετήν, ἀλλὰ ῥεμβόμεθα πάντες, ἀσχημονοῦντες καὶ
κακοδαιμονοῦντες· οὕτως ὁ λόγος ἡμᾶς μεθύσκει καὶ τοσαύτης καταπίμπλησι
ταραχῆς καὶ παραφροσύνης, οὐδὲν ἀπολείποντας τῶν κυνῶν, ἅς φησιν Αἴσωπος
δερμάτων τινῶν ἐμπλεόντων ἐφιεμένας (1067f) ὁρμῆσαι μὲν ἐκπίνειν τὴν
θάλασσαν, ῥαγῆναι δὲ πρότερον ἢ τῶν δερμάτων λαβέσθαι. Καὶ γὰρ ἡμᾶς ὁ
λόγος ἐλπίζοντας εὐδαιμονήσειν δι´ αὐτοῦ καὶ τῇ ἀρετῇ προσοίσεσθαι, πρὶν
ἐπ´ ἐκείνην ἀφικέσθαι, διέφθαρκε καὶ ἀπολώλεκε, πολλῆς ἀκράτου καὶ πικρᾶς
κακίας προεμφορηθέντας· εἴ γε δὴ καὶ τοῖς ἐπ´ ἄκρον προκόπτουσιν, ὡς οὗτοι
λέγουσιν, οὔτε κουφισμὸς οὔτ´ ἄνεσις ἔστιν οὔτ´ ἀναπνοὴ τῆς ἀβελτερίας καὶ
κακοδαιμονίας.
| [1067] (1067a) mais plutôt c'est pour discerner ces couleurs que nous avons
besoin de la vue. En second lieu, quand le monde sera consumé par un
embrasement général, comme le croient les stoïciens, il ne restera plus
aucune trace de mal, et l'univers n'en sera pas moins prudent et sage. Il
est donc vrai que la prudence peut exister sans le mal ; et de ce que la
prudence existe, il ne suit pas nécessairement que le mal existe aussi.
D'ailleurs, en supposant que la prudence ne soit que la science des biens
et des maux, quel inconvénient y aurait-il que, les maux étant détruits,
il n'y eût plus de prudence, et qu'elle fût remplacée par une autre vertu
qui ne serait pas la science des biens et des maux, mais seulement celle
des maux? Si, parmi les couleurs, le noir venait à disparaître entièrement,
(1067b) et qu'on voulût nous forcer à dire que l'organe de la vue a été aussi
détruit, puisqu'il ne peut plus être le discernement du noir et du blanc,
qui nous empêcherait de répondre
qu'il n'y a aucun mal à n'avoir plus ce dernier genre de perception, mais
une autre sensation qui nous ferait apercevoir les objets blancs et tous
ceux d'une autre couleur ? Le goût et le tact seraient-ils détruits, s'il
n'y avait plus ni saveur amère ni douleur? La prudence ne le serait pas
davantage si le mal était anéanti. Les sensations des choses douces et
agréables, et de celles qui ne le sont pas, subsisteraient toujours, de
même que la prudence, qui serait alors le discernement de ce qui est bien
et de ce qui ne l'est pas. (1067c) Que ceux qui pensent autrement
suppriment le nom et nous laissent la chose. D'ailleurs, qui empêche que
le mal n'existe qu'en idée, et que le bien ait une existence réelle? C'est
ainsi, par exemple, que les dieux possèdent la santé, et ne connaissent
que par la pensée la fièvre et la pleurésie; que nous-mêmes, qui, selon
les stoïciens, n'avons que des maux sans aucun bien, nous ne laissons pas
d'avoir l'idée de la prudence, du bien et du bonheur. D'après cela,
n'est-il pas bien surprenant que ces philosophes soutiennent que nous
ayons la perception de la vertu lors même qu'elle n'est pas en nous, et
qu'ils veuillent nous en faire connaître la nature, tandis que nous ne
pouvons, suivant eux, avoir l'idée du vice qu'autant qu'il existe?
(1067d) Voyez encore ce que prétendent nous persuader ces hommes qui
raisonnent avec tant de bon sens. Ils disent que c'est l'imprudence qui
nous donne l'idée de la prudence, et que, sans elle, la prudence n'aurait
ni la perception d'elle-même ni celle de l'imprudence. Mais si la nature
avait eu absolument besoin de produire le mal, un ou deux exemples
auraient pu suffire ; admettons même, s'ils le veulent, qu'il eût fallu
dix hommes vicieux, mille ou même dix mille, au moins ne lui aurait-il pas
fallu une si prodigieuse abondance de vices,
que ni les grains de sable et de poussière, ni les plumes si variées des oiseaux
ne peuvent les égaler, tandis qu'il y aurait eu à peine une ombre de vertu.
(1067e) A Sparte, ceux qui présidaient aux repas communs
des citoyens faisaient entrer dans la salle deux ou trois Ilotes ivres,
afin que les jeunes gens, qui voyaient combien l'ivresse
était un vice honteux, apprissent à l'éviter et à être sobres. Mais, dans
la vie humaine, combien d'exemples d'ivresse? Personne n'y est sobre pour
la vertu ; nous errons tous au hasard, et nous menons une vie aussi
honteuse que misérable, tant la raison elle-même nous jette dans l'ivresse
et nous remplit de folie ! Nous ressemblons à ces chiens d'Ésope qui,
voyant des peaux flotter sur les ondes, (1067f) entreprirent de boire la
mer, et crevèrent avant que d'avoir pu approcher de ces peaux. Il en est
de même de notre raison ; nous espérons, en la suivant, arriver à la vertu
et au bonheur; mais, avant que nous ayons pu y parvenir, elle nous
corrompt, elle nous perd, pleins que nous sommes déjà d'une méchanceté
qu'aucun bien ne rachète, s'il est vrai, comme les stoïciens le disent,
que ceux même qui ont fait les plus grands progrès dans la vertu
n'éprouvent aucune amélioration, et ne sauraient respirer un seul instant
sous le poids du vice et du malheur qui les accablent.
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